"Phoenix Wright ... Un jeu d'avocat... c'est un visual novel... il y a jamais de phases de jeu dans ces trucs là et en plus il a une durée de vie d'une dizaine d'heures? J'accrocherais jamais à ça!"
Pourtant, quand j'ai vu le logo CAPCOM sur la jaquette, je me suis dis que je devais au moins essayer.
Voila ce que je pensais, moi jeune sans goût, quand le jeu est arrivé en France, sans même le savoir je venais de découvrir le premier opus d'une de mes séries préférées. Une série qui m'a foutu une sacrée claque en réussissant à me faire rire (3eme affaire du 1), en me confrontant à ce qui est à mes yeux l'un des plus grands dilemmes vidéoludique qui soit (dernière de JFA) et en me faisant pleurer (4eme de T&T). Maintenant, parlons du jeu :
Vous devrez enquêtez sur des meurtres en alternant deux phases:
-l'enquête ( durant laquelle vous inspecterez les lieux du crime, interrogerez les différents témoins afin d'avoir des pièces à conviction, bref du Point & Click en gros )
-le procès ( où il faudra faire éclater la vérité au tribunal: vous serez confronter à des témoignages contenant une erreur, une contradiction qu'il faudra prouver en présentant une pièce à conviction au moment propice afin d'acquitter vos clients et de mettre les vrais coupables derrière les barreaux ).
Ne vous attendez pas à un jeu bourré d'action ( même si certaines confrontations sont tout bonnement épiques ) , dans Phoenix Wright: Ace Attorney la logique et la réflexion occupent le devant de la scène ( mais c'est pas pour autant qu'il n'y aura pas de phases de gameplay ), ce qui pourrait en décourager quelques-un(e)s, mais les développeurs y ont pensé: la difficulté, de ce 1er jeu de la saga, est très bien dosée, chacune des 5 affaires est plus complexe ( pas plus marquante ou meilleure, mais plus difficile ) que la précédente ( la 1ere est un tutoriel on ne peut plus simple et la 5eme vous demandera d'avoir de l'aspirine sur vous ).
Le scénario est assez bon, ciblé sur le passé des personnages principaux qui d'ailleurs évolueront au fil du jeu, et possède un fil rouge reliant la plupart des affaires... même si certaines seront HS et ne feront pas avancer l'histoire: le plus gros défaut du jeu, selon moi, avec
-les soucis de rythme des 3eme et 5eme affaires,
-le fait que le soft soit relativement bavard ( enjoy les dialogues de 4 heures avec les pnj pour un maigre indice )
-et le manque de liberté pendant les phases d'enquêtes.
Je pourrais aussi parler de l'OST qui se synchronise avec l'intensité du jeu: en bref, il y a ( presque ) une musique pour tout: l'ouverture calme et solennelle du procès, un témoignage décisif, une confrontation épique contre un criminel etc...
Bilan personnel:
Ce premier opus, ( bien que ça me tue de le dire ) est un épisode assez moyen vis à vis du reste de la série ( bien en dessous de T&T, GK2 et DD ), mais reste un très bon jeu que je conseille aux possesseurs de la DS ( et de la 3DS aussi puisque pour 30-40 euros sur l'eshop vous pouvez découvrir, ou comme moi redécouvrir, la trilogie, traduite seulement en anglais ).
Quand aux affaires ...
La 1ere est un simple tutoriel qui nous fait découvrir le gameplay, mais aussi des personnages assez drôles (le juge et le coupable en particulier) qu'on apprend à connaître durant ce premier procès.
On découvre ainsi le concept de la série Ace Attorney: un avocat débutant qui a confiance en ses clients et qui lutte contre des tueurs pendant des face à face impressionnants.
La 2eme nous fait comprendre que cette série va toujours nous surprendre ( et ça c'est très très fort ), après une fin plutôt niaise pour la 1ere affaire on se mange un bon gros twist émotionnel de la part des développeurs dans la gueule.
Rien à redire sur cette affaire:
-elle réussit à nous faire basculer complètement d'univers, l'humour de la 1ere affaire laisse place à une ambiance bien plus sombre et ce en quelques minutes,
-le coupable joue son rôle de petite p*te à la perfection ( rendant la fin du procès encore plus savoureuse ),
-elle nous fait découvrir une nouvelle facette du gameplay: les phases d'enquête,
-elle prouve l'importance des pièces à convictions, en faisant d'une d'entre elles le mobile du meurtrier,
-elle nous montre le procureur de cet opus, qui est détestable au passage ( peut-être encore plus que le tueur ) n'hésitant pas à cacher la vérité pour conserver sa série de "victoires" ainsi que Maya Fey, l'acolyte de cet opus et le détective Dick Tektiv,
- Et plus important que tout la mort du mentor, Mia Fey, est étonnamment bien écrite:
elle n'essaie pas d'être LA mort clichée de l'ami/frère/père/mentor du héros en début de jeu, juste là pour émouvoir le joueur comme on en croise dans beaucoup, beaucoup, beaucoup de jeux ( coucou the last of us, fable, assassin's creed &co).
Ce n'est pas parce qu'un jeu vidéo réussit à insuffler des émotions à son public qu'il est bien écrit pour autant, et ça les scénaristes de Phoenix Wright : Ace Attorney l'ont très bien compris et ce pour plusieurs raisons:
premièrement, la mort de Mia Fey ne cherche pas à être héroïque ou spectaculaire, elle ne disparaît pas en essayant de protéger quelqu'un, on a là une mort froide, triste et "humaine" assez proche de celle d'Aeris dans Final Fantasy VII;
deuxièmement, ce n'est pas vraiment Phoenix qui venge Mia mais la victime elle-même, les scénaristes auraient très bien pu se contenter de laisser au joueur le plaisir de mettre en prison Redd White mais non, en fin de compte tout ce qu'aura fait Phoenix au cours de ce 2eme procès c'est défendre Maya et lui-même, il n'est qu'un avocat là pour défendre ses clients et obtenir un verdict non coupable.
Bien que Phoenix essaye de mettre en prison Redd White il n'y arrive pas... ou plutôt pas seul, c'est grâce à son mentor qu'il remporte le procès: c'est Mia ET Phoenix qui se vengent de White et non le joueur uniquement.
Phoenix ne devient pas l'as des avocats, l'égal de son mentor simplement en le vengeant et en mettant sous les barreaux Redd White. Phoenix Wright n'est pas un héros après cette affaire mais commence à le devenir... et c'est ça qui rend La volte-face des sœurs si réussie à mes yeux.
Néanmoins, je pense qu'on pourrait reprocher à cette affaire d'être un chouïa trop simple et trop courte.
La 3eme nous fait découvrir un duo hilarant, une affaire assez complexe avec plein de bonnes idées, un Hunter/Edgeworth qui devient plus sympathique que dans la précédente affaire et pour la 1ere fois de la série on est confronté à un coupable qu'on ne souhaite pas mettre en prison.
C'est cependant dommage que les phases d'enquêtes de cette affaire soient si ennuyantes et durent si longtemps ( le troc de cartes juste là pour faire gonfler la durée de vie m'a bien fait c**** )
La 4eme juste INCROYABLE ! Notre client ne peut pas être dans une pire situation, lui-même se croit coupable, ce qui crée une atmosphère vraiment pesante.
De plus, cette affaire permet à Phoenix de s'émanciper et de ne plus être l'avocat timide qu'il était au début du jeu: Phoenix ne naît donc pas héros, il le devient. Ce qui le rend extrêmement attachant.
Et pas que Phoenix d'ailleurs, Miles Edgeworth/Benjamin Hunter lui-aussi va avoir droit à une certaine construction de son personnage... c'est d'ailleurs assez intéressant de voir son évolution:
-c'est d'abord un procureur arrogant, pensant que chaque accusé est coupable et ne voyant en Phoenix qu'un obstacle à sa réussite personnelle, bref un vrai petit Von Karma junior.
- puis Hunter met de côté cet aspect de sa personnalité pendant la 3eme affaire, n'hésitant pas à aider Phoenix à coincer Dee Vasquez quitte à perdre une seconde fois,
-enfin pour cette affaire, malgré quelques réticences au début, il accepte que son rival devienne son avocat puis, vers la fin de cette affaire, Hunter finit par admettre un meurtre qu'il est certain d'avoir commis, prouvant ainsi à quel point sa vision de la justice a changée ( ses victoires au tribunal deviennent à ses yeux moins importantes que la vérité ).
La fin devient alors incroyablement satisfaisante, Von Karma symbolisant ce qu'il y avait de pire en Hunter, c'est putain de gratifiant de le mettre en prison et de voir son ancien élève être innocenté, le Hunter de cette affaire n'a, à ce moment précis, plus rien à voir avec son mentor et en est même devenu l'opposé ainsi de ce qu'il était en début de jeu.
On est donc spectateur de la condamnation de "l'ancien Hunter"/ Von Karma, falsificateur de preuve et accessoirement enfoiré de première,
mais aussi du verdict non coupable pour "le nouveau Hunter" qui n'est plus vu ni comme un criminel aux yeux de la justice, ni comme un procureur arrogant, corrompu et détestable aux yeux du joueur.
L'affaire en elle-même est vraiment bonne, le déroulement du meurtre est original et est, mine de rien, sacrément complexe. Aussi, il n'y a pas de temps mort et le dénouement a le mérite d'être très surprenant.
Le seul gros défaut de cette affaire est la motivation du coupable ( bien que le meurtrier est + ou - une caricature de la justice corrompue, on a du mal à croire qu'il ai tué juste pour un "sans-faute" )
La 5eme spécial DS est bien plus complexe que la précédente mais elle souffre, à mon humble avis, de quelques défauts:
-Elle est chronologiquement incorrecte ( Hunter/Edgeworth n'est pas censé être un procureur après la 4eme affaire) ça ne m'a pas dérangé mais je comprend qu'on puisse l'être.
-Elle dure vraiment, vraiment, vraiment longtemps ( En soi c'est pas tout à fait un défaut mais devoir être confronté à du remplissage pendant les phases d'enquête ça peut être ennuyant, surtout qu'en comparaison, l'affaire précédente était au contraire très bien rythmée )
-Les pnj de cette affaire sont pour moi plutôt décevants ( Angel Starr, par exemple, qui justifie les contradictions dans ses témoignages par une phrase du genre : "Pardon j'ai menti parce que j'aime pas la gueule de l'accusée, je peux avoir une énième chance de témoigner svp ?" ), cependant il y en a un que j'ai adoré: le coupable ( il est à la fois détestable, drôle, épique, bref il est à mes yeux le meilleur boss de la série à ce jour ce qui mérite quelques applaudissements ).
Et mon classement purement subjectif des affaires serait celui-ci:
La volte-face des soeurs (2) > Phoenix renaît de ses cendres (5) = Adieux et volte-face (4) >> La volte-face du Samouraï (3) >>> La première volte-face (1)