Rauatai saucisse
Je n'avais pas fini le premier, lassé par ses dialogues pompeux et ses délires métaphysiques à base de noms ridiculement imbitables. Pourtant je kiffe ce genre de jeux, et j'avais apprécié certains...
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le 12 mars 2020
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L'exercice difficile de la réalisation d'une suite peut très rapidement tourner au cauchemar pour un studio de développement. Comment réussir à satisfaire les adeptes d'un premier jeu, tout en attirant de nouveaux joueurs qui n'auraient pas été attirés par la proposition originale ?
Avec Deadfire, le studio Obsidian fait le pari audacieux de nous faire découvrir une région qui n'a rien à voir avec le théâtre des événements du premier opus. Ainsi, nous quittons les terres très heroic fantasy du Dyrwood pour découvrir une région sous le signe de la piraterie : l'archipel du feu éteint (ou Deadfire en version originale).
En préambule, je pense que pour comprendre cette critique, il est important de préciser deux points avant de me lancer. Le premier concerne mon amour irrationnel pour un certain Baldur's Gate 2, la plus tendre de mes madeleines de Proust. Forcément un jeu comme Pillars of Eternity cherche à titiller cette fibre nostalgique du "c'était mieux avant".
Deuxièmement, je n'ai jamais terminé Pillars of Eternity premier du nom. Le jeu me plaisait, mais n'est pas parvenu à me tenir en haleine jusqu'à son dénouement pour une raison qui m'échappe encore... Malgré tout, cette suite m'a très vite attirée, grâce à son thème pour le moins original pour un C-RPG : la piraterie fantastique.
Garantie sans Jack Sparrow
Une fois ce petit avant-propos fait, il convient de présenter Pillars of Eternity II: Deadfire, qui fait chronologiquement office de suite plus ou moins directe (il se permet une petite ellipse) au premier volet. Comme d'habitude pour tout ce qui concerne les éléments de scénario, une petit balise de spoiler s'impose, bien que je n'aborderai que les éléments d'introduction de l'histoire.
Une petite séquence cinématique à base d'artworks animés vous rappelle (ou dans mon cas, fait découvrir) la situation de la fin du premier jeu. Visiblement, votre superbe château était bâti au dessus d'une immense statue - incarnation d'une divinité - qui décide de prendre vie. En sortant de terre, votre bâtisse est évidemment dévastée avec tous ses occupants. Votre personnage est lui même affecté puisqu'une partie de son âme se retrouve mystérieusement raflée par le colosse qui entame alors une randonnée vers une destination inconnue. Problème : il semblerait que vous ne puissiez pas bien survivre à un éloignement trop prononcé avec votre autre bout d'âme. Vous voilà donc engagé dans une poursuite vitale qui vous mène directement dans les contrées tropicales du Deadfire...
Vous l'aurez compris, nos nouvelles aventures se dérouleront désormais sur un archipel d'îles qui sentent bon le rhum. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le travail visuel sur ce nouvel univers insulaire n'a pas été fait à moitié. Les premiers contacts avec le jeu laissent entrevoir une évolution assez spectaculaire sur le plan technique : le jeu reste avec une caméra vue de dessus, mais le nombre d'éléments en 3D animés qui s'affiche à l'écran et leur rendu est assez impressionnant. Tous les arbres / plantes bougent, les personnages sont animés avec soin, les ombres se projettent sur les décors. La rendu proposé par le moteur du jeu magnifie sa direction artistique inspirée et variée. Dommage que l'optimisation ne suive pas vraiment, avec des zones sur lesquelles une bonne configuration (i7, GTX970) ne parvient pas à maintenir un framerate stable. Peut-être la tradition Obsidian de sortir des jeux un peu bugués, qui verra donc un patch dans les prochaines semaines arriver ?
Batailles navales à coup de crayons à papier...
Pour revenir au jeu en lui-même, la boucle de gameplay reprend les mêmes éléments que le premier épisode (qui lui même s'inspirait des mécaniques des Baldur's Gate & Cie). Le joueur alterne les phases d'exploration / dialogues avec des phases de combats en temps réel avec système de pause de l'action à la demande.
Concernant l'exploration, spécificité régionale, le déplacement sur la carte du monde se fait à l'aide d'un bateau qui vous permet de voguer d'île en île. Malheureusement, les développeurs semblent s'être mis en tête que le joueur aurait envie de gérer son navire et son équipage. Ainsi, il sera à votre charge de recruter vos matelots et de s'assurer que ces derniers aient à boire, à manger et gardent le moral, faute de quoi une petite mutinerie pourrait bien se monter contre vous... Cette gestion n'apporte pas grand chose au jeu, et ce qui initialement aurait pu être un moyen de transport pour vous donner envie de découvrir l'univers devient alors une corvée onéreuse (le Rhum, c'est cher !) et peu captivante dans ses mécaniques.
D'autant que ces petites croisières sur le Feu éteint ne sont pas de tout repos, et des pirates locaux (ou autres factions adverses) comptent bien rompre la monotonie de vos trajets à coup de boulets de canon et autre phases d'abordage. Ce qui nous amène donc aux combats du jeu.
Les batailles navales se déroulent en deux étapes. La première s'apparente à une danse des bateaux à distance, phase durant laquelle le joueur organise l'approche de son navire vers son assaillant ainsi que les moments durant lesquels il souhaite tirer à coup de canon. Problème : Obsidian a fait le choix de gérer ces joutes de manière totalement textuelles (en mode jeu de rôle papier). Si l'originalité de la tentative est à louer, l’exécution donne lieu à un cafouillis incompréhensible et pas franchement intéressant. Heureusement, il est possible de passer cette étape pour passer directement à l'abordage...
...et combats sur terre mal taillés
Et nous voilà donc dans le vrai cœur du système de combat du jeu, le même que l'on retrouve également lorsqu'on se combat sur la terre ferme (rassurez-vous, l'essentiel des combats se déroulent sur terre lors de vos explorations). Le joueur s'occupe de diriger son groupe de cinq personnages, aux classes variées et complémentaires. Le "casting" de classe n'apporte pas vraiment de proposition originale, on reste dans les classique guerriers, mages, soigneurs... Nouveauté de cet opus, l'apparition du multi-classe, qui permet à un personnage d'avoir deux classes à la fois au détriment d'une progression des compétences deux fois plus lente. Le système de combat reste relativement classique pour ce genre de jeu, mais devient très vite confus lorsque trop d'ennemis sont à l'écran, la faute à une interface mal pensée qui n'affiche pas correctement les informations de vie et de position des adversaires. A tel point qu'il peut être difficile de cibler un assaillant précis...
Autre problème, au niveau de la difficulté cette fois. Le jeu est globalement trop simple pour les habitués du genre. Quelques pics de difficultés ridicules sont à prévoir sur la route cependant.
Pour en finir avec les combats, on regrettera également une certaine opacité dans les mécaniques des systèmes en place, avec des descriptifs des différentes statistiques et aptitudes pas franchement clairs, et au final pas bien impactants puisque le jeu est globalement trop facile.
La diplomatie du Rhum
Lorsque vous serez lassé de couler des navires et de vous dorer la pillule sur le pont de votre navire, vous pourrez également faire un peu de tourisme sur les îles environnantes. Evidemment,
le passage d'un colosse dans le coin ne passe pas inaperçu et
très vite bon nombre de locaux vont se mettre en tête que vous pourriez être la solution miracle à tous leurs problèmes.
La situation politique du coin n'est pas des meilleures. Entre pirates adeptes du trafic d'humains, monarchie locale à base de castes et autres compagnies commerciales avides d'exploiter les ressources des tribus du coin, il sera difficile de se choisir des alliés. Les thèmes abordés par le jeu sont finalement assez rarement mis en avant dans ce média, puisqu'on parle ici de colonisation et de ses conséquences. Les options de dialogues offertes au joueur sont variées et dépendent de certaines de ses statistiques (diplomatie, roublardise & Cie). Au global, l'écriture du jeu se situe dans le haut du panier de ce qu'offre le genre, avec des choix moraux souvent difficile à prendre (il n'y a pas vraiment de méchants et pas vraiment de gentils). Un peu plus de rebondissements dans l'intrigue principale n'auraient pas été de trop, mais sans que ce soit réellement préjudiciable pour l'expérience proposée. Notons que l'intégralité du jeu est désormais doublé (malgré tout si vous êtes allergiques à la lecture, demi-tour), et que ce doublage est d'assez bonne facture.
Il faut néanmoins reconnaître qu'il est très facile de s'y perdre face à la multitude de protagonistes et factions qui interviennent. D'autant que les noms de personnages et lieux sont tous exotiques, et pas toujours simples à retenir. Heureusement, Deadfire hérite du système de "mémo" du précédent jeu d'Obsidian (Tyranny) : en survolant certains mots clé, un petit texte s'affiche pour vous rappeler de quoi il s'agit. Pour les joueurs qui n'auraient pas fait le premier opus, des rappels des événements passés sont ainsi fait. Pour ceux qui avaient terminé le premier jeu, il est possible de conserver son personnage et ainsi avoir les conséquences de certaines décisions qui avaient été prises.
Reste à mon sens un problème central dans la narration de ce jeu. Comme tout titre du genre, il est assez simple de prime abord de distinguer quête principale et quêtes secondaires (liées aux factions locales). Très rapidement cependant, les deux vont se chevaucher, et vos décisions liées aux factions pourraient avoir des conséquences plus ou moins importantes sur la trame principale. Sur le papier, c'est une très bonne chose. Dans la pratique, force est de constater que les conséquences ne sont pas toujours bien claires pour le joueur, et que certaines "voies" manquent peut être dans ce qui aurait pu être proposé et attendu. Difficile d'être plus explicite à ce niveau sans taper dans un gros spoil du scénario. Il faut juste avoir en tête qu'une certaine frustration peut résulter des choix faits, issus d'un manque de lisibilité et d'une fin qui arrive peut être un peu plus tôt que ce que l'on pourrait penser.
Au final, ce Deadfire propose une aventure sous des latitudes originales pour le genre. Agréable à parcourir, mais pas dénué de vilains défauts, il n'en reste pas moins un titre à la réalisation solide et à l'écriture réussie. Pour tous les amateurs de C-RPG, la question ne se posait pas vraiment. Pour les autres, j'aurais tendance à d'avantage les orienter vers Tyranny pour découvrir le genre. Enfin, pour tous les aficionados de piraterie qui n'auraient pas peur de s'attirer les mauvaises grâces d'un Kraken, foncez !
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Créée
le 18 mai 2018
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