Après un épisode "Let's Go" en 2018, qui faisait plus office d'apéritif pour nous faire patienter avant la sortie d'un "vrai" nouveau jeu, voilà qu'arrivent Pokémon épée et Pokémon bouclier, les deux nouveaux jeux principaux de la franchise, nous proposant une nouvelle région, de nouvelles créatures à attraper et de nouvelles mécaniques de jeu. C'est également le premier jeu Pokémon majeur à sortir sur Switch, console qui a connu depuis sa sortie nombre d'excellents jeux Nintendo, notamment Zelda: Breath of the Wild, qui a su amener sa licence dans une nouvelle direction tout en respectant les fondamentaux de cette dernière. Mais avant même leur sortie, ces nouveaux opus ont été au centre de plusieurs polémiques, tout d'abord, la plus importante: l'absence de Pokédex national et donc l'impossibilité de capturer l'ensemble des Pokémon existant. Game Freak annonce qu'ils doivent retravailler tous les modèles 3D du jeu pour le passage de la 3DS à la Switch, et qu'ils préfèrent ainsi privilégier "la qualité à la quantité" en amputant le jeu d'une partie des créatures existantes. Si l'argument est recevable à première vue, il s'écroule quelques jours avant la sortie, quand le jeu leak et que les fans réalisent qu'un grand nombre des Pokémon sont strictement identiques à leur version de Soleil/Lune (eux-même déjà très proches de X/Y). Un hashtag est alors lancé, le fameux #GameFreakLied, qui dénonce les mensonges du studio, ainsi que leur apparente fainéantise sur ces nouveaux jeux.
C'est donc dans un climat plutôt tendu que Pokémon épée et bouclier sortent, mais alors, que valent vraiment ces deux épisodes ?
Tout d'abord, évacuons le plus gros boulet du jeu, à savoir l'aspect technique. Si la direction artistique est réellement réussie, avec des lieux plutôt intéressants visuellement et très variés, la réalisation ne suit pas. Même si les graphismes ne sont pas hideux, ils sont largement en deçà de ce dont la Switch est capable. Les animations des personnages sont très semblables à ce qu'on avait sur 3DS, il y a un phénomène de clipping assez honteux et certaines textures nous rappelleraient presque les sombres heures du début de la 3D sur Nintendo 64 et Playstation (en particulier les arbres des terres sauvages). Si on s'y fait avec le temps, il faut avouer que ça fait un peu de peine à voir au premier abord.
Côté histoire, vous vous doutez qu'on est pas dans un scénario digne d'un oscar, après tout, on est dans Pokémon, et la progression sera la même que celle que l'on connait depuis 20 ans: faire le tour de la région et récolter les badges d'arène avant d'affronter le maître de la ligue. Aucune révolution donc, et même un retour en arrière concernant les arènes, qui sont ici de retour après avoir été absentes de la 7ème génération. Cependant, et c'est une première dans la franchise, on traite enfin les combats Pokémon comme une activité qui attire un public et qui est vu comme un sport. Toutes les arènes fonctionnent de la même façon: une partie "énigme" (déjà présente dans la plupart des anciens jeux) suivi ici d'un affrontement au milieu d'un stade plein à craquer. J'ai personnellement réellement apprécié cette partie du jeu, car même dans les arènes de bas niveau, on a vraiment l'impression de réussir quelque chose, de briller devant un public. Cela est également appuyé par le quasi-culte voué au maître de la région, Tarak, présenté dès le début du jeu par son frère Nabil (vous remarquerez au passage la référence au duo de PNL) comme le plus grand dresseur de la région, invaincu depuis toujours. Ici, pas de suspens sur qui est le maître de la région, comme ça avait pu être le cas dans les jeux précédents.
L'aspect arènes est donc réussi, mais qu'en est-il du reste ? Le jeu propose ici non pas un, ni deux, mais trois rivaux qui nous affronteront régulièrement dans notre aventure. Tout d'abord, Nabil, frère de Tarak, qui est ici l'archétype du rival amical, à la manière de Tili dans la 7ème génération, et ce n'est pas un compliment. Ensuite, Travis, le rival arrogant, à la manière de Blue à Kanto. Un personnage ultra-caricatural au début, mais qui étonnement parvient presque à devenir touchant par la suite. Enfin, mon coup de cœur de ces jeux: Rosemary, rivale soutenue par la Team Yell, un groupe de fans un peu hystériques prêts à tout pour la voir réussir, et qu'elle n'hésitera pas à remettre à leur place plus d'une fois. Cependant, cela m'amène à parler d'un problème du jeu: son absence de Team intéressante. La team Yell n'a aucun charisme, encore pire que la team Skull de Sun/Moon. Mais la team Skull et leur leader Guzma n'étaient pas les réels méchants du jeu, ils cachaient la fondation Aether et Elsa-Mina, qui eux étaient pour le coup de réels antagonistes. On retrouve ici un "twist" semblable avec le président de la ligue et son assistante, mais ici, leurs objectifs ne sont ni méchants ni réellement impactants: Sheroz souhaite utiliser l'énergie Dynamax pour palier à une crise énergétique censée frapper Galar dans...1000 ans. Donc oui, c'est un gars un peu trop prévenant, qui fait ce qu'il pense être bien, mais en soit, il le fait pour la région, pas pour lui. C'est juste un président un peu extrême dans sa façon de voir le monde. On est loin de Max et Arthur qui souhaitaient par pur idéologie provoquer des cataclysmes climatiques, Hélio qui souhaitait créer un univers pour lui seul, ou même la team plasma qui avait réellement un point de vue qui remettait en question le joueur lui-même. En plus de cela, le scénario autour de ces événements arrive bien trop tard, et est très mal réparti dans le jeu. C'est comme si, alors qu'on est sur le point de finir l'aventure, Game Freak se disait: "Ah oui, mince, attendez, voilà le scénario". Ainsi, le jeu met le paquet sur la fin, avec bon nombre de moments épiques malheureusement trop rapprochés.
La nouvelle fonctionnalité du jeu est le Dynamax, un phénomène rendant les Pokémon géants. Je n'étais pas convaincu au début, mais dans les faits, non seulement ce n'est pas si mal, mais c'est intelligemment utilisé en combat. L'effet ne dure que 3 tours et doit être utilisé intelligemment. En parlant de Dynamax justement, on a pour la première fois une zone "open world" dans un Pokémon de la saga principale, avec les terres sauvages. Si l'aspect technique de cette zone est indéniablement le plus raté du jeu, il offre de bonnes possibilités de rejouabilité du jeu. Entre la pension qui s'y trouve, les raids Dynamax régulièrement mis à jour pour le jeu à plusieurs, la possibilité de rencontrer d'autres joueurs... Vraiment, c'est là que je passe la majorité de mon temps depuis que j'ai fini le jeu, et je trouve toujours de quoi faire. Peut-être avons-nous là les prémices d'un vrai open-world pour Pokémon ? On peut espérer.
Enfin, terminons avec les musiques, qui sont comme toujours excellentes avec quelques thèmes réellement marquants (Rosemary, les combats d'arène...). Là dessus, la licence continue, même après plus de 20 ans, à nous livrer des musiques de haute volée, et je tenais à le saluer.
Voilà donc pour ces nouveaux jeux Pokémon. S'ils restent en soit très réussis ils posent questions quant au futur de la franchise. Quid de l'avenir du Pokédex national ? Sera-t-il présent dans les futures versions qui sortiront, ou serons-nous condamnés à n'avoir qu'un nombre limité de Pokémon pour chaque jeu ? A quand les remakes de diamant/perle, et si oui, sous quelle forme ? L'avenir de Pokémon va-t-il s'écrire du côté de l'open world ou restera-t-on dans cette bonne vieille formule qui ne se renouvelle quasiment pas mais qui fonctionne toujours autant ? Beaucoup de questions se posent, et seul l'avenir nous apportera des réponses.