Un remake plaisant et pertinent, bien que manquant un peu d’ambition

Alors que la prochaine génération de Pokémon ne sera que sur la prochaine génération de consoles, vient une petite idée à Nintendo pour faire patienter les joueurs jusqu’à la nouvelle génération un peu plus facilement et tout en rentabilisant un peu plus leur moteur de jeu avant de devoir l’abandonner : le remake ! Encore assez peu répandu à l’époque dans l’industrie vidéoludique, le remake s’immisce ainsi dans la saga Pokémon avec la paire Rouge Feu et Vert Feuille, promettant au joueur de redécouvrir cette première génération au regard des nombreuses améliorations techniques et ludiques apportées par les 2ème et 3ème générations. Ça a l’air mignon tout ça mais toute la question maintenant c’est de savoir si une telle démarche a un réel intérêt créatif à mon sens ou si ce n’est qu’une démarche mercantile pour des ajouts superficiels, voire contre-productifs, aux aventures originales.

Tout d’abord, mon point de vue initial va plutôt dans le sens de Nintendo, reprendre l’aventure du premier jeu en y apportant les rééquilibrages et changements de gameplay d’une génération Pokémon plus avancée, la troisième en l’occurrence, est vraiment bienvenu tant cela doit rendre le système de jeu plus technique et mieux équilibré. Les premiers jeux étaient très prometteurs mais encore brouillons et la maturité construite par les différentes versions qui ont suivies n’ont pu qu’embellir une formule qu’il est bon de retrouver à son meilleur pour redécouvrir dans les meilleures conditions les aventures passées.

Alors certes, cela avait déjà plus ou moins été fait à la fin de jeu de la deuxième génération, par le maintien de bon nombre de Pokémons de la première génération dans les rencontres des deux suivantes… mais là on encore un cran au-dessus avec vraiment l’exploration de Kanto comme à l’époque mais sans ses erreurs de jeunesse et limites techniques. La limite à cela c’est qu’il manque certains de ces ajouts les plus ambitieux comme la météo et le cycle jour/nuit, d’autres sont très peu exploités comme les très rares combats doubles, d’autres encore apportent des déséquilibres comme avec les CS pour lesquels il aurait été intéressant d’inclure Plongée et de virer Cascade, d’oublier Eclate-Roc…

Le fondamental est là et la première génération de Pokémon n’a jamais été aussi intéressante et plaisante à jouer qu’avec ce nouveau système de jeu mais on aurait pu faire encore mieux avec ce concept, et en parlant du postulat de base je viens en fait de dévoiler mon avis sur l’ensemble de l’œuvre. Cette dernière fourmille d’ajouts et de changements que j’apprécie pour la plupart mais que j’aurais voulu idéalement encore plus développés, plus ambitieux, plus audacieux… afin de faire de Rouge et de Vert Feuille de réels candidats au titre de meilleurs jeux de leur saga, et je pense qu’ils en auraient le potentiel.

Ce remake apporte par exemple de nouvelles îles à explorer vers la fin du jeu et tout comme l’équilibrage c’est très bien en soi mais on aurait pu aller encore plus loin. Par exemple, dans les donjons inédits, on retrouve d’une part des mécaniques apparues après la première génération, comme la caverne de glace qui reprend les mécaniques au sol glacé de ce type de grotte des générations 2 et 3, se fissurant au premier passage avant de s’effondrer, faisant glisser le personnage jusqu’à la prochaine paroi… Mais d’autre part on a aussi des cavernes, des forêts... d’un level-design des plus basiques, voire dépourvues d’intérêt.

De la même façon, ces îles permettent d’améliorer l’équilibrage de la fin de jeu en lissant un peu plus la progression avant et après la ligue Pokémon. Néanmoins, c’est un petit peu dommage qu’elles ne s’intègrent pas réellement à la map, comme une version plus complète des îles au Sud de Kanto, elles sont très nettement et artificiellement séparées du reste. J’aurais bien vu une extension des îles sur les côtes de Kanto de manière à y regrouper les oiseaux légendaires dont la météo changerait en fonction d’eux quand on s’en rapprocherait, inclure des passages sous-marins avec un level-design séparant naturellement les zones selon si l’on est avant ou après la ligue Pokémon, scinder la tour Pokémon en différentes tours réparties entre ces îles… mais ces îles n’ont pas ce niveau d’ambition.

A propos de leur direction artistique, elle est très sympathique, quoi que très inspiré d’Hoenn par moments avec ses sources d’eau chaude reprises telles quelles, c’est efficace mais ça peine à avoir son identité propre. On sent tout de même que beaucoup de décors ont juste été repris du reste du jeu sans trop s’appesantir dessus alors qu’un peu plus de soin et de personnalité auraient pu être espérés. Les numéros pour désigner les îles, c’était vraiment pas très recherché non plus soit dit en passant, un petit effort à ce sujet n’aurait pas été de trop, même si on pourrait faire la même réflexion pour les routes me direz-vous.

L’ajout des quelques pokémons de seconde génération dans les îles est sympathique mais ne constitue quasiment aucun intérêt vidéoludique étant donné qu’ils arrivent généralement à un bas level en fin de jeu. S’ils avaient été répartis au cours de l’aventure pour offrir plus de choix stratégiques dans la construction de l’équipe, ça aurait déjà été plus intéressant mais là encore ce remake limite cet ajout à un simple bonus, plaisant mais pas plus. Le top aurait aussi été de faire un remake de Pokémon Jaune avec les 3 starters sans échanges, mais Nintendo a définitivement abandonné cette idée pour ne pas décourager son système d’échange, ce que je regrette mais que je comprends.

La tour Pokémon constitue une série défis facultatifs intéressants, sans jamais non plus être exceptionnels mais présentant tout de même des stratégies à haut niveau plutôt bien pensées, exploitant assez bien les combats doubles, imposant un défi en fin de jeu que ne peut contourner le levelling... Par contre, les allers-retours entre les étages y sont un peu trop rébarbatifs à la longue et les récompenses obtenues ne sont pas à la hauteur de l’investissement en terme de temps si je voulais être des plus exigeants. Cet ajout s’incrit donc à la longue liste de ces ajouts sympathiques mais qui restent à développer.

Ce principe se vérifie aussi avec les quelques ajouts plus scénaristiques. C’est comme ce petit texte d’intro extra-diégétique vendant une aventure récompensant la générosité et la bravoure, un peu dommage de ne pas avoir totalement réservé ce discours au professeur, ce procédé narratif donne une impression un peu fainéante pour pas grand-chose. Le petit résumé à la reprise de la sauvegarde permet de plus facilement reprendre le fil après l’interruption d’une partie, c’est pas inutile non plus mais ce n’était pas indispensable. Avoir repris un dresseur du conseil des 4 à l’occasion d’une énième intrigue contre la team rocket est une bonne idée, mais les autres n’ont pas eu le droit au même traitement… et je vais conclure parce que là je me répète pour tout et il est temps de le faire une dernière fois.

Pokémon Rouge Feu, et bien évidemment Vert Feuille, constituent de bons remakes grâce à toutes les améliorations du système de jeu qui ne peuvent que profiter aux versions d’antan qu’il me sera toujours si plaisant de reparcourir ainsi. Je pourrais rester focalisé sur la démarche mercantile initiale et la tonne d’ajouts que je n’arrive pas à trouver plus que sympathiques mais ça serait mentir sur mon plaisir de jeu constant et ma nostalgie assurée par le concept et la qualité de ces remakes fraîchement inaugurés alors qu’une nouvelle génération de pierres précieuses se profilent à l’horizon.