Y a un truc que je n'ai jamais vraiment pigé : pourquoi des franchises comme Mario ou Zelda voient leurs épisodes dits "classiques" sortir à la fois sur consoles de salon et consoles portables, alors que ce n'est jamais le cas pour Pokemon (le premier qui me parle du Souffle des Ténèbres verra son intégrité physique sérieusement compromise) ? Nintendo a toujours clamé que c'était une expérience exclusivement portable, mais n'a jamais vraiment étayé son point de vue à coups d'arguments valables…
Pourtant, imaginez un monde à la Dragon Quest VIII tout en Cel Shading, un système de combat plus proche du J-RPG "traditionnel" (celui de Grandia serait au poil), avec une gestion de "MP" (genre des attaques "éclair", "tonnerre" et "fatal-foudre" valant par exemple respectivement 5, 12 et 20 MP) et de points de techniques (pour les pokemon purement physiques comme Tauros, Roucoups, ou encore Rattatac)… Sérieux ? Ça n'intéresse vraiment personne ?
Pour sa défense, la Nintendo 64 n'avait peut-être pas les capacités suffisantes pour produire un univers en Cel Shading digne de ce nom (qui de toute façon n'était pas encore à l'ordre du jour), mais le GameCube, quelque peu plus puissant que la PS2, s'y prêtait largement… Mais revenons à la fin du 20ème siècle, à une époque où la pokémania est à son summum : la N64 se devait d'être de la fête !! Elle accueillera donc principalement deux spin-offs : Pokemon Stadium, simple transposition en 3D des combats de Pokemon Red/Blue (on peut/doit d'ailleurs y importer ses captures), et celui qui nous intéresse ici, Pokemon Snap, qui est euh… une simulation de touriste japonais ? Allez, on va dire un jeu d'aventure…
Dans Pokemon Snap, on "capture" les pokemon…avec un appareil photo. On incarne un certain Todd, dont le charisme est à peu près égal à celui du bulot neurasthénique incontinent. Féru de photographie, il se voit confier par le professeur Chen la tâche de prendre les meilleurs clichés possibles d'un maximum de pokemon dans leur habitat naturel, ceci afin de l'aider dans ses recherches… Ok, pourquoi pas, ça se tient à peu près, sauf que moi j'aurais peut-être privilégié l'emploi d'une caméra vidéo…
Malgré tout, on se dit que ça va être plutôt cool comme expérience : on s'imagine déjà déambuler discrètement -et prudemment- dans les hautes herbes pour ne pas faire fuir les cibles potentielles, ou encore se laisser aller à visiter librement chaque parcelle de l'île pour dénicher ZE pokemon rare…sauf que NON.
Car dans Pokemon Snap, la liberté de mouvement n'a pas cours. On est LITTÉRALEMENT posé sur des rails, puisque à bord d'un chariot qui avance tout seul à allure constante, et l'unique action réalisable est de pointer son appareil dans la direction voulue, et de zoomer, sur 360° (c'est le minimum). Voilà, c'était Pokemon Snap, le jeu. Comment ? Développer ? Parler des...intéractions possibles ? Ah oui, c'est vrai, j'avais presque oublié…
Il faut dire que quand je parle d'être "posé sur des rails", je ne dis pas ça à la légère : faîtes deux fois de suite le MÊME parcours sans toucher à la manette, et vous verrez chacun des pokemon de celui-ci agir EXACTEMENT DE LA MÊME FAÇON les deux fois…c'est constern... euh dommage. Alors oui, plus on prend de bons clichés, plus on a accès à des zones variées (au nombre de 7) et à des items pour provoquer certains comportements : des pommes pour attirer les pokemon (car oui, ils sont tous "pommivores"), des agass'balls pour les faire -littéralement- chier ou les assommer, ou encore la célèbre pokéflûte, dont je ne vous ferai pas l'affront d'expliquer l'utilité…
Il n'empêche que ça reste quand même scripté à mort. Prenons le parcours du volcan : repérez le Salamèche assez proche d'un Magmar, lancez-lui une pomme pour l'attirer, lancez une agass'ball sur le Magmar pour qu'il se défoule involontairement sur le pauvre Salamèche qui évoluera alors en Reptincel, puis balancez-en une nouvelle sur Reptincel pour qu'il tombe dans la lave et se transforme en Dracaufeu… Croyez-moi, ça marche à chaque fois !! Alors d'accord, je conçois volontiers que chercher toutes les intéractions possibles d'un parcours puisse être "amusant", mais ça n'en reste pas moins fort limité…
Allez, le jeu sauve au moins les meubles techniquement parlant. Les environnements sont plutôt bien réalisés bien qu'un peu vides. Les pokemon s'en tirent encore mieux, parfaitement modélisés et instantanément reconnaissables, et leur animation sont un modèle de naturel et de fluidité. Niveau musical, c'est honnête sans plus. Les thèmes ne sont ni mémorables ni particulièrement inspirés mais font à peu près le job, tandis que les cris des pokemon sont assez bien restitués.
Mais malgré une forme globalement convaincante, c'est bien le fond qui pêche, Pokemon Snap revêtant un manque d'intérêt flagrant à plus ou moins court terme, surtout si on s'attendait à autre chose (mais là, c'est de vot' faute, fallait lire le dos de la jaquette). D'ailleurs, il est très facilement finissable "en ligne droite" en moins de trois heures, ce qui peut être un énième argument en sa défaveur pour certains (surtout vrai à l'époque, quand les cartouches avoisinaient les 75€). De plus, pourquoi se limiter à une soixantaine d'espèces (63 si j'ai bien tout visité) quand il en existe plus du double ?
De mon point de vue, le seul argument en sa faveur, c'est son "originalité". Et encore, dans le genre "expérience avec un appareil photo", j'ai largement plus trippé sur la série des Project Zero, bien qu'on soit d'accord que ce n'est pas vraiment le même délire… Bref, l'essai est légitime, mais très loin d'être transformé…