Critique de Pong par villou
Le scénario laisse à désirer quand même.
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le 12 déc. 2010
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On a longtemps considéré -à tort- Pong comme étant le premier jeu vidéo, ce qui est faux, cet honneur revenant à…ben en fait, on ne sait pas trop : selon la définition qu’on veuille bien lui donner, le titre pourrait revenir à OXO (1952), Tennis for Two (1958) ou encore Spacewar! (1962). En revanche, on peut accorder à Pong le privilège d’être le premier gros succès de l’industrie vidéoludique, la version domestique s’écoulant à plusieurs millions d’exemplaires…
Pong est "à peu près" une simulation de ping-pong, simplifiée à l’extrême car limitée dans ses ambitions par le hardware de l’époque… Les deux adversaires se faisant face ne peuvent se mouvoir librement sur le terrain, mais seulement latéralement, et le but du jeu est de réussir à faire passer la balle derrière le champ d’action de son vis-à-vis. Malgré ce principe simpliste, Pong propose quelques subtilités bienvenues, comme pouvoir donner un effet basique selon la zone de la raquette que la balle frappe, mais surtout s’aider des limites du terrain pour faire des ricochets et espérer tromper la vigilance adverse…
Graphiquement parlant, c’est assez dépouillé : les raquettes symbolisant les joueurs ne sont que de vagues rectangles blancs longilignes, tandis que la balle est représentée par un carré, lui aussi d’un blanc immaculé. Au centre, le terrain est délimité par des pointillés remplaçant le filet, qui n’avait de toute façon pas lieu d’être puisque le jeu ne gère pas la hauteur… Le tout est "bien évidemment" en noir & blanc, à une époque où les TV couleur n’étaient pas encore totalement démocratisées (de même que pour des questions de coûts). Notez tout de même que pour la première fois, il était possible de se confronter à une IA bien au chaud dans son salon, même si elle est très rudimentaire et trouve bien vite ses limites… Cependant, l’intérêt de Pong se situe principalement dans le multijoueurs…
Mais plus que le jeu lui-même, Pong est aussi et surtout le destin croisé de deux hommes, l’un étant un bidouilleur de génie, l’autre un opportuniste sans vraiment de talent, hormis celui de flairer le bon filon. Le premier, Ralph Baer, nous ayant quitté récemment (en 2014, à l’âge de 92 ans quand même!) est celui qu’on pourrait appeler le "père du jeu vidéo". Un an avant la mise au point d’OXO, soit en 1951, et travaillant pour Loral Electronics -un fabriquant de téléviseurs américain- cherchant à concevoir le téléviseur ultime qui surpasserait toute concurrence, il a l’idée de développer un programme d’amusement électronique qui serait incorporé au système…mais son idée est rejetée.
Il s’écoulera 15 ans avant que son projet puisse commencer à prendre forme. Entretemps, Ralph Baer a vogué de sociétés en sociétés et est devenu ingénieur en chef du département "equipment design" de la société Sanders Associates (il y conçoit des systèmes anti-radars!!). Ce poste lui laisse la liberté de développer son idée de jadis, qui a eu le temps de mûrir : son jeu électronique prendra la forme d’un petit module se raccordant à un téléviseur. Une console de jeu, en fait. Sur les huit prototypes fabriqués, deux fonctionneront réellement, dont le plus connu, la Brown Box. Après plusieurs déboires, Sanders Associates s’allie avec Magnavox pour commercialiser la Brown Box en septembre 1972, devenant la Magnavox Odyssey, et proposant plusieurs jeux intégrés dont un certain jeu de ping-pong…
C’est le moment d’intégrer le second lascar dans l’histoire, Nolan Bushnell. Son truc à lui, c’est de piquer les idées des autres et d’en faire des bénéfices. Devant le succès de Spacewar!, développé par des ingénieurs du MIT (sur leur temps libre :D) et présenté au public lors de journées portes ouvertes, il lui vient l’idée de développer une machine avec monnayeur dans le même genre que le flipper, reprenant le même concept, qui deviendra en 1971 Computer Space, la première borne d’arcade. Son petit succès d’estime incitera Bushnell à persévérer dans cette voie…
Et nous revoilà en 1972, en mai précisément, lors de la présentation publique de la Magnavox Odyssey, à laquelle assiste bien évidemment Bushnell. Un jeu retient particulièrement son attention : un certain jeu de ping-pong… Sûr de la viabilité du concept, il pique à nouveau l’idée pour la transposer en une deuxième borne d’arcade : PONG. Un vrai petit copieur, ce Nolan… À sa décharge, il améliore un minimum le principe de jeu, en intégrant un compteur de score, des bruitages, et les fameux ricochets…
Bien sûr, Magnavox ne se laissa pas faire et attaqua Bushnell et sa société récemment fondée (Atari) en justice. Ils arriveront finalement à un accord : contre 700.000$ cash (une fortune à l’époque), Atari pouvait acquérir la licence du jeu. Investissement plus que rentable, la borne s’écoulera à plus de 10.000 exemplaires, et plusieurs millions pour la version domestique. En 1976, Atari est acquise par la Warner pour 28M$…
Le plus triste finalement, c’est que le véritable créateur du jeu, le génie, le visionnaire, l’innovateur, Ralph Baer, est bien moins connu, et surtout reconnu, que celui qui a tout copié : comme d’hab’, celui qui a le pouvoir (notamment financier) est celui qui écrit l’Histoire. Demandez à Thomas Edison par exemple, le "pionnier" de l’énergie électrique…
Pour conclure, vous savez pourquoi Nolan Bushnell a vendu sa société (autre que l’appât du gain) ? Il voulait faire de la future Atari 2600 un système fermé, comme la Magnavox Odyssey ou la Coleco Telstar, et en ressortir une régulièrement, tel un cycle Activision/Ubisoft de notre temps, alors que pointaient déjà à l’horizon les consoles de seconde génération, comme la Videopac ou la Fairchild Channel F, et leurs cartouches de jeu interchangeables : qui sait comment aurait évolué le jeu vidéo si le géant de l’époque avait emprunté cette voie…
Créée
le 27 oct. 2016
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