NB : la prose qui suit a été originellement rédigée en 2010.
Pendant longtemps, dans la galaxie football, un tyran nommé FIFA écrasait tout sur son passage. Tous ceux qui tentèrent de se dresser contre lui furent balayés d'un revers de crampon. Même cet élégant chevalier qu'on appelait ISS, malgré des qualités de leader plus qu'évidentes, ne put rallier le kop à sa cause : FIFA était le roi, et restait bien vissé sur son trône, malgré un règne des plus mitigés…
Le fier ISS partit s'entraîner quelques temps au sommet du mont Fuji et revint tout beau, tout frais, pour le nouveau millénaire. Cet entraînement avait porté ses fruits : il avait réussi à redéfinir l'essence même du gameplay vidéo-ludo-footballistique, rien que ça. Le kop ne s'y trompa pas et l'aida à chasser le monarque fainéant et ses scores de babyfoot… ISS Pro Evolution était né.
À son couronnement, le roi ISS prit le nom de PES ; débuta alors la dynastie footballistique la plus réaliste jamais connue. Ses descendants, PES II et PES III, perpétuèrent la lignée de brillante manière, tandis que PES IV et PES V entamèrent de nombreuses réformes qui aboutirent à ce que je considère encore aujourd'hui comme les meilleures simulations de foot à ce jour…
Mais un jour, le roi PES VI vint à monter sur le trône, et celui-ci ne connaissait visiblement pas grand-chose à la politique...
Lorsque j'ai fourré pour la première fois le CD dans la console, j'étais plutôt confiant. Il faut dire que son prédécesseur -PES 5 pour ceux qui ne suivent pas- je l'ai bien saigné, avec entre autres choses une victoire en coupe du monde avec l'Arabie Saoudite, et un Olympique Lyonnais dominant outrageusement l'Europe, deux évènements qui n'arriveront probablement jamais dans la réalité...et le tout en difficulté max, bien évidemment.
J'ai fait comme -je pense- à peu près tout le monde, et me suis lancé dans un match amical simple, jouant un classique OM-PSG, Man U-Arsenal, Real-Barça ou ACM-Inter. Dès les premières minutes de jeu, on retrouve ses marques, ainsi que les points forts de la série, que sont la physique exceptionnelle de la balle, le réalisme des duels entre joueurs ou encore le rythme général crédible, ni trop rapide, ni trop posé. Les commandes sont toujours complètes et intuitives, à la fois simples à assimiler et truffées de petites subtilités, qui se maîtrise(ro)nt par la pratique intensive. Mais un élément a bien changé : l'IA...
Je me souviens encore d'une interview donnée par Seabass à Joypad, ou PlayStation2Magazine, je sais plus trop, qui déclarait avec conviction : "Nous avons bien amélioré le comportement des joueurs, en particulier celui des défenseurs". La bonne blague : non seulement c'est faux, mais c'est même l'inverse que l'on constatera bien vite…
Quel que soit les stats du joueur, ou encore les réglages effectués dans les menus, on assiste parfois à des comportements aberrants…et absolument TOUS les postes sont concernés. Je précise d'ailleurs pour l'anecdote que c'est le SEUL jeu de foot qui m'a OBLIGÉ à troquer mon traditionnel 4-4-2 pour un 3-4-3 sans joueurs de couloirs, système qui minimise quelque peu les errements de l'IA…
Commençons par les gardiens : il n'est pas rare de les voir sortir des limites du terrain en bloquant un ballon, ou effectuer une claquette sur un tir plus qu'anodin. De plus, ils ne sortent jamais en temps et en heure sur les corners, et ne dégagent le ballon qu'une fois sur deux dans la direction souhaitée…
Venons-en aux pires : les arrières latéraux. Ils quittent régulièrement leur zone de jeu pour repiquer dans l'axe -et donc laisser l'aile complètement vierge- ou encore font des appels démesurés à plus de 60 mètres de nos cages, tels des Roberto Carlos, même s'ils n'en ont ni l'endurance, la vitesse ou la technique… Et ça donne quoi, un Roberto Carlos sans toutes ces qualités ? Exactement, un Marcelo, et le jeu est rempli de Marcelo…
Ce problème va de paire avec celui des stoppeurs : dans la réalité, quand un latéral monte, le stoppeur se décale un minimum sur le côté pour combler les brèches, ce qu'ils font rarement dans ce jeu. Mais encore plus grave, et même lorsqu'on joue très haut sur le terrain, il y en a toujours un qui défend trop bas et couvre les attaques adverses du salvateur hors-jeu, tel un libéro du pauvre…
Ça va à peu près pour les milieux, même s'ils sont loins d'être irréprochables : par exemple, les milieux relayeurs peinent à monter lors des contre-attaques, tandis que les milieux offensifs sont souvent trop haut en phase défensive et trop bas en phase offensive. Quant aux latéraux, lorsqu'un arrière déborde sur l'aile, au lieu de prendre la profondeur, ils restent plantés comme des piquets, sans savoir quoi faire… on pourrait presque voir des phylactères flanqués d'un "Gné ?" au dessus de leurs têtes…
Viennent enfin les attaquants, qui ont visiblement des problèmes avec le démarquage, et un sens du timing...on va dire spécial, pour ce qui est des appels de balle. 20 hors-jeux dans un match de 15 minutes ? Dans PES 6, c'est possible… En bref, on assiste à ce que j'appellerais une jolie dés-évolution. Comme je suis un brin sadique, attardons-nous maintenant aux problèmes qui concernent indifféremment tous les joueurs, ou encore tout ce qui touche à l'arbitrage...
On commence par quoi ? Il y a tellement à dire… Tiens, par le plus irritant : les joueurs qui agissent tout seul. Quand c'est un dégagement en catastrophe, c'est pas trop trop grave… Quand c'est un tacle par derrière, accessoirement dans la surface, entraînant carton rouge et/ou penalty, c'est tout de suite moins tolérable… Si je voulais des joueurs qui agissent à ma place, je jouerais à Football Manager...
On continue avec ce que je nommerais une sélection plus qu'aléatoire des joueurs, lors d'une offensive adverse : il n'est pas rare de tapoter sur L1 trois ou quatre fois pour enfin obtenir le joueur le plus à même de récupérer le ballon… De manière générale, les joueurs prioritairement choisis sont très souvent derrière l'action… Je n'ose imaginer les problèmes que subissent ceux qui jouent en automatique…
Tant qu'on est dans les trucs hasardeux, signalons les mouvements qui ne sortent pas, ou au contraire qui sortent sans qu'on le leur demande : il m'est ainsi arrivé plein de fois de voir une passe ou un tir ne pas se produire alors que j'avais expressement appuyé sur le bouton… Parfois, le joueur fait un contrôle alors que j'ai "programmé" un une-deux à une touche de balle… Et que dire des shoots qui partent quand même après avoir été bousculé par un adversaire, alors que la jauge de tir ne s'était même pas chargée ? Ou encore des joueurs qui attendent comme des plôts une passe leur étant destinée qui risque à tout moment d'être interceptée ?
Enfin, parlons de l'arbitrage, sensé être plus "réaliste" : si vous voulez mon avis, c'est une belle connerie, surtout quand c'est aussi mal maîtrisé !! Entre les "avantages" qui n'en ont que le nom, les pseudo mains "involontaires" qui interviennent au plus mauvais moment, les arrêts de jeu qui durent trois plombes quand le CPU a le ballon, les erreurs de jugement sur les touches ou les corners -qui sont comme par hasard à 90% contre nous quand on joue face au CPU- ou encore les fautes imaginaires -que toi quand tu les subies ce sont des contacts un poil virils alors que quand c'est l'inverse ce sont limite des attentats- on peut se dire que même dans le jeu vidéo, les arbitres en ont besoin (de la vidéo)… Le summum ? Lorsque l'arbitre siffle un hors-jeu qui n'existe pas, avec en prime un ralenti qui nous prouve par l'image qu'il s'est bel et bien trompé…
Puisqu'on parle de vidéo, parlons visuel. Graphiquement, ça n'a presque pas évolué par rapport à PES 5, qui lui-même n'avait pas beaucoup changé par rapport à PES 4 : le gap graphique a essentiellement été fait entre PES 2 et PES 3. C'était déjà très propre, donc ce n'est pas bien grave...mais ça reste quand même un bon cran en dessous de son rival le plus sérieux, FIFA 07 pour ne pas le nommer (qui lui possède d'autres défauts…).
L'environnement sonore n'a lui non plus pas vraiment changé. Comme d'hab' donc, l'ambiance dans les stades est fort correcte, mais les commentaires sont vraiment à la ramasse, souvent à côté de la plaque et mal "joués". Assurés -encore!- par Christian Jeanpierre, ils sont aussi pathétiques que ses prestations réelles sur TF1 (entre lui et Lizarazu…). Il paraît que le commentateur de la version jap' offre une bonne performance, mais visiblement l'Europe n'en était pas digne…
Enfin, même au niveau du contenu, Konami réussit à faire moins bien !! La durée de vie est pourtant satisfaisante, avec une Master League complète et addictive, de nombreuses compétitions internationales et toutes les équipes des principales D1 européennes, mais certains choix laissent perplexe, avec en premier lieu l'absence injustifiable de la Bundesliga, dont seul le Bayern est rescapé (si on veut jouer Dortmund, Schalke 04 ou Leverkusen, on peut aller se brosser…).
Il serait aussi peut-être temps de proposer le championnat portugais, et pourquoi pas ceux du Brésil, du Mexique ou de l'Argentine, ainsi que plus d'équipes "extra-européennes", comme les Pohang Steelers, le CD Nacional, les Yokohama Marinos, le TP Mazembe, le CD Saprissa, Al Hilal, Al Ahly… Le foot ne se joue pas qu'en Europe…
Même au niveau des équipes nationales, Konami arrive à déconner : par exemple, pourquoi ajouter le Ghana et l'Angola, si c'est pour retirer le Maroc et l'Égypte (surtout cette dernière, régulièrement vainqueur de la CAN) ? Pourquoi peut-on rencontrer des équipes comme l'Estonie, le Panama, la Bolivie, l'Irak ou la Corée du Nord, notamment en qualifications, mais ne peut-on pas les jouer nous-mêmes ? De biens étranges choix, vous en conviendrez...
Bref, soyons clairs : PES 6 n'est pas (plus) une référence en matière de simulation footballistique ; les problèmes d'IA sont trop conséquents pour qu'il puisse être considéré comme tel. Lorsque par miracle, elle fait son boulot, il est possible d'y prendre un vrai plaisir ; lorsqu'elle est illogique ou prend possession des joueurs, on a juste envie d'exploser le CD et/ou la console…et ça se produit au moins 3 matchs sur 4…
Alors quand j'entends certains joueurs pester contre PES 2008, le désignant coupable sans aucune forme de procès de la déchéance de la série, je me marre : OUI, PES 2008 est encore plus mauvais que PES 6, NON, il n'a pas entraîné la série vers les abysses, cet honneur revenant à cet opus.
Vous voulez une ultime preuve des limites de PES 6 ? 11-2. Kézako ? En plus d'être une opération qui donne pour résultat 9, c'est tout simplement mon score en finale de la Ligue des Champions, moi avec l'OL, le CPU avec l'Inter (après avoir rechargé le match deux fois pour des cartons rouges immérités issus de tacles automatiques)… Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Les scores de babyfoot de FIFA évoqués en préambule, bien sûr !!! On appelle cela boucler la boucle…