Je connais mal la série Project Zero, qui souffre d'une très grosse tare : la plupart de ses épisodes sont difficilement accessibles. La trilogie PS2 cote pas mal (en plus, je n'ai pas la console), et les épisodes 4 et 5 ont longtemps été exclusifs à une seule console et n'ont connu des éditions physiques que de manière très limitée. Et si j'adorerais vous apprendre que je suis un possesseur de la version Wii U physique de ce Project Zero 5 et que je me noie littéralement dans mon propre pognon, je dois hélas vous avouer que je n'ai acquis ce jeu que sur le défunt eShop, au prix pas très malin de 50€.
J'aurais pu me contenter du remaster sorti récemment sur PC ou Switch et qui est fréquemment en soldes pour une bouchée de pain, mais j'avais envie d'expérimenter le titre sur la console pour laquelle il a été pensé et dont il exploite beaucoup l'atypique Gamepad. Si cela vous rappelle mon test de ZombiU, vous m'en voyez flatté.
Commençons donc par ce point. Project Zero est une série parfaite pour l'usage du Gamepad, étant donné que son gameplay est pensé autour de l'usage d'un appareil photo. Cette spécificité est respectée et très bien intégrée ici, on peut même incliner notre manette pour orienter différemment l'objectif et prendre des photos au format portrait, par exemple. Les boutons sont correctement attribués et n'occasionnent pas de cafouillage, bref, c'est très bien. On peut même afficher la carte de la zone de jeu sur l'écran lorsqu'on n'est pas en mode photo, ce qui est un ajout fort appréciable lorsqu'on explore.
J'aurais peut-être juste profité de l'occasion pour avoir un affichage différent sur l'écran TV lorsqu'on prend une photo. Reproduire ce qu'affiche le Gamepad n'apporte rien, alors qu'une vue à la troisième personne à la StarFox Zero aurait permis d'avoir un plus large angle de vue et donc de mieux repérer les esprits à exorciser autour de nous, ce qui nous aurait également épargné ces grosses flèches rouges peu élégantes qui nous indiquent la direction du spectre le plus proche. C'est pas gravissime et le jeu a plein de défauts bien plus importants, mais voilà.
Graphiquement, c'est très beau. On est dans le haut du panier de la Wii U, les effets d'eau ou de lumière sont très réussis et l'ambiance sale, sombre et oppressante est parfaite pour le genre. Le jeu est sorti moins de deux ans après ZombiU, mais l'écart de réalisation entre les deux est vraiment monstrueux. Tout au plus reprocherai-je des reflets de miroir très pixellisés et franchement laids, qui ne servent à rien dans l'intrigue et qui auraient donc pu nous être épargnés ; ainsi que des ralentissements peu gênants mais tout de même visibles lorsqu'on affronte plusieurs fantômes à la fois.
Hélas, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire de positif sur le jeu, qui m'a beaucoup ennuyé après quelques chapitres seulement.
Déjà, parlons des environnements. Project Zero 5 se veut être une enquête autour d'une montagne maudite, poussant les gens au suicide. L'aventure dure à peu près 15h et est divisée en 20 chapitres. Et pendant tout ce temps, on visite à peu près… 7 lieux différents ? C'est extrêmement redondant, il n'est pas rare qu'un bâtiment ou une zone soit le théâtre de 3 chapitres d'affilée, avec un level-design strictement identique d'une mission à l'autre.
Fatalement, un sentiment de répétition s'installe vite, et il est exacerbé par la lenteur et la lourdeur de déplacement des personnages. Je sais bien que c'est un peu obligé quand on fait un survival-horror, il faut que le protagoniste soit désavantagé lors des affrontements, etc, mais là c'est juste chiant quoi. On tourne en rond dans les mêmes zones, on le fait à deux à l'heure et en plus le personnage peine à s'orienter dans la bonne direction lorsqu'il faut faire une action précise, comme se tourner vers un objet à ramasser.
D'ailleurs, scénaristiquement, j'ai vraiment eu l'impression que les gars de Koei-Tecmo se foutaient de ma gueule tout du long. Sans mentir, le scénario de la moitié des chapitres du jeu c'est "Une fille s'est paumée en montagne, va la retrouver". Le scénario global avance peu, on se contente donc de refaire les mêmes missions dans les mêmes décors, en priant pour qu'un rebondissement quelconque réveille notre intérêt. Je ne vous parle même pas des chapitres où la fille sauvée s'enfuit et retourne dans la montagne, tu as littéralement l'impression que les scénaristes se sont lancés le défi de te faire perdre le plus de temps possible.
Le pire, c'est que j'ai fait Project Zero 2 sur Wii, et j'avais déjà rencontré le même obstacle au fun : j'avais passé mon temps à errer dans un village de 4 maisons avec une protagoniste aussi lente qu'un fonctionnaire du Ministère de l'Education Nationale. Donc en trois épisodes, les développeurs ont estimé que le seul truc à revoir dans leur formule, c'était de remplacer le village par une montagne. On n'a pas les mêmes priorités…
Et puis j'ai parlé des affrontements, mais quel merdier ce système de combat ! Les fantômes qu'on affronte passent leur temps à se téléporter autour de toi, ce qui fait que le protagoniste va surtout passer les combats à tourner sur lui-même comme un gogole pour prendre une photo de l'esprit, photo qui infligera environ 5% de dégâts. Quel fun les affrontements contre des mobs de base qui durent des plombes, pas vrai ? Sachant qu'en plus le jeu manque cruellement de variété dans ses ennemis, on a vraiment l'impression de faire les mêmes combats en boucle et tous durent une éternité.
Alors oui, on peut trouver de meilleures pellicules que celle de base, qui permettent de faire plus de dégâts, sauf que leur quantité est limitée et qu'on ne sait pas si le prochain combat sera plus corsé que celui-ci, donc on les utilise rarement.
Dans les phases d'exploration, on croise parfois des énigmes. Alors, faites chauffer vos méninges, parce que je vais vous décrire l'énigme-type du jeu : vous trouvez une porte close, que vous pouvez prendre en photo pour avoir une idée du lieu où est la clé. Vous allez dans ce lieu, vous trouvez la clé en prenant une nouvelle photo. Et là, le jeu vous rappelle gentiment que vous êtes un imbécile de la génération TikTok, car il vous affiche en gros la map du lieu, avec une icône de clé sur la porte que vous aviez trouvée au début. Inutile de dire que le jeu n'a aucune envie que vous vous perdiez.
Et que serait un jeu déjà long et plein d'aller-retours sans une mécanique qui allonge encore sa durée de vie ? Parfois, lorsque vous ramasserez un objet, une main blanche apparaîtra de nulle part et vous infligera des dégâts si vous ne retirez pas vite votre main. Passons sur le fait que cette main blanche soit beaucoup trop rapide pour que vous puissiez réagir dans certains cas (en particulier quand des feuilles ou un mur cache son angle d'attaque), et pointons simplement le fait qu'il s'agisse d'une idée de gameplay très nulle, déjà présente dans PZ2 sur Wii, et qui multiplie par deux ou trois le temps nécessaire pour ramasser un simple objet, tout ça pour un jumpscare qui marchera une fois ou deux grand maximum.
Parfois, le jeu tente d'innover, et ça nous donne des chapitres où on doit s'asseoir sur une chaise et regarder des caméras de vidéo-surveillance qui défilent automatiquement (on n'a pas le contrôle pour passer de l'une à l'autre et accélérer le processus), qui vont parfois avoir des apparitions fantomatiques, ce qui vous obligera à vous lever pour aller vérifier la pièce où a eu lieu l'apparition, puis à retourner poser votre cul sur la chaise. C'est long, répétitif et pas marrant pour un sou, ça ne dure heureusement que deux chapitres, mais on pouvait vraiment s'en passer.
Autre innovation, un peu plus intéressante, les 4 chapitres bonus où on incarne Ayane, des séries Dead or Alive et Ninja Gaiden. Celle-ci n'a pas d'appareil photo pour se défendre et son gameplay est plutôt orienté infiltration (bien que seuls 2 des 4 chapitres jouent vraiment sur cet aspect). C'est pas déplaisant, mais malheureusement ses chapitres sont vraiment courts et on en fait le tour en à peu près autant de temps que pour un seul chapitre de la campagne principale. Je laisse les aficionados des trois licences décider si cette fusion des univers est pertinente ou non.
Tant qu'on parle de cross-over, cette version Wii U a la particularité de proposer des costumes de Zelda et Samus pour les héroïnes (référence évidente au fait que Koei-Tecmo ait développé Metroid Other M et Hyrule Warriors). J'étais chaud à l'idée de les utiliser, jusqu'à ce que j'apprenne que pour les débloquer, il fallait faire le chapitre final au moins deux fois. Flemme, je ne compte pas refaire le jeu, j'aurais préféré que ce soit accessible dès le début.
On n'a pas beaucoup parlé du scénario, donc évacuons ça vite. On incarne trois personnages qui se relaient pour comprendre pourquoi la montagne locale pousse les gens au suicide (spoiler : la raison est la même que dans PZ2, à savoir un rituel religieux qui a foiré). Les trois protagonistes n'ont aucun trait de personnalité marquant et sont donc parfaitement interchangeables, si ce n'est que l'un d'eux utilise un appareil photo légèrement différent des deux autres et qu'une autre a une mère qui semble avoir le même âge qu'elle (aucun commentaire sur les femmes asiatiques qui ne vieillissent pas, svp).
Mais pour moi, le plus gros acte manqué de cette histoire, c'est que toutes les personnes suicidaires sur lesquelles on enquête ont littéralement la même backstory : elles sont tristes parce qu'elles ont perdu un proche (mère, collègue de travail, amie…). Merde quoi, l'intrigue a lieu au Japon, un des pays avec le plus fort taux de suicide au monde, qui a carrément une forêt devenue tristement célèbre pour ça, il y avait moyen d'explorer plein de pistes différentes, comme le burn-out au travail ou le manque de liens sociaux, mais non, on se contente de "gneugneu j'ai perdu ma boss et la secte locale amplifie mes émotions". Tout juste esquisse-t-on la thématique de l'homosexualité au détour de l'un des suicides, mais c'est tellement en arrière-plan que je ne peux même pas le mettre au crédit du jeu.
Même PZ2, qui est loin de m'avoir marqué pour son scénario, avait au moins une thématique intéressante au travers de sa protagoniste ayant commis une erreur de jeunesse et victime d'un sentiment de culpabilité depuis lors. PZ5 ne fait rien pour me rendre ses personnages attachants ou sa narration pertinente, ce qui rend l'expérience d'autant plus longue et frustrante.
Bref, malgré son esthétique réussie et un gameplay original, Project Zero 5 est un jeu avec des phases d'exploration interminables, entrecoupées de combats insupportables. Ou l'inverse. En tout cas, je n'ai pas apprécié les heures que j'ai passées dessus, et je pense que je ne vais pas explorer plus loin cette série, qui semble avoir compris ce qui fait un bon survival-horror (protagoniste peu mobile, ennemis résistants, exploration…) mais pousse tous les curseurs bien trop loin pour que ce soit amusant à jouer.
Et c'est, après Ninja Gaiden 3, le deuxième jeu Wii U avec Ayane que je sacque. La ninja ne porte visiblement pas chance à cette console.