L'épouvante a toujours trouvé une bonne place dans le monde des jeux-vidéos, l'interactivité proposée rend les enjeux plus forts et facilite la peur. Il m'est arrivé fréquemment dans un film d'horreur de me faire suer par manque d'intérêt pour les personnages, ou bien parce que le film n'était pas assez immersif pour me faire oublier que le héros (héroïne plutôt) ne trépassera pas avant la fin (ou au contraire que la pom pom girl devra obligatoirement mourir tout de suite). Dans un jeu c'est notre vie qui est menacée, c'est nous qui devons prendre les bonnes décisions sous peine de subir une fin cruelle. Forcément quand c'est bien fait, ça nous maintient en éveil.
Ce Project Zero V, qui me fait découvrir la série, est un jeu d'épouvante avec des fantômes japonais qui a très bien réussi à me faire ressentir cette peur dans son début. Il y arrive d'abord par son cadre : une montagne hantée et lugubre, un sound-design qui enchaîne les grincements et psalmodies inexpliquées, une très bonne gestion de l'obscurité qui évite la frustration de ne rien voir du tout, ainsi qu'une progression calibrée pour être glaçante. Cela passe par un déplacement extrêmement lent de nos personnages, nous donnant tout loisir de nous imprégner de la menace de ces expéditions peu rassurantes. Attention aux plus impatients d'entre vous, cette lenteur pourra vous taper sur les nerfs si vous n'adhérez pas à cette proposition. La montagne est décrite par le biais de quelques notes glanées ici et là (oui, cette astuce des notes griffonnées a toujours lieu en 2015), cela permet de s'imprégner des faits divers tragiques qui l'entourent sans que cela ne soit trop mis en valeur : la montagne reste ce croque-mitaine dont on préfère ne pas parler. L'introduction est brute de décoffrage : un simple texte nous annonçant que les gens se perdent dans la montagne et que l'on est une de ces victimes, et débrouille-toi pour sortir de cet enfer. Ledit texte étant accompagné d'un son grinçant qui donne la sensation d'écouter une histoire terrifiante au coin du feu, où les événements les plus horribles peuvent arriver sans qu'on n'y puisse rien.
Quand on ne sait pas comment les fantômes se manifestent pour nous attaquer, on stress quand même bien. Le jeu nous livre quelques manifestations surnaturelles que l'on ne sait pas comment aborder. C'est là que l'on voit l'influence des films de fantômes : tous ces plans sur un spectre qui apparaît et disparaît derrière nous en sont typiques. J'ai angoissé car je ne savais pas comment ils allaient m'attaquer, ni de quelle façon je devais utiliser cet appareil photo qui me sert d'arme. Je me retrouvais donc dans un film de poltergeist : je savais qu'un danger planait mais sans pouvoir l'identifier. Et ça marchait bien, au début.
Parce qu'une fois qu'on a compris comment les fantômes nous attaquent (avec leur emplacement indiqué par une flèche...) et comment se défendre, cette peur de l'inconnu disparaît très vite. Il n'y avait plus de phénomène inexpliqué, il y avait des patterns. Les apparitions spectrales ne sont plus des indicateurs de danger ni des sources de peur irrationnelle mais des moyens d'augmenter son score (yeah, j'ai photographié l'esprit et ça me rapporte des points !). Ce n'est qu'une source de peur parmi d'autres, il restait encore l'angoisse de tomber dans le Game Over. Sauf qu'on dispose d'une telle quantité d'herbes médicinales de soin que l'échec sera très rare. Vu comment la maniabilité se montre hasardeuse et lourde, on en a quand même besoin pour ne pas trop rager. Les affrontements sont vraiment pénibles, on souffre à essayer de déplacer ce personnage empoté.
Ces combats sont très lents (c'est dans le ton), donc une fois que le fantôme est là, la peur s'arrête : on se contente de s'escrimer avec notre appareil photo tout en se déplaçant à l'aveugle pour s'éloigner. Nos clichés ont également un cooldown très prononcé. Si on les enchaîne, on obtient un effet dévastateur. Si on attend que le fantôme tente une attaque et qu'on prend la photo au dernier moment, comme un contre, on a un effet dévastateur aussi (mais on ne doit pas laisser certains fantômes s'approcher de nous car leur attaque n'est pas "contrable"). Du coup on fait nos clichés à un moment où le fantôme paraît assez passif (mention spéciale au changement d'ambiance sonore lorsqu'on cible un spectre, ça les rend parfois très glaçants). Mais rien ne nous garantit qu'il ne va pas profiter de notre long cooldown pour nous attaquer. Ça sert à l'angoisse, mais c'est trop aléatoire pour convaincre. Je trouve ce système très mal fichu dans les environnements clos. En revanche j'ai beaucoup apprécié l'utilisation du Gamepad : c'est lui qu'il faut regarder et bouger pour prendre nos clichés. J'ai passé plusieurs parties à me lever et à tourner sur moi-même dans mon salon pour chercher où s'étaient planqués ces saloperies de fantômes dont le bruit se rapprochait. Ce sera pénible pour certains, surtout que la maniabilité a de gros ratés frustrants comme une caméra qui peut se bloquer à un angle. Mais un jeu qui me fait bouger de la sorte, ça fait naître en moi un supplément d'implication très appréciable.
Bon, malgré ces mauvais points le jeu aurait pu constituer une sympathique ballade horrifique avec une chouette ambiance. Mais il reste deux nouveaux problèmes affreux. Le premier est que le jeu manque de scènes vraiment dérangeantes ou surprenantes, ces scènes où l'on ne sait pas ce qui nous tombe dessus. Il y a quelques tentatives, l'une d'elles m'a beaucoup plu car elle nous met en position d'attente des esprits. Mais il n'y en a pas assez pour retirer la monotonie du jeu, due au 2e gros défaut : le recyclage des environnements. Le jeu est découpé en missions, qui sont autant d'expéditions faites vers la montagne. Ces expéditions nous font souvent retraverser les mêmes endroits, 2 fois, 3 fois, voire plus. Et là on se lasse. Il y a deux chapitres qui sont quasiment similaires, avec même un script d'apparition des fantômes qui se fait au même endroit. Plus on avance, et plus le jeu nous impose des aller-retours abrutissants. Il n'y a plus aucune peur, les derniers niveaux ressemblent même à des actioners tant les combats s'enchaînent. Et là, le jeu perd notre sympathie. Car il n'aurait pas du être un actioner.
Project Zero V est un jeu qui profite d'une bonne première impression mais qui s'englue dans une répétition qui lui est fatale. C'est un running gag qui a duré beaucoup trop longtemps : la fin est tellement agaçante que les premiers bons moments ne comptent plus.