Temps de jeu : 50 heures
Mon deuxième Radiant Historia
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#13]
Uniquement disponible via import sur Nintendo DS à l’époque, Atlus ose enfin sortir Radiant Historia chez nous par le biais d’un remaster Perfect Chronology. Au programme : nouvelles compositions, intégration de doublages pour les personnages importants, contenu supplémentaire et visuels lissés. Autant dire qu’il ne s’agit là que de bonus, tant la venue officielle du titre dans nos contrées est un argument suffisant pour passer à l’achat. Véritable voyage temporel dans la plus pure tradition old-school du J-RPG, Radiant Historia : Perfect Chronology entend plonger le joueur dans une quête fantastique où enjeux géopolitiques et fin du monde s’entremêlent. Bourré de qualités mais pas dénué de défauts, le jeu s’adresse résolument à un public de niche. Il ne reste plus qu’à savoir si vous aussi ferez partie du voyage.
Se mettre à la page
Le continent de Vainqueur est en proie à un mal terrible. Autrefois unis sous la même bannière impériale, le peuple usa des pouvoirs du Flux, lequel maintient l’équilibre de toute chose en ce monde. Cet abus de consommation donna naissance à une désertification, dont la source prit racine au centre de Vainqueur et s’étendit progressivement. Fort heureusement, quelque part sur le continent, quelqu’un parvint à endiguer le fléau à l’aide d’une cérémonie dédiée au contrôle du Flux. Les autres survivants eux, se scindèrent en cinq nations, dont Alistel et Granorg, toutes deux en guerre. Les seconds, plus nombreux, luttent encore et toujours face aux premiers, équipés d’un armement technologiquement plus avancé. Dans Radiant Historia, le joueur incarne Stocke, un agent secret d’Alistel. Lors d’une mission de sauvetage, ses officiers se font sauvagement tués par des soldats de Granorg ; lui est grièvement blessé. À son réveil, Stocke se retrouve dans une dimension parallèle où le temps n’a pas lieu : Historia. Il y rencontre deux êtres magiques, lesquels le mettent en garde contre la fin imminente encourue par le monde.
Plus qu’un destin funeste, le duo lui dévoile l’utilité du White Chronicles, un épais livre aux pages immaculées, précédemment offert par Heiss, le patron de Stocke. Le talentueux épéiste peut, en usant des pouvoirs magiques du bouquin, remonter le temps et influer sur le cours des événements. Ni une, ni deux, Stocke accepte de bénéficier de l’artefact en échange de sauver le monde. Mais très rapidement, l’agent secret découvrira qu’il pourra également naviguer entre plusieurs réalités alternatives pour influencer chacun des embranchements de l’histoire. Les embranchements principaux sont au nombre de deux : continuer de travailler pour Heiss, ou rejoindre son vieil ami dans l’armée, Rosch. À partir de là, le joueur devra aller et venir dans l’une ou l’autre temporalité pour progresser dans le scénario, accomplir les quêtes secondaires et venir à bout de la désertification.
L’Histoire sans fin
Plutôt bien ficelé dans toute sa première partie, le titre d’Atlus parvient à créer une intrigue crédible et prenante, mêlant paradoxes temporels, heroïc-fantasy et géopolitique, le tout avec une écriture sobre et bien plus mature que la majorité de la concurrence. Toutefois, plus le récit avance, plus il dévoile ses incohérences scénaristiques ; un risque important quand on commence à faire des allers-retours dans le temps et à impliquer plusieurs embranchements scénaristiques. Et plus le jeu approche de la fin, moins il prend de temps pour conclure ses histoires annexes, comme si le studio manquait de motivation. De même, les dialogues – très nombreux – se font de plus en plus creux, au point de pousser le joueur à les passer, à l’instar des personnages, majoritairement inintéressants. Les doublages sont uniquement disponibles en anglais, mais l’ensemble est assez bien réalisé pour pardonner la non-présence du japonais. Quant aux anglophobes qui espéraient une localisation française pour les sous-titres, il n’en est rien. Toutefois, si vous disposez d’un niveau d’anglais intermédiaire, il vous sera possible de suivre l’aventure sans trop de difficultés.
Malgré toutes ses promesses à l’aube de son aventure, le scénario est une véritable désillusion, laquelle ne cesse de s’amplifier au fur et à mesure qu’il progresse. Quant à son impact sur le gameplay, ce n’est guère mieux : les choix proposés terminent toujours soit pas un deus ex machina, soit par un échec, et donc une fin alternative, laquelle oblige le joueur à revenir sur ses pas pour sélectionner la bonne décision. Les choix n’ont donc pas de véritable impact, si ce n’est de débloquer la vraie bonne fin lors de la conclusion de l’aventure. Fort heureusement, tout n’est pas à jeter, en témoigne le fascinant et charismatique personnage principal, Stock. Froid et solitaire, réfléchi et prudent, le talentueux bretteur s’est malheureusement vu dépossédé de son chara-design, alors réalisé par Hiroshi Konishi. Les traits anguleux et appuyés des protagonistes ont été lissés, à l’image de la princesse Eruca, tristement méconnaissable avec sa longue chevelure et son faciès plus enfantin.
C’est la Heiss, mon frère
Des qualités, le gameplay en possède. Les combats se déroulent au tour par tour, mais contrairement à la majorité des J-RPG, celui-ci incorpore une part de tactical, en témoigne sa grille de trois cases sur trois destinée aux ennemis. Plus ils seront proches, plus ils feront de dégâts au groupe de Stocke ; plus ils seront loin, moins ils se montreront menaçants. Le joueur devra alors user des techniques de ses personnages, lesquelles sont essentiellement basées sur du déplacement. Ainsi, il lui sera possible de regrouper plusieurs adversaires et tous les blesser pour effectuer des combos. Ces combos influeront sur l’expérience et l’argent engrangés par le groupe. Radiant Historia ne déroge cependant pas à la règle en proposant ses personnages secondaires spécialisés dans le soutien (soins, boosts de caractéristiques, etc.), la magie offensive, la pose de pièges ou la défense pure et dure. Toutefois, là encore le game-design n’est pas sans défauts.
En effet, tout au long de l’aventure, le titre semble ne jamais parvenir à renouveler sa mécanique principale. Rares sont les adversaires ou les scénarios poussant le joueur à diversifier sa stratégie, tant les options tactiques proposées sont limitées. Il y a bien quelques boss immenses qui prennent toutes les cases de la grille, mais dans un jeu où les règles tournent autour du déplacement de ses adversaires, ces rares affrontements tournent vite au bourrage le plus grossier qui soit. Ajoutez à cela que les combats sont assez longs dans l’ensemble, que les récompenses en argent sont particulièrement faibles (un donjon bonus, le Vault of Time, permet de passer outre ces problèmes financiers en échangeant des équipements contre quelques combats), et vous obtenez un résultat rapidement ennuyeux, le tout manquant cruellement de profondeur et s’étalant sur la cinquantaine d’heures qui composent le jeu. Et comme si cela ne suffisait pas, Radiant Historia persiste avec un level-design générique au possible. Les zones, peu nombreuses et restreintes, devront d’ailleurs être visitées plusieurs fois au cours de l’aventure, au plus grand dam de celui qui les explorera.
Il en reste en Stock
Ce ne sont pas les somptueuses musiques de la légendaire Yoko Shimomura (Super Mario RPG : Legend of the Seven Stars, Kingdom Hearts, Street Fighter II, Final Fantasy XV ou encore les Mario & Luigi, pour ne citer que ces titres), peu nombreuses mais teintées d’une mélancolie sublime, qui parviendront à faire oublier les tristes environnements du soft, déjà datés pour l’époque. Entre des éléments en trois dimensions assez laids et des sprites 2D, certes bien foutus, mais détonants complètement avec le reste, peu de lieux marqueront le joueur. Mention spéciale à tout le passage des égouts de Granorg, une véritable purge à explorer tant dans sa construction que dans sa présentation. Le bestiaire, quant à lui, peine à se renouveler en plus de ne proposer que peu de surprises. Un dernier mot sur les menus, très classiques, lesquels évitent le trop bordélique malgré quelques choix d’ergonomie discutables.
Verdict : Peut-être ?
Un donjon et une timeline bonus, des doublages de qualité, des graphismes affinés et quelques thèmes musicaux supplémentaires suffisent-ils à faire de ce Radiant Historia : Perfect Chronology un remaster attendu ? Pas vraiment, non. Toutefois, étant donné que le jeu n’est jamais officiellement sorti chez nous, impossible pour nous autres Européens d’ignorer le titre de la sorte. Pétri de bonnes idées, mais entaché par de nombreux défauts et un manque d’ambition flagrant même pour l’époque, le titre d’Atlus possède quand même assez d’atouts dans sa manche pour plaire aux plus gros fans de J-RPG ; les plus occasionnels risquent de déchanter rapidement. Il reste dommageable que la venue en Europe du soft ne soit pas accompagnée d’une localisation (au moins pour les sous-titres), les anglophobes pouvant une fois de plus le mettre de côté. De même, on regrettera tous ces petits DLC de trop, notamment celui qui permet de restaurer l’ancien chara-design du titre. Reste qu’il reste toujours autant un bol d’air frais dans le J-RPG old-school, à condition d’oublier sa répétitivité certaine, ses choix illusoires, sa réalisation datée ou ses tares scénaristiques.