Raymarathon : 1/22
Une vieille gloire de la plate-forme en chasse une autre : adieu la rétrospective Donkey Kong, bonjour au marathon Rayman ! Un petit bonhomme sans bras que j’ai découvert à peu près en même temps que le gorille d’ailleurs, mais j’aurai l’occasion d’en reparler.
Attardons-nous d’abord sur ce premier jeu. Sorti en 1995 sur Jaguar (eh oui, la version PS1 n'arrivera que quelques mois plus tard), c'est le fruit d'un développement de trois bonnes années. Prévu à la base sur SNES, le jeu surprend à sa sortie car il ne suit pas la mode de la 3D. A posteriori, ce choix est bien évidemment une bonne idée quand on voit la qualité très hasardeuse des plateformers 3D de l'époque (des titres comme Mario 64 ou Bubsy 3D sortiront l'année suivante) et la charge de travail que cela aurait représenté pour une équipe peu familière avec cette technologie.
Mais bref ! Dans Rayman, on incarne l'éponyme héros dont l'objectif est d'affronter Mr.Dark, le bien-nommé, et de libérer la Croisée des Rêves. Pour ce faire, Rayman devra parcourir une vingtaine de niveaux colorés et chatoyants et retrouver les Electoons cachés dans les niveaux.
Tous les Electoons.
J'ai bien dit : TOUS.
Donc, premier défaut de Rayman 1 : on ne peut pas finir le jeu tant qu'on n'a pas atteint le 100%. C'est comme si dans Mario World on ne pouvait accéder à Bowser qu'en ayant trouvé et bouclé tous les niveaux secrets du jeu : c'est long et c'est pas toujours intéressant. Si la barre avait été à, disons, 80%, la progression serait beaucoup plus fluide et agréable. D'autant que pas mal de cages sont très bien cachées et demanderont de fouiller les moindres recoins de leurs niveaux pour être découvertes. Ce qui est d'ailleurs un autre défaut du jeu : plein de secrets n'apparaissent que si Rayman marche à un endroit à priori sans intérêt, et parfois ça débloque un secret qui se situe loin derrière lui. Certes, on est averti par un jingle musical, mais ça fait que la recherche des dernières cages du jeu se résume souvent à sauter dans tous les sens comme un guignol pour espérer que ça fasse apparaître un truc dans le niveau. Fun.
Rayman 1 repose aussi sur un système d'upgrades qu'on débloque au fil du temps. Au début du jeu, Rayman ne peut pas frapper, courir, utiliser ses cheveux… Et évidemment, de nombreuses cages nécessitent une ou plusieurs de ces aptitudes pour être atteintes. Donc il vous faudra revenir dans les premiers niveaux du jeu pour récolter les cages que vous ne pouviez pas ouvrir au début. Si le backtracking dans les jeux ne me dérange pas, c'est quand même chiant quand ça implique de revisiter la moitié des niveaux.
Mais à vrai dire ce ne serait pas un problème sans l'autre défaut de Rayman 1, plus handicapant celui-là : la difficulté. Je pense ne pas exagérer quand je dis que Rayman 1 est un des plateformers les plus compliqués que j'ai pu faire dans ma vie, loin, très loin devant n'importe quel Mega Man ou Donkey Kong. A vrai dire, je pense qu'il n'y a qu'une poignée de jeux 8-bits qui l'égalent, je pense principalement à Castlevania 3 et Ninja Gaiden 1. Notre bon héros français a donc à peu près deux générations de retard sur la concurrence, ce qui n'est pas nécessairement un mal, mais en l'occurrence je trouve que pas mal de morts sont dues à un mauvais game- ou level-design.
Par exemple, il n'est pas rare qu'il faille sauter sur une plate-forme où se balade un ennemi qui n'était pas à l'écran une seconde plus tôt. S'il vous touche (et il vous touchera), Rayman recule un peu et a toutes les chances de tomber dans le vide.
Rayman n'a également que 3 PV (5 en trouvant un objet spécial), ce qui ne laisse que très peu de marge d'erreur au vu du grand nombre d'ennemis que contient chaque niveau. Vous pouvez gagner des vies supplémentaires en récoltant 100 Tings (les précurseurs des Lums) mais le compteur de Tings est remis à 0 à chaque fois que vous perdez une vie, c'est bien la première fois que je vois ça dans un jeu de plate-formes. Du coup, les premiers Game Over peuvent arriver très vite (dés le premier monde pour ma part), et il n'y a que 5 Continue pour tenir tout le jeu, sans possibilité d'en gagner ! Non pas que les Continue soient indispensables, mais ils permettent d'économiser du temps pour réessayer chaque niveau.
Evidemment, on n'est pas aidés par Rayman qui est privé de toutes ses capacités au début de l'aventure. C'est beaucoup plus simple d'éviter un ennemi ou de timer un saut quand on peut flotter, du coup ça rend les niveaux du milieu du jeu ironiquement plus simples que ceux du début. Ne vous attendez toutefois pas à ce que ça dure, le dernier monde est d'une brutalité sans nom. Mais étrangement, le niveau final qui est si dur à débloquer se finit assez facilement comparé à d'autres.
Ah, et il n'y a pas que les niveaux qui posent problème, il y a aussi les boss. Ces fils de Mr. Dark se basent sur du die & retry : il n'y a quasiment pas droit à l'erreur (je rappelle que vous n'avez que 3 PV) et il faut connaître leurs patterns par coeur pour espérer faire baisser leur gargantuesque barre de vie, qui est évidemment réinitialisée à chaque fois que vous tombez KO sinon c'est pas drôle. Seuls les moustiques du premier monde se passent sans souci du premier coup, les autres vont vous faire pisser du sang et vomir des larmes (ou l'inverse).
Mais attendez, non en fait, il n'y a pas que les boss qui fassent chier, ça concerne quasiment tous les ennemis du jeu ! Il y a bien sûr les Antitoons qui sont trop petits pour être éliminés par des méthodes conventionnelles, mais quid des sauterelles qui se protègent tout le temps, des araignées qui vous mitraillent de pics depuis le plafond, des chasseurs dont le nombre de PV semble être déterminé de façon aléatoire, de ce piranha de merde qui vous bouffe le cul alors que vous êtes en équilibre sur de petites plate-formes… Chaque nouvel ennemi est pire que le précédent, finir un niveau c'est littéralement tomber de Charybde en Scylla. On sait ce qu'on quitte, mais on ne sait pas ce qui nous attend.
Des cheatcodes permettent de se rajouter des vies ou des Continue et même d'obtenir toutes les cages d'un coup, mais c'est dommage de recourir à cette extrémité puisque le jeu devient évidemment trop simple. Bref, il n'y a pas vraiment de juste milieu dans Rayman 1. Notez que ça ne m'a pas empêché d'utiliser les save states de la PS1 Mini comme un enculé, tant pis si (contrairement à Rayman) ça me donne un micropénis, à la guerre comme à la guerre.
Je ne peux même pas dire que l'équilibrage a été fait par un guignol, vu qu'il est de notoriété publique qu'Ancel et son équipe n'ont pas fait playtester le jeu. Donc en fait il n'y a pas eu d'équilibrage du tout !
Et c'est triste, parce que le jeu est bourré de qualités à côté de ça.
Déjà, visuellement il est très beau. Les sprites sont bien détaillés, les personnages sont expressifs, les ennemis comme les alliés regorgent de personnalité… J'imagine qu'à l'époque on a dû utiliser le qualificatif de "on dirait un dessin animé !", et si son look pixellisé vend forcément la mèche en 2022, force est de constater que le jeu est un plaisir pour les yeux encore aujourd'hui et qu'il était probablement au sommet de l'animation 2D de l'époque. Même si je pense que le jeu aurait pu tourner sur SNES avec beaucoup de compromis, la fluidité permise par la PS1 est un ajout inestimable.
Là j'ai juste parlé des personnages, mais les décors ne sont pas en reste ! Non seulement ils sont très beaux, mais ils sont aussi d'une originalité folle au niveau visuel : on commence certes le jeu dans une traditionnelle jungle que ne renierait pas Donkey, mais très vite on enchaîne sur des niveaux se déroulant sur une partition musicale, des montagnes inondées, la trousse d'un écolier ou des caves obscures, sans oublier bien sûr le dernier niveau dans un décor pâtissier déconseillé aux diabétiques.
Mais, plus impressionnant encore, il y a la musique. Ma seule expérience de ce premier Rayman avant cette année était la version GBA, et s'il y a bien un truc qui a été sacrifié pour ce portage, c'est l'OST (je pense qu'on connaît tous la réputation du processeur sonore de la petite 32-bits). Donc là j'étais en mode découverte et BORDEL QUE C'EST BEAU !
Les thèmes sont enchanteurs, les mélodies entraînantes, presque chaque tableau a son propre thème… C'est varié, c'est inspiré, c'est jazzy, et c'est probablement la meilleure musique de toute la série encore aujourd'hui, malgré les 4 suites majeures et la foultitude de spin-offs.
Je note en particulier First Steps et Fear of Heights (avec sa grosse vibe Tomb Raider) ou même juste les bruits d'ambiance de Lost in the Woods, qui donnent une impression de réalisme inégalable pour l'époque.
Bref, c'est un travail fabuleux qui a été fourni par le regretté Rémi Gazel. On ne peut que regretter que son projet de réorchestration de la bande-son n'ait jamais abouti. La légende dit d'ailleurs que si vous fouillez parmi les critiques du jeu sur ce site, vous trouverez une pub pour le projet.
Bref, au niveau de la présentation on frôle le 10/10, mais la gestion archaïque de la difficulté fait énormément baisser la note.
Si je devais absolument trouver un autre défaut au jeu, je dirais que je ne comprends pas pourquoi les boutons L1/L2 et R1/R2 ne servent qu'à ramper à gauche/droite alors qu'on pourrait très bien faire ça avec la croix directionnelle (ça a d'ailleurs entraîné quelques dégâts involontaires parce que c'est pas toujours naturel de s'arrêter de ramper tout en restant accroupi), mais c'est vraiment une goutte d'eau par rapport au reste. Ah, et il y a 2-3 défis de "grappinage" que je trouve très mal branlés.
J'aime les plateformers difficiles hein, mais là j'ai trop souvent eu l'impression que le jeu me mettait des bâtons dans les roues par cruauté. Rien que le fait d'infester les plate-formes de tous petits ennemis est un aveu de sadisme des développeurs, vu que Rayman n'a que très peu d'options pour se défendre face aux petites hitboxes. Si je dois encore comparer Rayman à Castlevania 3 ou Ninja Gaiden, au moins dans ces jeux on a des armes secondaires qui permettent de mieux gérer les divers obstacles et ennemis sur notre route. Rayman n'a que ses poings, ils sont assez petits, ont à peine plus de portée que le fouet d'un Belmont (et encore, ça nécessite de les charger, donc d'être immobile quelques secondes, donc à la merci des ennemis) et ne peuvent frapper au ras du sol qu'après une manipulation particulière.
Alors j'imagine qu'à l'époque la principale motivation d'un joueur moyen pour continuer était de vouloir voir quelles merveilles réservaient encore l'OST et les décors des prochains niveaux, mais vu qu'à chaque fois on bute sur un niveau mal designé ou un boss beaucoup trop résistant... Au bout d'un moment, c'est compliqué de trouver des raisons d'avancer.
Donc ouais, Rayman 1 j'ai envie de l'aimer, il est si soigné sur son esthétique qu'on ne peut pas le détester. Dommage que cet adjectif ne s'applique pas aux niveaux, ce qui vous l'admettrez, fait tâche dans un plateformer.
J'ai commencé ce Raymarathon en pensant que Legends serait le moins bien placé des cinq Rayman principaux. Je crois bien que l'opus fondateur va hériter de ce titre. Au moins c'est évacué dés le début.