Raymarathon : 5/22
Mettons les choses au point : à la base j'avais prévu de jouer à la version PC de Rayman 2. Le problème, c'est qu'un jeu PC de 1999 c'est chiant à faire tourner sur des machines modernes, et accessoirement mon lecteur de CD semble avoir rendu l'âme. Contre mauvaise fortune bon coeur, j'ai ressorti ma DS et ai décidé de rejouer à la version qui m'avait fait découvrir cette belle aventure, il y a 11 ans de cela.
Les différentes versions de Rayman 2 sont d'ailleurs un sujet que je trouve passionnant, chacune ayant une caractéristique qui la rend unique. Ca va d'une musique légèrement différente (N64) à l'introduction de nouveaux mini-jeux (Dreamcast) ou de plus beaux graphismes (PC), en passant par des remakes ou demakes (PS2, PS1 et GBC). La version DS était la première version portable de la "vraie" aventure, et si ça n'a plus rien d'original en 2022 (les versions 3DS et smartphones étant passées par là), ça reste une petite prouesse pour un jeu de 2005 sur une console toute juste débarquée chez nous.
Notez au passage qu'en Europe, le jeu était en concurrence directe avec Mario 64 DS, autre version portable d'un classique de la N64.
Comparée à l'aventure du plombier, celle de notre héros démembré semble avoir été un peu plus affectée par le passage sur une console sans stick. Le jeu reste tout à fait jouable et les quelques problèmes rencontrés n'ont que peu affecté mon amusement, mais je citerai tout de même de gros ralentissements lorsque l'action est un peu gourmande (lorsque Rayman file à toute allure avec un tonneau volant par exemple) et une certaine latence dans le déplacement qui empêche de faire un petit pas pour se réorienter. Outre la portabilité, son principal avantage est son interface légèrement épurée, la plupart des infos importantes ayant été mises sur l'écran tactile.
Cette version est généralement considérée comme la pire pour découvrir le jeu, avec la version 3DS qui est pas mal buguée. Néanmoins, ça ne m'a pas empêché d'adorer le jeu à l'époque et ma nouvelle expérience n'a pas été très différente, donc je pense que le produit brut est suffisamment solide pour passer outre ces petits défauts. Mario 64 DS reste toutefois un meilleur plateformer 3D sur cette petite console.
Cette précision étant apportée, parlons de Rayman 2 en lui-même. La Croisée des Rêves est tombée sous le joug de pirates de l'espace, qui en avaient sûrement ras-le-bol de se faire botter le fion par Samus. L'histoire commence mal puisque Rayman est en prison depuis des semaines et a été privé de ses pouvoirs. L'espoir renaît toutefois lorsqu'une certaine grenouille est jetée dans sa cellule…
J'aime beaucoup l'ambiance de ce jeu. Certes, les liens avec Rayman 1 sont ténus voire inexistants (aucune mention de Mr. Dark ou de Bétilla, le chara-design a beaucoup évolué…) mais l'histoire est plus sombre que dans l'opus fondateur. Si l'emprise de Mr. Dark sur le monde était assez légère et n'empêchait pas les PNJ de jouer de la guitare ou de courir à poil dans la forêt, celle des Robot-Pirates est omniprésente. On aperçoit dans la plupart des niveaux des vaisseaux volant dans le ciel, tous les personnages luttent pour leur survie, on s'introduit régulièrement dans des infrastructures piratesques…
Le jeu n'oublie pas de faire rire (le faux Game Over où Rayman devient obèse et oisif, les missiles qui ruent comme des chevaux, les réflexions de certains Robot-Pirates…), ce qui permet d'abaisser un peu la tension sans totalement la désamorcer. C'est sûrement mon scénario préféré de la série, et l'ambiance légère mais toujours premier degré y est pour beaucoup.
C'est aussi un jeu qui a apporté beaucoup au lore de la série. Si Rayman 1 proposait surtout des personnages secondaires qui n'étaient que des reskins de notre héros, Rayman 2 crée beaucoup de nouvelles espèces, que ce soit Globox (ainsi que sa femme et ses nombreux enfants), Ssssssam, Clark, Carmen, les Ptizêtres… Certains de ces personnages reviendront dans les futurs épisodes principaux, d'autres seront relégués à des spin-offs portables et certains restent exclusifs à ce jeu, mais tous donnent un charme unique au monde et ont défini ce à quoi devaient ressembler des PNJ dans cette série. N'oublions pas non plus la fée Ly, remplaçante de Bétilla infiniment plus charismatique.
Au niveau des graphismes, la transition en 3D s'est très bien passée. Les décors ont toujours ce mélange bienvenu de fantaisie et d'inspiration cartoonesque et le travail sur les textures, s'il est forcément limité par les contraintes de l'époque, sert parfaitement l'immersion. Les personnages ont une allure low-polygon typique de cette époque que j'aime beaucoup, et leurs animations sont plutôt soignées. Bref, si le jeu accuse forcément son âge, il n'en est pas moins original et plaisant à regarder.
Le gameplay a lui aussi très bien transitionné. Tonic Trouble a permis de comprendre ce qui marchait et ce qui ne marchait pas dans cette nouvelle dimension, le résultat est donc épuré des fioritures du jeu d'Ed (l'open-world, les sections où l'on plane...) mais conserve ce qui marchait (le moteur graphique, les commandes de base…).
En outre, les niveaux sont assez longs et jonglent intelligemment entre différents concepts (phases en missile, jet-ski, glissade, nage, portes à exploser…), ce qui arrive à ne jamais lasser malgré la relative longueur du titre (20 niveaux, presque deux fois plus que Sonic Adventure sorti l'année précédente par exemple). Mon préféré reste Le Sanctuaire de Pierre et de Feu, probablement le plus long niveau du jeu, bourré de secrets de tous les côtés, c'est un bonheur de s'y perdre.
Seule ombre au tableau : les mini-jeux bonus où on "contrôle" un bébé Globox et qui consistent à spammer A et B pendant parfois une bonne minute. C'est long, douloureux et inintéressant, je pige pas le projet.
Par rapport à Rayman 1, on note tout de suite une baisse de la difficulté, Ubisoft ayant eu l'idée géniale de recruter des béta-testeurs. En résulte un jeu qui est presque trop facile au final, l'auto-aim du poing de Rayman rendant tous les combats extrêmement simples et l'hélicoptère illimité (qui sera réutilisé dans tous les jeux principaux) rend le timing de 99% des sauts très généreux.
Les plus gros perdants de cette facilité sont les boss. Au nombre de six, seuls Jano et le boss final posent un réel défi, les quatre autres sont ridicules et sont abattus en peu de temps. L'un d'entre eux s'auto-détruit carrément sans que Rayman ne fasse rien ! On est loin des sacs à PV vicieux mais mémorables du premier épisode.
Le jeu propose tout de même quelques moments plus tendus, comme ceux où Rayman est poursuivi par un bateau qui bombarde les plate-formes sur lesquelles on doit marcher, ou toutes les phases en missile-cheval. Dans ce dernier cas, c'est surtout la maniabilité très sensible du missile qui complique la tâche.
Quoiqu'il en soit, la facilité globale du titre rend la collecte des 999 Lums plus appréciable que la recherche des cages du premier jeu, même si ça ne débloque rien d'autre que quelques éléments de lore. Et si vous cherchez bien, le 1000ème pourrait bien se trouver quelque part…
Musicalement par contre, je suis moins enthousiaste. Alors, les musiques fonctionnent, t'as une mélodie guillerette pour les premiers niveaux, un son plus rythmé pour les scènes d'action et même un thème principal mémorable (il a été réutilisé dans de nombreux spin-offs GBC et GBA par la suite), mais on perd la diversité et la virtuosité de l'OST du premier jeu. Eric Chevalier est loin d'être un mauvais compositeur, mais passer après la réussite totale de Rémi Gazel était un défi quasi-insurmontable.
J'admets que la bande-son de la version DS est la moins bonne de toutes, mais même écouter l'OST "propre" sur YouTube ne provoque chez moi pas la même émotion que pour Rayman 1.
C'est pas très cool de terminer la critique sur une note négative, mais j'insiste, l'OST reste tout à fait sympathique et dans l'esprit de la licence.
Bref, Rayman 2 est non seulement une transition réussie vers la troisième dimension, mais surtout un super jeu. Beau, long, angoissant, drôle, bref, passionnant. Certainement un des meilleurs plateformers 3D que j'ai pu faire. Et si la version DS est loin d'être l'idéale pour découvrir ce classique (encore que, si vous voyagez beaucoup…), ses limitations ne rendent pas l'expérience moins bonne.
Petit aparté, il y a un running-gag dans la fanbase Rayman disant que l'épisode 2 est porté sur toutes les plate-formes par Ubi. Si vous avez retenu mon résumé du début, vous aurez constaté qu'il n'a pourtant pas connu de réédition depuis la version 3DS de 2011. Deux générations de consoles en ont donc été privées et c'est selon moi un crime, j'espère à minima voir la version N64 sur l'abonnement online de la Switch.
Et qui sait, peut-être qu'un jour on aura une Definitive Edition qui cumule tous les changements de ces multiples versions. On peut toujours rêver, pas vrai ? On est dans la Croisée des Rêves après tout.