Au début, Capcom décide de faire un jeu de western transposé à la sauce japonaise tout en le maintenant dans le Wild West. Sauf qu'en cours de route, les développeurs n'y croient plus tellement et décide d'abandonner le projet malgré l'entousiasme suscité à l'E3. Rockstar se dit alors que, sans déconner, ça se fait pas ! Ils proposent donc à la firme nippone de récupérer tous les éléments du jeu ; de son scénario à ses assets en passant par les musiques et tout le toutim. Malgré cela, l'empreinte de Rockstar ne marque pas et les frères Houser arrivent pour corriger le tir. Un nouveau synopsis teinté de vengeance, de nouvelles mécaniques mais toujours cet aspetc arcade qui enchaîne tableau sur tableau. Arrive donc Red Dead Revolver au succès relatif tant critique que commercial. Il faut dire que le western est un peu mort à l'époque et surtout que Gun et d'autres titres du même genre n'avaient pas non plus convaincu plus que ça. Plus tard, fin des années 2000, Rockstar se dit qu'il est dommage de ne rien faire de cette "licence". Arrive donc Red Dead Redemption avec un moteur tellement à genoux qu'il est impossible de le sortir sur PC et qu'il s'agit déjà d'un miracle que le jeu sorte tout court. Les frères Houser serrent les fesses et finalement, c'est le GOTY pour une grande partie des joueurs. John Marston et son odyssée solitaire et moribonde, témoin d'un monde qui s'écroule face à l'industrialisation, marquent les joueurs. Pourquoi ne pas faire une suite qui expliquerait finalement les prémices du premier opus ?
Nous incarnons donc un certain Arthur Morgan, inconnu au bataillon, dont le visage simpliste et la voix légèrement trop gaillarde laisse présager une histoire lisse et bateau. Il faut dire que l'ombre de John Marston plane sur le seul anglais de la bande. Cependant et ce très rapidement, la portée caligineuse du plus connu des cow-boy vidéoludique s'estompe rapidement. Arthur apparaît comme un homme déjà accompli, au bout de sa vie, bien taillé, la gueule bien haute et les poings qui parlent. De plus, ce dernier semble moins naïf que son compère. Arthur, même s'il est plus physique que mental, sait réfléchir, se méfier et apporte une vision contemplative sur le monde qui l'entoure là où John ne semblait que cracher sur la fin de l'Ouest Sauvage. Quelque part, Arthur est plus attachant étant donné que nous avons déjà connaissance de la purge orchestrée par le gouvernement légèrement avant les événements de Red Dead Redemption premier du nom. Et au vu de l'acharnement des fédéraux, nul doute qu'Arthur Morgan n'a pas disparu. Il est, obligatoirement, mort. La question constante est alors " comment meurt-il ? " ; " joue-t-il un rôle dans le besoin de se repentir de John ? Et si oui, comment ? " ; " va-t-il aider Dutch à saccager son clan ou plutôt le contraindre à le consolider ? " ; " est-ce qu'il ne serait pas l'un des premiers que John tuera avant sa traque dans New Austin ? ". Avec ce savoir en poche, il est difficile de ne pas éprouver de l'affection pour ce grand dur à cuire, chaotique loyal, qui se demande sans cesse où l'emmène sa vie. Connaître de son destin que l'aspect délibérément tragique amène un sentiment d'affection non négligeable. Reste à vérifier si cette fameuse tragédie est bien amenée.
Comme déjà mentionné, Arthur Morgan n'a plus rien à prouver et c'est sans doute ce qui rend son épopée encore plus dantesque. L'homme n'a pas à grandir les échelons, à devenir le plus fort pour au final battre les méchants. Au contraire, la courbe scénaristique l'emmène plutôt vers un chemin hasardeux. Comme si ce dernier se multiplie en de nombreux sentiers sinueux malgré le désir du personnage de s'en sortir sans que cette volonté ne parvienne à devenir plus clair dans son esprit. Dès le départ, il est histoire d'un casse qui aurait mal tourné au point que la graine du doute aurait commencé à germer dans la tête du hors-la-loi jusqu'à devenir un solide baobab prenant ses racines au fin fond de sa psyché, en témoigne les nombreux rêves hallucinatoires qu'il commet. La rédemption n'est pas encore un désir mais devant la fin d'un monde sauvage qui ne lui laisse plus sa place ainsi qu'une bande de plus en plus dessoudée et menée par un chef mégalomane et hypocrite, Arthur cherche avant tout des réponses. Des réponses qu'il adresse à l'absolu ou à lui-même selon certains cas. La narration y jouera pour beaucoup afin de glorifier le sommet de la montagne de crainte et de controverse que tente de gravir le personnage. Arthur est un criminel depuis ses onze ans, presque comme John. Il a toujours baigné dans les paroles bien-pensantes et moralisatrices de son mentor qui lui explique que le but est de voler aux riches et aux mauvais. Et même si l'on comprend dès les premières minutes que Dutch se persuade de sa bonté en se trouvant des excuses de Robin des Bois (peut-être sans se l'avouer ?), Arthur, lui, y a toujours cru dur comme fer, d'où son costume de bandit au grand cœur. Le mec gentil au fond, très au fond, mais qu'il ne faut pas faire chier. Un peu comme un certain yakuza très connu qui opère quasiment le même décalage avec ses maître au fil de ses aventures. Et c'est, assurément, cette nuance qui cause la rupture entre Arthur et sa famille.
D'ailleurs, cette distance que prend peu à peu le héros avec son clan se soldera si tragiquement qu'il est justifiable que John Marston ne souhaite pas en parler durant les événements de Red Dead Redemption. Il faut dire que tout le pari de ce second épisode est là ! On nous a vendu la fin de la bande de Dutch comme étant un tel traumatisme pour John (au point qu'il devienne fermier) que l'attente est forcément présente. Le jeu insiste lourdement mais subtilement sur ce futur funeste lors des premiers chapitres. Arthur doutera, c'est déjà dit, mais il cherchera des solutions tout en tentant de ne pas rajouter de l'huile sur le feu. Cette constante hésitation entre deux modes de pensée, deux factions, deux issues sera au centre de tout le récit nous laissant même le choix de plusieurs fins selon nos actions. Arthur Morgan amorce sa descente aux enfers en gardant, contre tout, sa loyauté envers celui qui l'a élevé. C'est parce qu'il lui est redevable qu'il reste mais les nuances ne feront que s'accumuler au fil des missions. Arthur en aura marre qu'on le prenne pour un débile, de ne plus voir la lumière au fond du tunnel, de flipper qu'on lui tranche la gorge dans son sommeil et à cela s'ajouteront plusieurs indices révélateurs d'un épilogue lourd en douleur. Il se montrera violent à des moments où l'on ne s'y attend pas forcément, gentil lorsqu'on pensait qu'il allait gueuler mais aussi cruel et impitoyable quand l'histoire le lui imposera. C'est ainsi un personnage tout en nuance et haut en couleurs qui arrive dans nos contrées, sans cesse tiraillé entre la bonne chose à faire tout en se demandant si une telle chose existe. Cela l’emmènera à nous convaincre que personne n'est noir ou blanc mais que tout le monde navigue dans le gris.
Bien entendu, dès la sortie du jeu et au vu de l'engouement massive avant sa sortie, il était certain que la communauté vidéoludique allait sentir l'envie viscéral de pointer les défauts du soft. Comme les avantages, d'ailleurs. Certains critiques sont sûrement entré dans les mémoires, signe que le jeu vidéo n'est pas encore prêt d'être correctement représenté. D'aucuns disent que ce fameux RDR2 est une oeuvre d'art alors que personne n'est capable de sortir une définition concrète de cette étiquette faussement noble. Que fait-on lorsqu'on termine une oeuvre d'art ? Eh bien, on en fait une critique et on lui colle une note ! Alors faisons ça. Il est vrai que certains textes ont donné de la matière aux détracteurs pour ironiser sur le jeu, par un effet de ricochet mais quelques points noirs sont ressortis parmi la majorité de ces papiers. La première est la lourdeur du personnage, accentué par la lenteur de la narration et l'aspect aventure-simulation dont Yakuza et Shemnue sont sûrement les représentants les plus représentatifs, justement. Il est vrai que Red Dead Redemption 2 prend son temps à une époque où le jeu vidéo semble penser que le scénario peut se suffit à deux lignes de dialogues surtout vers la fin. Marvel's Spider-Man ou encore Assassin's Creed : Odyssey sont des exemples notables. Peut-être que les joueurs se sont habitués. Peut-être qu'ils veulent désormais, dans la majorité, être jetés dans l'action et pouvoir passer les discussions et les éléments scénaristiques comme s'ils n'importaient pas ! Ou peut-être que Red Dead 2 ne raconte rien, en effet. Du moins, dans sa première partie. Il est vrai que ce jeu est un jeu à propos de rien. L'envolée narratif attendra au moins le dernier quart pour frapper. Emporté par cela, le joueur va préférer se promener, profiter des activités, effectuer des quêtes annexes ou encore essayer de débusquer tous les événements aléatoires présents.
Car des choses à faire, il n'y a que ça ! Le jeu est un éloge à la paresse. Au lieu de se concentrer sur le scénario, le soft demande et conseille par sa construction à partir flâner dans les contrées désertiques de l'Ouest américain en déclin. Cette lenteur, allant de pair avec la lourdeur du protagoniste principal dans ses mouvements, peut en effet rebuter mais elle est symptomatique du symbole d'Arthur Morgan. Cet homme n'est qu'un homme. En ajoutant tant d'aspect "simulation" et même, parfois, "gestion", en les assumant à chaque occasion, le jeu démontre qu'Arthur est incapable d'aller contre l'implacable. Cela aurait pu tombé sur un autre. Ce n'est qu'une poussière dans un univers énorme. Sa présence dans ce dernier n'aura été qu'un vague écho qui se répète dans les mémoires de ses proches. Il arrive. Il bosse. Il repart. Voilà ce qu'est Arthur Morgan. Un homme aussi misérable que John Marston ainsi que de tous les autres humains sans gloire. En revanche, même si l'on est pas dans une simulation de vie, le jeu demande tout de même à Arthur de se se soigner un minimum. Cela ne sera pas obligatoire mais ce dernier pourra se raser (menton, favoris et barbe), se coiffer, chasser et cuisiner sa nourriture pour la manger (indispensable afin récupérer des points de vie), prendre un bain avec ou sans la pute de l'établissement, veiller à la bonne ambiance du camp, entretenir ses armes, pêcher selon différentes contraintes, pister des animaux, changer de vêtements selon la température ou selon la crasse accumulée et on en oublie ! Cela fait plaisir qu'un jeu décide d'emprunter des ficelles d'autres genres en les exploitant à fond. On vous voit les sempiternels AAA qui veulent à tout prix mettre de l'infiltration ou du RPG juste pour faire genre. Oui, c'est toi que je regarde Spider-Man ! Je te prie de te taire quand tu me parles !
Notons également la fameuse jauge d'honneur qui se calquera sur la moralité d'Arthur. Par exemple, ayant plusieurs amis noirs ou indiens et répétant à chaque occasion qu'il respecte n'importe qui ayant seulement la capacité de le tuer, le protagoniste gagnera des points d'honneur en tuer des organisateurs du KKK. Inutile aussi de dézinguer des innocents ou de braquer des honnêtes commerçants. Car oui, il est possible de faire tant de choses et quasiment chacune a son répercussion sur le karma de notre héros. Relâcher un poisson le rend plus noble ! Aider un passant à se sortir d'un guet-apens aussi ! En revanche, certaines situations restent neutres quoi qu'il arrive, histoire de montrer qu'il n'y a pas que des bonnes et mauvaises actions. De toute façon, des événements dit aléatoires, il n'y a que ça. Impossible de faire 200 mètres sans qu'un quidam vienne nous quémander de l'aide ou qu'une bande de pillards nous tombe dessus. Parfois, il suffit même de voler un cheval pour retrouver son propriétaire essayer de nous le reprendre quelques jours plus tard. Ce monde vit. La brise, les ombres vespérales, le reflet de la nitescence solaire, les animaux avec leurs habitudes et besoins, la météo évolutive, la multitude d'événements aléatoires, de passants ayant leurs obligations, des bandits qui se font arrêter sous nos yeux et y'en a encore beaucoup. Tout est pensé pour rendre le jeu crédible mais pas réaliste pour autant. Les mécaniques vidéoludiques sont encore présentes par soucis de praticité et pour cela, on remercie Rockstar de ne pas avoir poussé le bouchon trop loin.
Devant tant d'éloges, il serait de bon aloi de se demander où sont les défauts ! Eh bien, pour commencer, le système de pistage est déroutant. Malgré sa vision de détective ou ses sens de sorceleur, Arthur peine à repérer les indices sur son chemin. Il s'agit d'une sorte de filtre esthétique affichant en surbrillance les objets lootables, les herbes à ramasser, les animaux ou encore leurs traces. Sauf que ce mode ne dure qu'un cours temps mais qu'il est tout de même possible de garder un chemin lumineux afin de pister un animal. Pourquoi donc ? Pourquoi ne pas simplement rester dans ce mode comme le ferait un Geralt de Riv ? C'est d'autant plus dommageable lorsque l'on traque un animal unique dit légendaire, indispensable pour le craft ou l'accomplissement des défis et du 100% parfois visés par de nombreux joueurs. De plus, il faut appuyer sur les deux sticks pour enclencher ce mode. Et sur le stick droit pour entrer en mode sans-froid aussi appelé le mode Max Payne ou bullet-time pour les plus vieux d'entre nous. Ce dernier est sans reproche, là n'est pas la question, mais son activation se confond souvent avec la vision d'aigle de notre protagoniste ! Et le sang-froid, ça se consomme. Faut même fumer pour garder son sang-froid. Retenez-le les enfants, c'est un conseil de Rockstar, eux-mêmes !
Pensons aussi aux bugs de collisions, immanquables dans un monde-ouvert estampillé Rockstar ! Cela empêche parfois le bon déroulement des missions même si les exemples sont rares. Cela empêche aussi de récupérer les bons objets en face de nous lorsque l'on cambriole une maison étroite ou de fouiller le bon garde pour trouver un tonique et pas celui exposé devant les tirs ennemis. Il est aussi possible de voir son cheval rentrer dans le sol, sa proie traverser un arbre ou un oiseau tomber dans la texture du sol. Heureusement, ces cas sont rarissimes, comme déjà dit, mais ils sont assez présents pour le notifier. Il est aussi dommage qu'Arthur trébuche parfois sans raison. Autant il est capable de tomber s'il l'on court trop en terrain en pente ou rocailleux, autant dans une vaste plaine désertique... ! Gageons qu'un patch futur viendra corriger ces maigres soucis.
Et bien évidemment, les critiques ont également pointé du doigt l'épilogue (en deux parties) qui s'apparente plus à un énorme chapitre supplémentaire qu'à un épilogue. Difficile d'en parler sans dévoiler un pan énorme de l'intrigue mais certains ont vu un relâchement de la part de Rockstar. Il est vrai que sur tout cet "épilogue", peu vous demanderont de tirer sur qui que ce soit mais plutôt à enchaîner les balades et les QTE. Il faut le voir, justement, comme un épilogue. Il ne s'agit pas, dans cette partie, d'expliquer les quelques vides scénaristiques restants (un troisième opus dans les pensées des scénaristes ?) mais plutôt de faire tranquillement le lien entre RDR1 et RDR2 en nous expliquant qu'il n'y a pas que des séances de tirs chez les bandits. Surtout chez les bandits repentis. Cela permettait aussi aux prétendus journalistes s'étant penché sur le sujet de parler de quelques missions se terminant sans fantaisie. Il est vrai qu'une telle démarche peut apparaître comme une faiblesse concernant l'intrigue mais lesdites missions restent correctement écrite et même si elles se terminent sans explosion ou retournement improbables, elles permettent de laisser le rythme se reposer, développer ses personnages et approfondir les relations entre eux. C'est pour cela qu'énormément de missions facultatives sont construites de cette façon. C'est au joueur de trancher. Comme pour tout.
Finalement, le seul gros défaut de ce Red Dead Redemption 2, même s'il n'est pas intrinsèque au jeu, c'est son impact. Il y aura toujours des personnes pour vanter le jeu plus que pour y jouer comme c'était le cas pour The Witcher 3, l'un des rares open-world de ces derniers années à avoir véritablement marqué les esprits. Le phénomène risque d'être similaire et sachant que Rockstar pèse bien plus que CDProjekt dans le game, RDR2 agacera les néophytes comme les amateurs de la licence à cause de sa communauté trop manifestante. Il risque, également, de poser ses couilles sur la table avec une telle violence qu'une grande majorité de monde-ouvert en devenir finiront pas essayer de reproduire ses qualités. Tant mieux pour les fanas de l'aventure-simulation, le ciel sait qu'ils sont peu nombreux mais peut-être aussi dommage pour eux quand ils le compareront au nouveau mètre-étalon du genre. Reprenons l'exemple de Assassin's Creed : Odyssey, copie-carbone de nombreuses mécaniques de The Witcher 3 jusque dans son personnage principal (malgré quelques qualités çà et là). Mais RDR2 va bien plus loin que ça. Le jeu se vautre dans l'obsession de la crédibilité sans tomber dans les travers d'un réalisme exacerbée que de nombreux studios veulent presser jusqu'à l'hémorragie interne. C'est une leçon, quelque part. C'est un anti-cinéma, même, car il semble capturer les outils du 7ème art pour les rendre ludiques. C'est un voyage. Une destination à atteindre. Une famille que l'on suit. Un point de départ terriblement différent de son point d'arrivée. Une histoire. Des émotions. Une force. C'est un monde vivant. On n'entre pas comme ça avec un simple chargement. En allumant la console, on allume la lumière d'un univers. On ouvre une porte difficile à refermer ensuite. Une fois l'aventure puis l'épilogue finie, un sentiment dérangeant et amer vient nous prendre d'assaut afin de tirailler notre cœur. Appelons cela : " l'émerveillement ".