Voilà donc le chef d'oeuvre absolu, celui qui va redéfinir pour les 20 années à venir notre vision du jeu vidéo. Les propos dithyrambiques fusent, l'unanimité est atteinte, Red Dead Rédemption 2 est le mètre étalon de notre loisir favori. Je n'ai hélas pas trouvé la fonction Sens Critique me permettant de mettre 20 étoiles sur 10 à un jeu, du coup, je m'en excuse d'avance, je vais devoir choisir la voie de l'honnêteté.
J'ai adoré le premier Red Dead... C'est indiscutable. Se perdre dans ses plaines désertiques, s'arrêter au sommet d'une colline pour observer depuis mon (plus ou moins) fidèle cheval un coucher de soleil sur les berges du Mexique, incarner John Marston dans sa quête pour faire tomber son ancienne bande et assister à sa fin aussi prévisible que tragique. RDR 1 a marqué son époque, il a remis la contemplation au centre du jeu permettant au joueur de vivre un moment de l'Ouest américain pré-industriel. Tout cela était pour le mieux et nous faisait (déjà) oublier qu'être un hors-la-loi quasi repenti supposait d'adopter la lourdeur de la démarche du personnage et certaines errances de gameplay visiblement gommées dans les mémoires collectives par le passage du temps... J'ai donc attendu RDR 2, ne fut-ce que pour retrouver ce plaisir rare d'avoir le temps, de profiter d'un jeu qui semble s'écouler, je voulais à nouveau être seul au milieu de nulle part sur mon foutu canasson chassant le castor nain à poils roux le lasso à la main... Et je l'ai eu. Et plus encore. Et pourtant...
RDR 2 est magnifique. Le mot est faible! Je n'ai jamais vu de tels effets de lumières ou de climats (la brume!!!), jamais vu de décors flirtant à ce point avec le photo réalisme. Oui! Ça a de la gueule! Je me suis surpris à traverser les zones enneigées, désertiques ou marécageuses sans d'autres buts que la volonté de le faire. Une rhapsodie pourrait être composée à la gloire de villes comme Saint-Denis et de ses Bayous. Une autre à la qualité des boues, neiges, sables se déformant sur les sabots, pas et corps tombant! On se situe ici à un niveau quasi maladif de détails! Qui sont les grands cinglés, "crunchés" jusqu'à la moelle, capables d'une telle prouesse sur nos consoles mourantes? Ma ps4 PRO m'a d'ailleurs craché sa haine à travers un souffle assourdissant pendant toute ma partie, elle n'était pas prête pour les beautés de l'Ouest.
J'adore regarder ce RDR 2, je pourrais le laisser tourner en permanence, l'observer et aimer infiniment ce qu'il me donne à voir en me disant que plus jamais je ne subirai un tel étonnement; malheureusement, je ne prends que peu de plaisir à y jouer. Je sais, je suis un con, incapable de comprendre qu'un gameplay lourd et non intuitif est une volonté de DIEU-Rockstar pour m'immerger plus encore. J'incarne un desperado, diantre, et non un elfe vert ou un pseudo assassin trop blanc pour être honnête. Comment n'ai-je pas compris que me dépatouiller dans le maniement d'un cheval, d'un chariot (par deux fois irrémédiablement bloqué contre un rocher, m'obligeant à recharger ma partie), dans 3 roues différentes d'objets et 8 pages d'inventaires n'étaient rien d'autre qu'une finesse à maitriser, à dompter et à laquelle m'adapter? Je le confesse, je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c'est que mon plaisir de la découverte s'est étiolé au fil de la partie et a perdu son combat contre la frustration d'un jeu qui ne se joue pas. Prenons un instant pour être sérieux et partons d'un exemple concret, dans RDR 2, pour ouvrir un inventaire il faut maintenir la touche directionnelle droite pour ensuite naviguer à l'intérieur de celui-ci avec les touches L1 et R1 OU ouvrir une roue des objets en maintenant L1, naviguer parmi les dites roues en pressant L2/R2 et relâcher L1 pour utiliser l'objet OU sur un cheval et à condition d'avoir déjà une carte en main, presser la touche directionnelle HAUT afin d'ouvrir également ledit inventaire...Sérieusement? Je pourrais aussi parler des touches triangles, ronds et carrés à maintenir ou presser brièvement pour espérer ramasser, observer, fouiller, etc. Ok, il ne faut pas ternir la qualité d'une telle oeuvre sur le simple fait de quelques errances de gameplay mais quand même, je craque... Qu'il est frustrant de descendre de son cheval, de SYSTEMATIQUEMENT devoir rééquiper les armes que l'on souhaite utiliser sous peine de mourir désarmé au premier gunfight qui passe. Parlons-en des gunfights d'ailleurs. Pour les décrire au mieux, je dirais qu'ils oscillent du médiocre au passable. Sans la visée assistée (réglables à différents degré) le jeu est presque injouable à la manette... En l'utilisant, il se résume à viser, relever la mire et... headshot tout ce qui bouge. Que l'on donne une souris et un clavier à ce cowboy par pitié..
Je m'étonne aussi que personne ne semble surpris que Rockstar nous serve le même plat depuis 20 ans, les mêmes mécaniques, mais puisque c'est eux, tout passe. Au moindre méfait que vous commettrez la prime sur votre tête montera comme les étoiles de GTA et vous serez pourchassez jusqu'à vous décidiez de la payer ou de mourir pour avoir la paix. Ok, on peut se la jouer role play et se laisser aller au coté obscur du hors-la-loi, mais le jeu ne sera jamais vraiment assez flexible pour vous permettre cela. Pire, quand les primes tomberont parce que vous avez frôlé quelqu'un trop vite à cheval ou a pied dans une ville ou parce vous vous êtes bêtement perdus dans les commandes tuant ce pauvre boucher d'une balle dans la tête, alors que vous vouliez lui revendre la langue d'un porc fièrement arrachée quelques minutes plus tôt, la frustration l'emportera. Les PNJ continueront à vous parler pendant le moindre trajet vomissant leurs longues répliques sur votre vue vieillissante tout en se permettant d'afficher légion de tuto en haut à gauche de l'écran. Soyez-en avertis: posséder 3 yeux est un prérequis pour profiter de l'oeuvre. A nouveau, ces écueils ne font pas de RDR 2 un mauvais jeu, mais on touche pour moi à son vrai problème à une antithèse dans son fonctionnement propre. La contemplation et la beauté sont une chose mais qu'en est-il du plaisir de jouer? Je veux être acteur de mon histoire avoir le sentiment de la prendre en main, de m'améliorer et après une cinquantaine d'heures je rame encore, je suis peut-être mauvais ou inapte, mais en m'apercevant que le système de couverture de Gear of Wars 1 était mieux fichu que la monstruosité engendrée par RDR 2, je me suis dit que le problème ne venait pas complètement de moi...
Malgré tout cela, Red Dead Rédemption 2 est un jeu qui doit impérativement se faire et se vivre, sous peine de passer à côté d'une expérience qui reste unique, c'est un chef d'oeuvre d'un point de vue artistique mais un titre moyen sur un plan ludique. La victoire absolue et par KO de la forme sur le fond. La bande de Dutch est inoubliable, on se sent au sein d'une famille qui ne tient que par un fragile équilibre dont on devine la tragédie à venir. Les musiques dynamiques sont un régal et le jeu nous laisse à chaque partie une multitude d'images et de souvenirs en tête; il a même presque réussi à me convaincre d'aimer la pêche et la chasse... Son manque de renouveau, la formule Rockstar, éternelle répétition d'un succès garanti, et son absence d'ambitions parfois (les quêtes des inconnus se bornant pour certaines à pêcher 13 poissons, ramasser 30 os de dinosaures, tirer sur 20 attrape-rêves, ....) ont toutefois eu raison de moi; je laisserai le multijoueur aux streamers et ados beuglant dans leurs micros, la presse JV hurlera à nouveau à la quintessence du JV, j'éviterai de les lire pour ne garder que l'image d'Arthur Morgan à dos de cheval dans un marais brumeux, définitivement trop beau pour être joué. Ici, on touche avec les yeux.