Baldur's Gate III
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Baldur's Gate III

Jeu de Larian Studios (2023PC)

Passer 130 heures en peu de temps sur un jeu n’est plus dans mes habitudes ou possibilités ; pour les quelques-uns parmi vous qui ont la patience de me lire sur Sens Critique, alors qu’il suffit d’ouvrir Youtube pour voir n’importe quel influenceur vous sortir son avis son avis après 5, 10, 15, 20 (au choix !) sur le jeu ; je préviens de suite qu’il est ici la critique d’un vieux con aigri. J’ai le plus grand mépris (je sais, c’est mal) pour ce qu’est devenu notre média actuellement et par là, j’entends, le JV en lui-même et tout ce qui gravite autour. Des légions de mouton suivant leur streamer préféré les abreuvant de leur ‘feat’ et OPE symptôme d’un loisir que l’on consomme en regardant d’autres y jouer. Bref, je n’en peux plus de ces parasites 3.0, ni de nos AAA actuels mâtinés d’éléments RPG (la barre d’XP qui DING toutes les 3 min, des arbres de compétences à 2 balles inévitablement remplis par toutes et tous de la manière en fin de jeu et un bon gros rail narratif surexposé) pour valider un cahier de charge… Je tairai l’avilissement à coup de battle pass ou de version premium vous permettant d’hériter d’un cheval flamboyant ou encore de jouer 3 jours à l’avance si vous déboursez, je risque de m’emporter.

Bref, j’ai terminé mon premier run de Baldur’s Gate 3, la tête remplie de souvenirs et l’envie assez présente de relancer immédiatement une partie. Je pensais que cette ‘passion’ m’avait pourtant quitté. Que l’on aime ou pas le travail de Larian, force est de constater chez le studio une certaine persévérance et une volonté de croire et d’aller au bout de ses idées. Sans refaire l’historique et pour me centrer sur des jeux récents, les Original Sin restent pour moi un bel exemple d’une équipe qui s’assume et respecte ces joueurs. Je peux entendre qu’il soit reproché à ces RPG (au vrai sens du terme) à un ton trop ‘léger’ ou encore des systèmes de surface, de résistance ou d’exploration à coup de ‘I m spotting something’ un peu trop envahissants, mais bordel quels jeux généreux et capables de faire confiance aux joueurs. A nouveau, sur notre toile préférée, où je rêverais de voir un arachnide phasique tous les bouffer, on pourra entendre les génies ayant passé 10 heures sur l’aventure nous annoncer de manière péremptoire qu’il s’agit de DoS 3. C’est pourtant un rien plus complexe que cela….

BG3 est en quelque sorte l’aboutissement de l’itération d’une formule (je ne suis pas loin de citer Elden Ring en comparaison). Le moteur des précédents DoS, mieux maitrisé permet ici la réalisation d’un projet ambitieux et démesuré tout en se basant sur des assets et des interactions préexistants. Pour schématiser, le débat est assez vain car s’il y a du Divinity dans Baldur’s Gate, il y avait déjà du Baldur’s Gate dans Divinity. Un amour, une passion pour ce vieux genre au nom galvaudé de CRPG, dernier genre rescapé de ce qu’un public rôliste pourrait attendre. Pourtant BG3, quand on prend le temps de le parcourir et de renvoyer nos créateurs de contenus découvrir les 9 neufs cercles de l’enfer pour qu’ils s’y taisent, s’éloigne assez de son matériau originel pour rendre le plus bel hommage aux premiers épisodes cultes. Soyons clairs, je suis un quasi intégriste de BG1 et 2 fait sur un flamboyant pentium 166 venu remplacer un 486DX400 ayant fièrement servi, paré d'une presque soufflée souris à bille devenue jaune à force d'être blanche. Les heures passées à relancer les dés sur la pages création du personnage pour débuter avec un 90 ou encore le nombre de parties redémarrées m’ont toujours fait revenir à ces titres jusqu’à aujourd’hui. Je ne croyais absolument pas au projet de Larian de donner une suite à la saga et regardais d’un œil suspicieux la beta. Je me suis trompé.

Scénaristiquement BG3 débute par l’exposition de la sympathique méthode de reproduction des flagelleurs mentaux, permettant à votre avatar fraîchement créé (mais qui aurait pu encore être un poil plus poussé au niveau de sa personnalisation) de se voir affubler d’une larve dans la tête menaçant, à court terme, de le transformer en être tentaculaire soumis à une pensée unique et ne visant que l’expansion absolue, grand dessein guidé par une force supérieure. Parvenant à vous échapper d’un nautiloïde dans une introduction très réussie, vous échouerez inévitablement sur une plage obsédé par l’idée de trouver un remède à votre mal et bien loin d’imaginer le complot bien plus grand et fomenter par d’autres puissances qui vous attend (je ne spoilerai pas plus, ce serait manquer de respect pour une grande aventure). Soyons clairs, la peur de votre personnage de se retrouver transformer en créature à la pensée unique (fichtre, au plus j’écris, au plus j’ai l’impression de décrire l’humanité en 2023) sera vite dépassée par des enjeux plus grands encore résultant de vos nombreux choix, c’est bien à ce point où je veux en venir…

Si d’aucuns prétendront à nouveau que BG3 n’est qu’une illusion et que la/les fin(s) ne sont finalement pas si déférentes, je me permettrai de souligner que c’est passer à côté de tout le sel du jeu. Des choix, dans ce BG3 vous allez en faire, soyez en assurés. Ils traverseront les 3 grands actes (mention gros coup de cœur à l'acte 3 et sa ville que maudira votre PC - trop vieux pour ses conneries - mais débordante de vie et de choses à voir, des enfers jusqu’aux 'fonds marins'... Vieux fantasme de joueur) qui composent l’aventure et vous permettront de suivre les impacts de vos décisions sur compagnons et adversaires de route. Dieu sait que ça marche et qu’on ne peut que saluer le nombre de possibilités. Petit exemple en dévoilant le moins possible, dans cette première partie, j’ai choisi de jouer une ensorceleuse biclassée occultiste ; ces classes se basant sur le charisme et auxquelles j’ai adjoint quelques passifs d’histoire, religion et tromperie m’ont orienté vers un RP que je considèrerais comme ‘loyal chaotique’ – sauver un peuple de réfugié OK, mais pas avant d’avoir compris ce que l’ennemi pouvait m’apporter comme information utile à la suite de mon aventure. Je dois bien admettre que le jeu c’est remarquablement adapté à l’ensemble de mes décisions. Parfois sauver un village, conduit ses survivants fraichement évacués sur des routes plus dangereuses encore et l’accueil triomphal que l’aventurier naïf pensait recevoir au détour d’une obscure taverne se mue en rancœurs et critiques. Un refus courageux de pactiser avec certains diables entraînent aussi l’inévitable perte de personnes proches ou risque de conduire à l’anarchie dans une ville déjà gangrénée par la corruption. Collaborer avec l’ennemi trahissant lui-même ses alliés passés après la perte de l’un d’entre eux peut également tenter l’aventurier avide de formidables récompenses. Que c’est compliqué de décrire sans dévoiler… Je ne peux que vous dire que nous sommes bien là face à ce que l’on peut réellement nommer jeu de rôle. Non pas des ersatz de choix de compétences ou une possibilité de décisions allant de OUI, OUI PEUT-ETRE, OUI MAIS PLUS TARD, OUI MAIS JE NE SUIS PAS D ACCORD (Fallout 4, j’écris cela avec le respect), mais les conséquences d’actions et de décisions. Et ça, il faudrait que certains studios et joueurs s’en rende compte avant de coller l’acronyme RPG derrière n’importe quoi. Ce qui compte, chers lecteurs ennuyés par une critique bien trop longue pour être lue, c’est l’acte et ses impacts, non un niveau affiché fièrement sur une barre dorée, vous êtres des foutus aventuriers et non un tableur excel. Certes, en joueurs avertis, il sera inévitable de percevoir certains ficelles ou mécanismes conduisant en développant d’une intéressante histoire principale, mais tout bon MJ autour d’une table guiderait habilement son équipe vers un but. Croire et vivre l’illusion et plus important que l’illusion elle-même et cela, BG3 le fait à merveille. Tout ce que que vous ne verrez lors de votre (première) est d'ailleurs partie intégrante de ce sentiment d'épopée unique; lire les aventures d'autres descendants de Cthulhu en devenir optant pour d'autres choix que les vôtres amène une réelle profondeur à l'ensemble et une envie terrible de relancer...

On peut d'ailleurs passer à côté de pas mal d'éléments pendant son aventure. Pour Illustrer mon propos, je pourrais vous parler de mes déconvenues dans la région des terres sombres (acte 2) où, heureux de retrouver mes jadis sauvés comparses thiefelins au détour du dernier bar avant la fin du monde, je me retrouvai rapidement avec leur massacre sur la conscience après avoir fort lamentablement échoué à sauver la clerc Isobel. Bien décidé à faire payer le sang par le sang, je parviens à convaincre Jaheira, que j'imaginais bien rejoindre la bande de queutards me servant de compagnons, d'aller purger les tours de Hautelune du mal qui les rongeait. Là , vieille panthère (choix de transformation en combat qui causa ma perte) se fit occire au rez de chaussée par quelques coups d'hallebarde bien sentis. Me voilà donc assez embêté de découvrir que la guilde de mécréants de l'acte 3 ne me proposerait aucun quête sans revoir la découpée et défunte Jaheira. C'est aussi ça BG3, tout ne pourra pas être fait ni vu, mais qu'il est plaisant de constater l'influence de ce qui nous arrive (parfois contre notre volonté, il faut le dire) sur un tout. Si l'on parvient à éviter la tentation du F5-F8 ces joies et frustrations sont tout en autant de souvenirs en fin de périple...

En dehors de cela, et d’un point de vue gameplay, il est difficile d’être déçu. Je sais que la pause active des anciens opus manquera à certains, qu’il pourra être reproché un rythme plus haché liée au tour par tour, mais à 40 ans passés, je n’ai pour ma part plus envie de faire l’amour à ma barre d’espace pour relancer chaque compétence. Je dois admettre avoir toujours trouvé la manière de jouer à BG1 et 2, que j’adore, assez brouillonne. Ici encore, on s’éloigne beaucoup de la formule Divinity OS. Dans BG3 tout se joue aux dés (20 souvent) pour le meilleur et pire. Chaque sort, chaque coup porté au Cac ou à distance, dussiez-vous buffer vos personnages pour en accroître les chances, sera soumis à l’inéluctable loi des dés. Oui, votre guerrière niveau 11, pourra rater 3 fois de suite son attaque à 70% ; oui le coffre crocheté vous explosera parfois à la tronche sur un échec critique, oui, encore, un chef local vous attaquera après que vous aurez lamentablement manqué la tarte que vous vouliez mettre dans sa vilaine tronche. Cela régit également vos attaques et sorts calculés en fonctions de DD 4, 6, 8 ou 10… Que l’on aime ou pas, cela fait partie intégrante de la 5ème édition (et des précédentes) règles de donjon et dragon et le rôliste papier s’accoutume et, disons-le, voue souvent une certaine passion aux résultats des ‘saints’ dés. Chacun joue comme il l’entend, mais je ne pourrais que trop vous conseiller d’assumer vos résultats et leurs conséquences tant l’échec au jet est inhérent au JDR et il n’en résulte pas toujours la situation que l’on imaginait… Il faudra aussi composer avec l’obligation des courts et longs repos, permettant à vos lanceurs de sorts bien démunis en début de partie (avant de devenir de véritable demi-dieux des arcanes passé le niveau 8). C’est de tout cela que naît l’incroyable rejouabilité du titre. Les combos de surface sont aussi moins présents dans BG3 que DoS, il reste possible de composer avec eau/foudre, feu/poison pour des effets dévastateurs ou de gruger certains combats à coups de tonneaux et autres pièges, mais c’est loin d’être une obligation. Le jeu se dote également d’une belle verticalité lors des combats permettant de placer plus stratégiquement ses personnages en vue de certains affrontement pas si simples. Ajoutons à tout cela, une grande richesse dans la création de vos personnages (plus d'un point de vue fond que forme), sur laquelle on passera des heures en tentant d’éviter de relancer des partie en boucles pour atténuer ce sentiment du ‘maintenant que j’ai mieux compris, je pense qu’un rodeur-champion serait plus efficace que mon mage-Clerc spé foudre….’ Si tout cela vous ennuie profondément, les personnages origines seront là pour réduire la charge mentale liée à la création en tout point, un certain Dark Urge (sombre pulsion, oui je sais) proposera une version bien plus 'sur le fil' de l'aventure. Trancher la main d’un certain mage niqueur de déesse (pardon) en début de parte peut par exemple au choix provoquer un sourire ou effarer…. Remarque à ce sujet, l'histoire de cet archétype de personnage est assez surprenante tant elle vient apporter un petit quelque chose en plus à une aventure déjà bien complète. Se laisser aller à ses pulsions où y céder (qui est, je sais, le meilleur moyen d'y résister) vous octroiera quelques petits moments et dilemmes moraux plutôt bien amenés.

Ayant déjà perdu tout le monde, peut-être me reste-t-il à saluer la justesse de la MJ qui vous accompagne pendant toute votre aventure, la qualité des doublages anglais, une gestion correcte de la manette (mais inenvisageable pour moi), des personnages marquant en général et parfaitement modélisé, un lore (préexistant, certes) solide et encourageant la lecture, le sentiment d’attachement ressenti envers vos héros, la possibilité d'adapter la difficulté, un scénario qui tient la route jusqu'au bout ou encore la fulgurance des 3 actes parcourus dont la générosité colle une bien tendre baffe aux visages des créateurs d’open world à validation de points d’intérêts insipides que l’on se farcit depuis des années. Petit regret en préquelle aux quelques déceptions à suivre, le niveau maximum fixé à 12 est pertinent sur le papier et respecte l'univers du JDR papier (passé ce cap vous devenez des demi-dieux capables de désintégrer vos ennemis aussi vite qu'un streamer fait appel aux dons; je vous le dis c'est de l'ordre du divin...), dans les faits, ils s'avèrent parfois frustrant pour les plus complétionnistes d'entre nous. Arpenter les diverses quêtes possibles, vous récompensera toujours de fort belle manière vous parant des équipement les plus légendaires, mais vous terminerez l'aventure avec 70 000 xp ou plus en réserve et finirez par devenir l'ultime bourreau de vos ennemis. L'intéressante résistance des débuts de l'acte 1 lors d'affrontement se jouant à une approche plus stratégique (l'araignée phasique par exemple), laissera sa place à un certain massacre baahlien. Sans élitisme aucun, je ne peux que trop vous recommander le mode tactique une fois les bases maîtrisées.

Que les plus chafouins d'entre vous se rassurent BG3 n’est pas (encore) parfait et il reste donc possible de répendre son sel dans des avis mal torchés dignes d'un édito JV.COM ou un "rédacteur" désabusé vous annoncera qu'il a lâché le jeu car celui-ci lui demandant de connecter plus de 2 neurones l'a laissé sur le bord de la route... Il reste des bugs d’affichage et de quête (liées au journal plus particulièrement), certains plantages, une gestion des romances quelques peu 'petite partouze entre amis’ (si dans la vie, vous n’avez jamais eu l’occasion d’incarner un séducteur ou une séductrice, rassurez-vous! Ici, tout ce qui vit ne rêve que de vous polir l’olisbos, a ce niveau, c’est presque de l’agression sexuelle), un inventaire se situant aux alentours du 7ème niveau des enfers, un final trop expédié en particulier pour certains personnages (Karlash) des problèmes de traduction ou des persos qui ne vous suivent pas toujours dans les règles de l'art, mais il respecte ceux qui y jouent et rend ses lettres de noblesse à un genre pillé et mal exploité. Il ne gagnera peut-être par les grâces de cérémonies hypocrites et racoleuses décernant des inutiles GOTY pour rassurer éditeurs et créateurs et surtout faire vendre ; il permettra néanmoins à ceux qui se laissent tenter de vivre une véritable aventure seuls ou en groupe et d’en être, pour une fois, le héros.

jeds
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le 24 sept. 2023

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