Assurément l'un des meilleurs jeux vidéos qui m'a été donné de joué ces dernières années, tout simplement car le jeu allie gros budgets, visions d'auteurs et l'ambition de créer une expérience unique. Ce qui est assez rare de nos jours, puisque les coûts de développements faramineux des AAA actuels et les craintes des investisseurs empêchent les prises de risque.
Ce que le budget et les ambitions du titre ont permis (au détriment des développeurs contraints de faire des semaines de 100 heures tout de même on le rappelle), c'est la création d'un monde et d'un univers organique. Un western interactif qui fait la part belle aux panoramas, aux chevaux et à la nature, dans la peau de Arthur Morgan, hors-la-loi membre d'une bande, doutant de la viabilité de son mode de vie à la fin du 19ème siècle.
Tout en utilisant et jouant avec la spécificité du jeu vidéo : l'interactivité mais surtout la narration par l'environnement et le monde qui nous entoure. La principale réussite de RDR 2, c'est le sentiment communauté que l'on ressent lorsqu'on rejoint les différents camps de la bande de Dutch dont on fait partie. Les différents membres de l'équipe mènent leur train de vie, se baladent, se disputent entre eux, nous appellent, réagissent à certains de nos changements de vêtement. Cet aspect impromptu, apparemment non scripté, participe à l'organicité du camp. Le joueur se sent ainsi comme un membre à part entière. On discute de tout et de rien, on joue aux dominos ou l'on fête de manière arrosée les victoires.
Nous ne sommes pas obligés de tout trouver et de tout entendre au vu des milliers de lignes de dialogues et de détails du jeu, mais il est suffisamment bien pensé pour que l'on tombe sur ces interactions ou discussions sans le vouloir, et vont nous en apprendre plus sur le passé de notre personnage. Contrairement aux jeux qui fondent leur narration environnementale sur des notes, des papiers, tout se passe ici directement dans notre environnement proche et dans les lignes de dialogue, ce qui va pousser le jouer à aller chercher par lui-même des interactions pour en savoir plus.
Au fil de l'histoire l'évolution du camp est le reflet de ce qui se passent dans les missions principales. En se concentrant sur cette intrigue de bande de hors-la-loi politiques faisant face à l'industrialisation et la construction étatique des USA, le jeu se répète un peu dans ses dialogues mais gagne une incroyable cohérence thématique. Et touche très juste dans l'écriture de Arthur Morgan qui bien que flexible dans certaines de ces interactions, possède un arc scénaristique de rédemption indéniablement touchant. La patte comique de Rockstar et de l'écriture de Dan Houser se fait sentir avec parcimonie. Chaque personnage de la bande de Dutch a le temps d'être développé, à commencer par Dutch lui même, personnage nuancé et insaisissable.
Ce qui fait que c'est définitivement un grand jeu, c'est qu'il expérimente et déroute le joueurs, avec ces phases de QTE interactives qui nous impliquent dans les cinématiques et les actions les plus manuelles de nos personnages, avec cette interface de missions épurées, ou encore ces missions qui cassent les codes des jeux vidéos. Cet épisode de beuverie dans un saloon avec Lenny, ou les caractères indiquant les interactions possibles avec les autres cowboy se mélangent à mesure que les verres d'alcool s'accumulent. Ces moments où l'on pense que l'on va parler à un personnage et qu'il s'avère que c'est un piège, que l'on apprend que nous sommes malades, ou que Dutch arrive par surprise nous proposer de braquer une famille locale. D'autres manières de garder le rythme, jouer avec les poncifs du jeu vidéo et prendre à rebours le joueur pour lui faire vivre des émotions.
Dans la même mouvance que Breath Of The Wild dans une certaine mesure, le jeu décide malgré son écriture dense de laisser le maximum de liberté au joueur dans ses trajets de missions en missions. La faune et la flore, les événements aléatoires ou les cabanes abandonnés porteuses d'histoires passées (à la Gone Home) ou de tragédies vont nous permettre de vivre nos propres histoires sans que cela soit scripté ou indiqué sur la carte.
L'épilogue avec John Marston est aussi une manière assez maligne de nous faire ressentir l'absence de notre ancien avatar et la fin de la bande. L'aventure est tellement réussie qu'on finit le jeu endeuillé et nostalgique du bon vieux temps, comme si l'on avait perdu de vieux amis.