Reigning Blood
Critique publiée sur Kultur & Konfitur. Me voilà roi. Premier de ma lignée, le peuple attend beaucoup de moi, déçu par la tyrannique dynastie m’ayant précédé. Leurs demandes sont parfois...
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le 17 sept. 2016
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L'extrême simplicité peut être une vertu lorsqu'elle est accompagnée d'une harmonie liant aussi implacablement que les lois naturelles les composantes d'un système, en l’occurrence ludique. Imaginez: vous êtes un roi et vous avez moult décisions à prendre, invariablement binaires. C'est oui ou c'est non. C'est blanc ou noir. Manichéisme parfaitement emboité dans notre époque de fulgurance.
De ce gameplay réduit à sa plus simple expression, naitra votre dynastie maudite par un facétieux démon se délectant de vos irrémédiables et innombrables mises à mort. La souffrance, malgré tout, ne porte pas à conséquence puisque vous vous réincarnez fatalement en votre successeur. Plutôt qu'un enfer, le rêve de bien des hommes politiques...
L'envergure titanesque de vos responsabilités se confronte donc aussi rapidement que grotesquement à votre champ d'action forcément réduit. C'était la volonté du développeur, le français François Alliot, qui souhaitait réagir à la réduction absurde du monde moderne opérée par les réseaux sociaux.
L'idée me semble assez géniale et ludiquement addictive: on n'a de cesse de faire défiler les cartes représentant nos royaux dilemmes, de se jeter à l'eau, et de découvrir de nouvelles situations absurdes où l'horreur est toujours évitée par la grâce d'un humour très "Pratchett" dans l'âme.
Mais nous ne sommes pas là uniquement pour se bidonner: des objectifs, il y en a vraiment ! Il va donc falloir orienter les évènements tout en soupesant méthodiquement l'influence de l’Église, du peuple, de l'armée et de notre trésorerie sur notre pouvoir (et disons-le, sur notre survie). Bien vite, et à mon grand dépit, j'ai ainsi compris que Reigns n'était donc en rien un bac à sable basé sur la moralité et qu'il était avant tout un jeu de stratégie.
Mais même là, nous sommes encore en face d'une illusion: effectivement, la vraie fin du jeu ne se dévoilera qu'aux joueurs ayant accompli très précisément des tâches impossibles à comprendre intuitivement. Il va donc falloir au joueur vivre et revivre des dizaines de fois chaque évènement en testant toutes les possibilités, jusqu'à trouver LE parcours voulu par le développeur. Mon dieu... nous sommes en face d'un... je vais le dire... un ONE TRUE PATH !
NOOOOOOOOOOOOOOOOON !
Excusez ce cri d'horreur né d'un traumatisme lié aux Livres dont vous êtes le Héros... Bon... Reigns est donc finalement un puzzle. Comme si ce n'était pas assez contraignant en soi, les pièces de ce puzzle surgissent de façon aléatoire, comme les travaux en ville en période préélectorale, ce qui permet de toujours rajouter de la durée de vie à un jeu qui n'en avait peut-être pas besoin...
Dieu merci, il y a une autre fin. La mauvaise, bien sûr. Continuez de vous accrocher parce que vous n'avez qu'une unique occasion de l'obtenir ! Si vous vous loupez, vous voilà condamné à poursuivre le jeu pour l'éternité sans que rien ne vous dise que vous avez définitivement perdu. A ce stade, je pense que vous avez subtilement compris que le démon pervers du jeu est sans aucun doute un avatar pour le moins pertinent du développeur lui-même.
De mon point de vue, cette mécanique de victoire réduit considérablement le plaisir, pourtant bien réel, apporté par Reigns, qui aurait énormément gagné à être ce à quoi il ressemblait à la première approche: une expérience basée sur le plaisir de l'expérimentation du choix, sur la rapidité et surtout sur la légèreté de sa structure. Et il est toujours possible de vivre le jeu de ce point de vue, jusqu'à ce que la lassitude et la répétitivité des situations (rappelez-vous, le jeu vous harcèle jusqu'à ce que vous ayez compris LE chemin !!) ne vous emportent vers d'autres contrées ludiques un peu moins étouffantes.
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Créée
le 6 juil. 2023
Critique lue 28 fois
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