Ne l’achetez pas.
Meme si vous avez, comme moi, apprécié le premier opus pour son charme et son coté rétro évoquant les belles heures de l’horreur playstation 2, Broken Porcelain est une catastrophe. Sorti beaucoup...
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le 14 oct. 2020
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La sphère indépendante est toujours le lieu propice à des découvertes pouvant se révéler aussi bien payantes que décevantes. S’essayer à un opus d’un studio méconnu c’est comme jouer au loto ou manger une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber.
De Remothered, je ne connaissais que, très brièvement, Remothered : Tormented Fathers, un opus qui avait eu son petit vent de succès. Production de Stormind Games, il se présentait comme un jeu loin d’être inoubliable mais qui avait sa petite identité à lui. Rosemary Reed, une femme au passé trouble, comme nombre de héros de jeux horrifiques, menait l’enquête au sein de la demeure de Richard Felton. La fouille des lieux entraînera la femme dans un tourbillon de révélations et d’horreur.
Deux ans plus tard, Stormind Games présente la séquelle de ce périple. Si quelques trailers révèlent que Rosemary Reed sera à nouveau présente, Remothered : Broken Porcelain met surtout en avant une nouvelle héroïne en la personne de Jennifer. Jeune adolescente œuvrant dans l’auberge Ashmann, elle y ressent la présence d’une curieuse créature. Son nom : Porcelain. Sa signature : un sifflement.
L’auberge Ashmann se présente comme le huis-clos au sein duquel Jennifer va évoluer. De l’extérieur vous n’apercevrez que la forêt encerclant le bâtiment qui semble se trouver au milieu de nulle part : un grand classique de l’horreur afin de marquer l’isolement de ses protagonistes. Aucune date nous est donnée, tout juste peut on suspecter que les faits se déroulent en hiver au vu de la neige recouvrant les sapins.
Si on espère découvrir un labyrinthe en cette auberge, force est de constater que la topographie des lieux est très simple à retenir. Jennifer explorera en tout et pour tout un rez-de-chaussée occupé par un hall gigantesque, un étage composé de multiples petites pièces et un sous-sol à l’architecture sommaire. Nombre de pièces demeurent porte closes ou ne s’ouvrent que très brièvement pour le bien du scénario. Jennifer n’aura jamais l’occasion de collecter de multiples clés pour ouvrir autant de portes dérobées. Une clé ramassée est rapidement utilisée juste après au sein de l’auberge.
L’exploration se retrouve ainsi fort limitée. La progression même de Remothered : Broken Porcelain consiste en une succession d’actions répétitives : trouver l’objet nous permettant d’atteindre une salle habituellement fermée et échapper aux boss. Ces derniers sont, par définition, toujours plus puissants que vous. Il vous sera, hormis cas particuliers et, surtout, scénarisés, impossible de les tuer. Jennifer devra se défendre en lançant des objets à leur encontre ou en les frappant par derrière. Si jamais l’ennemi vous saisit mais que vous avez une arme de poing (fourchette, couteau, etc) vous pourrez vous extirper de son emprise grâce à un QTE.
Reste que le mot d’ordre demeure la fuite. Jennifer peut se dissimuler dans des casiers et placards pour échapper à ses poursuivants ou utiliser des objets comme diversion en les lançant par exemple, ou en les déposant à un endroit précis après les avoir allumé. Il ne tient qu’à vous de fouiller l’auberge pour trouver les éléments et construire ces objets comme une radio, ou même une poupée parlante.
Vous allez me dire : Remothered : Broken Porcelain est un survival-horror, non ? On a droit à des énigmes ? Pas du tout. Le jeu est dépouillé (volontairement ?) des aspects alambiqués que peuvent adopter les jeux du genre. On avance simplement de pièce en pièce afin de découvrir les tréfonds de l’auberge et ses secrets. Pour les joueurs aimant fouiller, des documents sont dissimulés et donnent quelques éléments contextuels sur l’univers. Même en prenant votre temps et en vous réservant une marge d’erreur, votre première partie ne devrait guère dépasser les six heures.
Si les trailers semblaient promettre un visuel digne de la Playstation 4, le constat est bien plus amer. De prime abord, la modélisation des personnages paraît répondre aux critères actuels. Mais les visages gâchent tout. Leurs expressions sont mal reproduites conférant aux protagonistes des airs de poupées de cire mal dégrossies. Les scènes censées nous émouvoir, dont les échanges entre Jennifer et Lynn qui sont clairement en couple, n’ont pas l’impact souhaité à cause de ce manque flagrant d’expressivité. Si sur le menu principal Jennifer est sublime, elle perd toute constance en dehors des cinématiques. Il en est de même pour les autres personnages. Si les ennemis sont terrifiants ce n’est nullement à cause de leur apparence… mais des bugs émaillant le jeu qui leur confèrent des pouvoirs phénoménaux.
Remothered : Broken Porcelain est empli de bugs à ne plus savoir qu’en faire. Lorsqu’un ennemi poursuit Jennifer, il peut se retrouver à pouvoir saisir la jeune fille alors qu’il se trouve dans une toute autre pièce. Il n’est pas rare non plus que le boss vous coince dans un recoin, vous bloque dans le décor, et alors la caméra s’affole passant à travers les murs, les corps…
En plus de cela, Remothered : Broken Porcelain voit ses commandes, pourtant simplistes, lourdes à manipuler. Le jeu est rigide dans ses actions. Pour pouvoir utiliser un objet, on doit ouvrir l’inventaire avec (triangle). Si l’idée que le temps ne stoppe pas en ouvrant l’inventaire n’est pas nouveau, et participe à la tension qu’on est censé éprouver, cela devient hasardeux lorsque le scénario vous commande de combattre le boss dans une pièce fermée. Car l’inventaire ouvre automatiquement sur l’onglet de création et non sur votre liste d’objets. Utiliser un objet-clé, comme une arme, requiert de jeter tous vos objets pour que le jeu vous en équipe par défaut. Je n’ai jamais pu m’en équiper moi-même !
Dans le même ordre d'idée, Jennifer possède un pouvoir qui lui permet d'agir spirituellement sur les gens et son environnement. Celui-ci n'est utilisé qu'à quelques moments-clés du récit et son utilisation est particulièrement hasardeuse. Si vous avez déjà du piloter un drone soûl dans un jeu vidéo, vous avez déjà une idée globale de la maniabilité conféré au pouvoir. Bouger revient à donner des coups répétés avec son joystick en croisant les doigts pour ne pas se coincer dans le décor ou que le pouvoir, suite à un décompte imaginaire, stoppe brutalement. Avec plus de souplesse, cette capacité aurait été intéressante à jouer pour agir dans une autre pièce pour déverrouiller un accès par exemple. Au final on anticipe chacune de ces sessions en grinçant des dents.
Certains éléments du gameplay sont d’ailleurs non exploités. Jennifer possède une barre d’endurance qui se vide lorsqu’elle court. En se cachant, la jauge se remplit à nouveau et ce plus rapidement. Au final, inutile de se soucier de cette barre : Jennifer peut toujours courir, même à vide. Plus lentement, certes, mais elle reste assez véloce pour éviter les ennemis. Ces derniers consistent surtout à les assommer avec des objets ou se rendre à un point précis sans qu’ils vous attrapent. Jennifer peut encaisser plusieurs coups avant de mourir. Posséder une arme de défense vous permettra, si vous réussissez le QTE, d’éviter le décès brutal de la jeune fille. Aucune barre de vie n'est affichée et l'état de Jennifer repose sur le visuel : en prenant des coups, elle devient plus lente et affiche des blessures. Les ennemis, eux, ne voient aucune évolution physique opérer sur eux. Quand vous tirez sur un boss à l'aide d'une certaine arme à la fin du jeu, aucun bruit distinctif annonçant que le coup a été pris ou que le boss souffre ne se fait entendre.
Niveau sonorité, Remothered : Broken Porcelain joue la carte de l’épuration. L’auberge est étrangement silencieuse sauf lorsqu’un ennemi vous poursuit. La musique s’emballe alors à tel point qu’on entend pratiquement plus Jennifer. Les développeurs se sont clairement inspirés des slashers mais ont oublié de baisser le son. On passe ainsi du calme plat à la musique stridente. Les rares jumps scares sont soulignés par cette sonorité si caractéristique mais n’arrachent pas un sursaut tant ils sont prévisibles. Le doublage, entièrement anglophone, demeure correct au même titre que le sous-titrage français.
Concernant la sphère indépendante, je suis toujours conciliante sur les égarements qui peuvent émailler ces productions. Les studios ne possèdent pas toujours les moyens liés à leurs ambitions mais mettent du cœur à l’ouvrage. Les quelques couacs peuvent même participer au charme du jeu. Pour Remothered : Broken Porcelain les lacunes sont si grandes et les idées si mal exploitées, comme cette jauge d’endurance inutile, que le charme laisse place à l’amertume.
Au vu des trailers distillés par Stormind Games, on pouvait s’attendre à un opus horrifique plus maîtrisé que le précédent dans son ambiance étouffante d’auberge perdue au milieu des bois. Au sein d’un huis-clos horrifique, le lieu est un personnage à part entière qui mérite d’être développé à sa juste valeur. Bloober Team a brillamment réussi cet exercice avec Layers of Fear. Au sein de Remothered : Broken Porcelain, on ne prend pas le temps de nous présenter l’auberge. Les pièces accessibles étant limitées et très peu personnalisées, on n’a pas la sensation de traverser un lieu “vivant” mais plus un musée vide aux pièces sans âme. Aucune identité n’arrive à se détacher de l’auberge malgré sa décoration ancienne qui la place dans une temporalité indéterminée. Au bout de quelques heures, on ne prête guère attention à ce que l’on traverse tant aucun élément, même les documents, n’arrive à relancer l’intérêt de la découverte.
Il en est de même pour les protagonistes. L’intrigue nous lançant directement dans l’action, le jeu ne nous laisse guère le temps d’apprendre à côtoyer les autres personnages et à mieux les connaître. Une introduction permettant de s’imprégner des lieux et de l’univers aurait rendu le basculement dans l’horreur bien plus prenant. Les antagonistes répondent ici à tous les critères grossiers propres à ce rôle : ils cumulent les défauts et ne possèdent aucune nuance (surtout pour l’ennemi principal). La seule alliée de Jennifer possède quelques bons moments mais, là encore, le jeu ne laisse guère place au développement. Les flash-backs qui parcourent le récit auraient pu permettre de pallier à ce défaut mais ils coupent le rythme de l’avancée. Remothered : Broken Porcelain enchaîne les cinématiques ce qui brise l’avancée à certains moments-clés, d’autant plus que les transitions sont très brutales.
Entrer plus avant au sein de l’intrigue reviendrait à briser tout semblant de découverte pour qui voudrait se lancer dans le jeu malgré tout. Remothered : Broken Porcelain aborde des thématiques pas inintéressantes mais le jeu ne prend pas le temps : c’est là son plus gros défaut au niveau de l’écriture. Remothered : Tormented Fathers abordait, entre autre élément, la transidentité avec le personnage de Richard Felton. Il en fait mention aussi dans Broken Porcelain mais en quelques rapides répliques dont la plupart par l’antagoniste principal faisant preuve d’une transphobie crasse qui le rend encore plus détestable. Le point de vue de Jennifer sur la question, bien plus positif, n’a pas droit à autant de traitement. De même sa relation avec Lynn tombe à plat malgré la volonté des développeurs de présenter un couple lesbien lié par une puissante synergie. Celle-ci nous est surtout présentée par flash-backs mais n’a pas droit à de véritables scènes dans la trame présente. L'attachement envers les personnages n’a pas lieu.
Remothered : Broken Porcelain s’embourbe dans une intrigue qui veut avancer bien trop vite, nous lançant les premières informations cruciales au bout d’une heure seulement. C’est à croire que le studio ne voulait pas s’éterniser et préférait miser sur un titre reposant sur l’action, alors que le genre de survival-horror couplé à une héroïne non douée pour le combat, se prête davantage à l’exploration et à la contemplation. C’est même à se demander si Stormind Games ne s’est pas fourvoyé en voulant tenter de mélanger un rythme soutenu aux mécaniques d’un Clock Tower.
On ressort de la visite de l’auberge avec une certaine amertume : celle d’avoir côtoyé une intrigue qui aurait pu se révéler intéressante, à défaut de renouveler le genre, mais qui s’est pris les pieds dans le tapis toute seule.
Loin d'être à la hauteur de la réputation de son prédécesseur, Remothered : Broken Porcelain accumule les maladresses que ce soit dans l'écriture bien trop précipitée pour permettre au joueur de s'imprégner de l'univers, que dans son gameplay bien trop rigide. L'opus n'exploite pas complètement les bonnes idées qui le composent comme la jauge d'endurance, le pouvoir de Jennifer ou même les thématiques abordées et qui restent sous forme d'esquisses imparfaites.
Le domaine des jeux indépendants possède nombre d'opus bien plus attrayants qui méritent qu'on s'y attarde davantage que sur celui-ci. Espérons que Stormind Games saura tirer parti de ses égarements pour nous proposer un jeu plus abouti à l'avenir.
Créée
le 5 nov. 2020
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