Requiem gore en trois mouvements
Par Vincent Montagnana
Il y a des complexes d’infériorité qui détruisent des vies entières. Et il y a des complexes d’infériorité qui transforment de grands jeux respectables en chefs-d'oeuvre tourmentés et maladifs. On ne sait pas si Shinji Mikami souffre en secret de ne pas être Hideo Kojima, mais il y a dans sa dernière création suffisamment de signes pour qu’on puisse sérieusement se poser la question… Resident evil sur les traces de Metal gear solid, l’aboutissement logique d’un long cheminement que les deux séries, par ailleurs très différentes, ont entrepris depuis qu’on les a associées, à tort ou à raison, à cette génération de jeux qui entretiennent des rapports douteux mais passionnés avec le cinéma. Oeuvres sur-référencées, partageant la même passion louable pour la filmographie de John Carpenter, matrices malgré elles de deux (sous-)genres, le survival-horror et l’infiltration, qui ont drainé dans leur sillage toute une horde de suiveurs. Parfois ivres d’elles-mêmes au point d’imploser en plein vol, Metal gear solid et Resident evil partagent aussi le même élan autodestructeur. Metal gear solid a plongé le premier, avec un second opus suicidaire et outrageusement réflexif, porté par un réalisateur dévoré par sa propre création au point de vouloir définitivement s’en défaire pour laisser à d’autres faiseurs le soin de la maintenir sous respirateur artificiel. Mikami, au contraire, reprend vigoureusement les rênes de sa série, le filon s’épuisant au rythme d’épisodes se mordant la queue et de plagiaires plus ou moins inspirés. Le survival-horror est un mort-vivant… Peut-être Mikami a-t-il fini par le comprendre en s’essayant à Resident evil zero, point de non-retour à peu près aussi nul que son titre pouvait le laisser entendre. Peut-être était-il las, lui aussi, à sa façon, au point de faire exploser la Bête, ce mort-vivant qui vient de se prendre une balle de 45 Magnum en pleine tête.
Un long et douloureux processus créatif du ventre duquel ont émergé des avortons aussi différents que Devil may cry, ou ce premier projet classieux mais trop académique, dont il ne reste plus qu’un teaser aussi culte que celui précédant la naissance de The Wind waker… Une série d’impasses et de fausses pistes pour aboutir à ce quatrième Resident evil qui, pendant une demi-douzaine d’heures orgasmiques, parvient à tirer un trait définitif sur plusieurs années de déclin. Mikami aurait pu s’arrêter là, sur un affrontement mémorable entre Léon, le flic un rien souffreteux rescapé de Resident evil 2, et un boss dantesque. Trop simple : Mikami a eu la folie de prolonger son oeuvre au-delà du raisonnable, la plongeant dans une immense soupière créative, composant un requiem gore en trois mouvements successifs au cours desquels Resident evil se renouvelle, se ressource et se renie. (...)
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