Par Nicolas Laquerrière

Girls sous crack. Voilà la meilleure façon de décrire Broad City, dernière née de Comedy Central (l'historique South Park, l'excellente Workaholics, etc), relatant les déboires de deux New Yorkaises, “BFF” à la ville comme à l'écran. Coincées dans des boulots qui ne les intéressent pas (l'une fait acte de présence dans une start-up qui vend des « propositions » nébuleuses, l'autre nettoie les poils pubiens, vomis et autres accidents d'une salle de fitness), embarquées dans des relations amoureuses à sens unique ou purement sexuelles, elles sont les incarnations déjantées de ce que pourrait être la femme moderne. Abbi et Ilana, actrices principales et showrunners, sont littéralement Broad City, un anti-brûlot féministe qui pourrait bien être tout aussi efficace.

Ce qui frappe dans Broad City, c’est l’aisance et la confiance totale de la série dans son style d'humour, son écriture et sa narration - ses débuts en tant que websérie de 2009 à 2011 y contribuant sûrement. Dès le premier épisode, Broad City pose parfaitement son univers, et évite les expérimentations plus ou moins heureuses autour de personnages tâtonnants qui peuvent transformer une première saisons en une succession de pilotes (on pense aux débuts laborieux de About a Boy). Ici, la série attaque au vif et propose dix épisodes aux pitchs d’une efficacité absolue, parfois dignes de comédies high concept complètement tarées comme les affectionnent Will Ferrell et consorts, nimbés de punchlines destructives, de références peu usitées et vraiment drôles et d'un humour visuel et physique, rarement exploité en télévision, achevant d'apporter de la fraîcheur au paysage comique sériel en plein renouvellement sur les « petites » chaînes (Sirens, You're The Worst).

Visuellement moins léchée et recherchée que Girls, Broad City partage avec elle un filmage naturaliste de New York dont la grande force est de permettre l'entrée d'un humour à la limite du surréalisme. Le style se rapproche parfois d'un filmage guerilla mais la composition des plans et surtout le montage, redoutable, démontre clairement une maîtrise totale de son sujet. Même dans ce pastiche de gros clip de rap US qu'est l'intro du neuvième épisode de la saison, hyperbolant une remise de chèque sur fond de Started From The Bottom de Drake, la série fait preuve d’une énergie communicative et on est sous le joug de la somme des talents mis en œuvre à sa réalisation. Énergique et maîtrisé, des adjectifs qui s'appliquent également au casting des personnages secondaires. Limités mais géniaux (du dentiste blagueur amoureux d'Ilana à son coloc immigré clandestin/dealer en passant par le type infect qui squatte chez Abbi), ils ne sont ni des gadgets, ni les véritables stars de la série face à l'inanité des leads (Barney de How I Met Your Mother, entre autres), mais une authentique valeur ajoutée à des scripts qui peuvent ainsi étendre leur spectre humoristique.

Le duo Ilana Glazer/Abbi Jacobson est la révélation éclatante de la série. Aussi folles l'une que l'autre et de toute évidence complémentaires, elles composent des personnages très opposés dont l'amitié, nourrie par leur réelle amitié, tombe sous le sens. Malgré son étrangeté, sa folie, sa méchanceté et sa vulgarité, Broad City parvient à rester tendre et très fine dans ce qu'elle dit sur cette amitié grâce à l'alchimie du duo. Là où Girls poursuit son étude clinique de la désintégration d'un groupe d'amies, Broad City entame de la chronique d'une amitié totale dont les fêlures et les manques se développent, finement et de façon hilarante, au détour de gags ou d'échanges de vannes. Du très haut niveau au delà de la gaudriole.
Chro
10
Écrit par

Créée

le 4 août 2014

Critique lue 1.7K fois

30 j'aime

1 commentaire

Chro

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

30
1

D'autres avis sur Broad City

Broad City
MadMath
9

"Day 274: Five hours late, wearing a napkin as a shirt, violently high."

C'en est trop. Il faut que je clame mon amour pour Broad City, haut et fort. Il le faut. Abbi Jacobson et Ilana Glazer sont BFF, actrices, et aiment raconter les travers de la vie de vingtenaire à...

le 8 févr. 2015

16 j'aime

4

Broad City
Kamille_P_
9

YAAAAS QUEEN

Au début, je ne m'attendais à rien. Je n'avais rien lu, rien vu, rien entendu, sur ces deux filles, sur leur humour, sur la série. Imaginez ma surprise quand dès les premiers épisodes la série s'est...

le 28 févr. 2016

6 j'aime

1

Broad City
Caroline_Taelman
8

Autoportrait burlesque d'une génération paumée !

Quand deux amies actrices déjantées se mettent en scène dans leur propre série à l'humour vif grotesque et vulgaire, on découvre la vie drôle, trépidante et touchante de deux vingtenaires en quête de...

le 21 août 2015

3 j'aime

Du même critique

Les Sims 4
Chro
4

Triste régression

Par Yann François « Sacrifice » (« sacrilège » diraient certains) pourrait qualifier la première impression devant ces Sims 4. Après un troisième épisode gouverné par le fantasme du monde ouvert et...

Par

le 10 sept. 2014

43 j'aime

8

Il est de retour
Chro
5

Hitler découvre la modernité.

Par Ludovic Barbiéri A l’unanimité, le jury du grand prix de la meilleure couverture, composé de designers chevronnés, d’une poignée de lecteurs imaginaires et de l’auteur de ces lignes, décerne sa...

Par

le 10 juin 2014

42 j'aime

Ultraviolence
Chro
3

Comme une parodie d’une BO de Lynch, interprétée par une godiche lobotomisée.

Par Tom Gagnaire Chez Lana Del Rey, tout semble tellement fake qu'on peine à croire à la sincérité de la demoiselle dans cette tentative risible de vouloir faire un disque plus abrasif, rauque et...

Par

le 26 juin 2014

31 j'aime

29