Un Cluedo façon Memento

Les jeux "narratifs", comme on aime à les appeler, ont le vent en poupe. Il n'y a qu'à constater les FireWatch, Gone home, Dear Easter, Everybody's Gone to the Rapture, Hellblade senua's sacrifice (oui je le mets dedans) et j'en passe... Chacun de ces jeux ayant une histoire à raconter et jouant d'artifices vidéo-ludiques pour vous la narrer petit à petit. Parfois ça marche, parfois moins.

Lucas Pope nous a tous soufflés en sortant Papers, Please en 2013 : Un des joyaux de l'indé, avec énormément de profondeur, des choix moraux cornéliens le tout quasiment en huit-clôt bien au chaud dans votre poste de frontière. Si vous ne connaissez pas encore cette oeuvre, je vous invite à arrêter de lire immédiatement cette critique et a vous y jeter corps et âme. Mais là n'est pas la question du jour.

J'attendais Return of the Obra Dinn depuis longtemps, refusant de me spoiler sur son contenu tant je savais que je pourrais découvrir cela à l'aveugle, puisqu'il était estampillé Lucas Pope.

Je ne fus pas déçu.

Le pitch est simplissime : L'Obra Dinn - un navire marchand - a réapparu après avoir pendant longtemps été présumé coulé. Seulement, ses 60 occupants, eux, ont disparus. Vous êtes l'enquêteur d'une compagnie d'assurance qui devra retrouver le nom, le destin (cruel ou non), et potentiellement l'assassin pour chacun des passagers du bateau. Cela semble difficile. Fort heureusement, juste avant de vous faire monter sur le bateau à la dérive, on vous donne quand même des armes de poids pour vous acquitter de votre tâche: Un livre et une montre à gousset ! Waouh merci !

Dans ce livre, on trouve en préface le message d'un mystérieux personnage nous expliquant notre mission ainsi que des informations clés sur votre enquête : La liste des 60 occupants (Nom, Prénom, Métier, Pays d'origine), une carte du trajet prévu de l'Obra Dinn, et une paire de croquis de scènes de vie du bateau permettant de mettre un visage sur ces passagers disparus.
A vous de retrouver qui est qui pour enfin comprendre ce qui s'est passé sur ce bateau maudit...

De mon point de vue, il est primordial, dans ce type de jeu, de captiver le joueur par l'histoire mais aussi de garder en ligne de vue qu'on JOUE bien à un jeu. Le joueur ayant la volonté de suivre l'histoire doit rester concentré, attentif aux moindres détails pour mieux comprendre la trame qui lui est conté.

La montre à gousset, gravée en son centre d'une tête de mort, n'a rien d'un gadget inutile... C'est même là qu'intervient la mécanique de jeu qui permet de garder le joueur investi. Cette montre sera votre loupe, votre pipe et votre chapeau de Sherlock Holmes: C'est grâce à elle que l'aventure vous sera exposée. Petit à petit, vous comprendrez les liens entre les personnages, vous essayerez d'associer visages et noms dans votre livre, vous émettrez des hypothèses sur les tragiques scènes que le petit objet magico-mécanique vous permettra d'entrevoir.

Et il est la le kiff ! Quoi de mieux qu'une enquête pour vous imprégner totalement d'une histoire?
Rogner sur les sombres secrets de ce bateau en vous passant et repassant les indices donnés devient très vite une drogue. Vous voulez savoir.

L'affaire sera longue et difficile. Vous ferez des erreurs : C'est seulement lorsque 3 de vos hypothèses sur le destin d'un passager sont parfaitement exactes que le jeu vous validera vos suppositions. A vous de remplir le livre. A vous de finir l'histoire.

Je ne vous dévoilerai évidement pas le contenu ni l'apparence de ce que la mécanique clé du jeu permet de vous faire entrevoir tant la surprise de la découverte m'a fait instantanément perdre 20 ans. J'étais ce petit curieux à nouveau, ayant soif de savoir et d'aventure, mettant un point d'honneur à élucider le mystère de cette enquête...

Mais bon dieu qu'il est bon de découvrir ce petit détail qui vous avait échappé pendant les 20 dernières fois où vous étiez passé à coté. Qu'il est gratifiant de se faire valider la bonne version des faits. Qu'il est croustillant de voir le dénouement d'une histoire osée et savamment écrite, sans trop de fioritures...

Lucas Pope nous prouve une fois de plus qu'avec une idée simple et une trame haletante on peut faire d'un jeu aux graphismes bichrome une aventure haute en couleur; complètement sortie de l'ordinaire. A tester absolument