Road 96 est un assez bon représentant d’une certaine frange des jeux indépendants français, au concept original, voire novateur, mais qui pour de multiples raisons effleure l'excellence sans jamais l’atteindre. Et pour cause, Road 96 se retrouve rapidement à court d’arguments pour que l’on puisse ranger celui-ci dans la catégorie des indispensables, ce qui n’enlève rien au charme certain de cette production.
Road 96 repose sur une multitude d’idées qu’on pourrait presque qualifier de “novatrices” et qui méritent une petite explication.
Dans une volonté de relier deux genres qui semblent incompatibles sur le papier, que sont le rogue lite et le walking sim, Road 96 nous demandera d’aider 6 adolescents en fugue à fuir un pays qui semble aux prises d’un dictateur et dont l’action se situe dans ce qui pourrait s'apparenter à la frontière entre le Mexique et les Etats Unis.
Pour atteindre cet objectif, les joueurs devront faire la connaissance de plusieurs personnages clé ainsi que décider de la voie à emprunter pour rejoindre l’objectif final. Cela peut se résoudre de plusieurs manières, via du stop, prendre un taxi ou un bus ou simplement marcher.
Ceci fait, il y aura quand même une mécanique “d’énergie”, nourriture en gros, et d’argent de poche à prendre en compte. Faites cela six fois avec six adolescents et alors la fin s'offrira à vous.
C'est peut-être ici que l’on entrevoit les premières failles de Road 96, une certaine limite à l’aléatoire et on sent que l'on n'est pas vraiment maître de toutes les variables qui nous entourent, malgré cela, on se prend au jeu, grâce à un point en particulier, la direction artistique.
La direction artistique est comme dans beaucoup de jeux français une réussite. Les panoramas nous offrent ce que les développeurs souhaitaient sûrement transmettre, une sensation d'évasion et de voyage au travers de cette inspiration de la route 66.
Chaque arrêt ou trajet donnent lieu à des moments de “wow”, et cette équipe nous montre une fois encore que le plus important n'est pas le nombre de polygones, mais ce que l’on en fait.
Cependant, n'espérez pas visiter ce pseudo Nevada en mode baroudeur, ici, on est cantonné à de minuscules zones telles qu’une station essence, un motel et j’en passe. Les transitions entre chaque arrêt proposent des cinématiques ou des phases de gameplay plus statiques ou l’on choisira quelques options de dialogues au fil de nos rencontres plus ou moins amicales avec nos compagnons de route.
Le tout est sublimé en musique par quelques artistes de la crème de la scène underground française, Toxic Avenger en tête de liste (ah ce concert au 400 à Bordeaux, je m'en souviendrai), mais je m’égare.
Pour sa part le scénario souffle le chaud et le froid. Tout d'abord et c'est une constante dans cette vague indépendante française toujours avec ce côté bien-pensant, l'écriture est pompeuse. Néanmoins dans sa globalité l’ambiance et les enjeux sont relativement bien transmis au joueur et l’on se sent impliqué quant au futur de ces adolescents et dans les événements en toile de fond de cette dictature pas si virtuelle. Le jeu ne vous expliquera pas tout en détails et c’est au joueur de fouiller et de tisser les liens entre tous les indices que l’on trouvera.
Pendant les premières heures, difficile de nier que cela fonctionne et sans que je ne passe des jours à méditer sur mes choix de dialogues, je ne trouvais pas grand-chose à reprocher au flow de la narration. Mais on reviendra sur ce point plus bas.
Malheureusement, deux piliers du concept général tendent à flancher sur le dernier tiers.
Le premier, et je l’ai légèrement abordé plus haut, n’est autre que la progression. Sois disante aléatoire, à mon humble avis, il n’y a rien ou pas grand-chose d'aléatoire dernière tout ça et on s'aperçoit rapidement que malgré toutes nos actions, la moelle du récit reste parfaitement scriptée. C’est dommageable, car c’est un point mis en avant par les développeurs, mais l’avis général et qu'aucun d’entre nous n’a vraiment vécu des choses différentes, hormis quelques lignes de dialogues.
Deuxièmement, le scénario, encore lui, s'effrite peu à peu sur la fin avec des réponses pas vraiment à la hauteur des enjeux installés depuis le départ, et surtout une tendance à une écriture qui répond au questionnement de manière un peu cucul et infantile et qui semble régler les problèmes par le prisme d’un enfant. Sans oublier que de nombreux personnages dont on acceptait quelques traits de caractère au début et dont on espérait un développement complexe, deviennent rapidement clichés/stéréotypés. Assez exaspérant sur la fin, rappelant d'autres jeux indépendants français, Nightcall, Decarnation et j'en passe dans son style. Assez triste, car le début laissait présager des choix courageux en affrontant la mort et le stress de ne jamais réussir à aider ces jeunes, c’est le cas, mais mit en avant de façon niaise.
J’ai aimé Road 96 et cela a été un moment fort agréable, qui marque sur quelques aspects, mais que vous aurez tantôt fait d’oublier sur d’autres.
Ce n’est pas un mauvais jeu loin de là, au concept unique, mais qui ne va pas vous demander de réveiller vos voisins dans une furieuse envie d’en discuter.
Finalement, j’ai retenu nécessairement plus de choses du voyage que de l’intérêt d’aller au bout de celui-ci, donc est ce là un début de réussite ? Peut-être que oui, alors je lui pardonne quelques faiblesses, plus ou moins importantes suivant votre tolérance. On est quand même pas passé loin d'une franche réussite.