S'attaquer à l’exercice d'écriture d'une critique pour une œuvre comme A Space For The Unbound, c’est prendre le risque de se frotter à une équation impossible. En effet, cette dernière reposant essentiellement sur son récit, il me faudra naviguer avec précaution en ayant pour seul but de vous donnez envie tout en préservant chacun d'entre vous de la moindre bribe de narration qui en dévoilerait trop. Car garder votre découverte intacte, c’est vous donnez la chance de plonger dans cette histoire ô combien bouleversante et extraordinairement bien écrite, A Space For The Unbound étant peut être à ce jour l’une des œuvres qui m’aura le plus secoué émotionnellement.
Comment pourrais-je résumer A Space For The Unbound simplement vue de l'extérieur ? Quelque peu insondable derrière son superbe style artistique en pixel art, cette réalisation cache pourtant une profondeur que peu de jeux peuvent se vanter.
Nos premiers pas dans cette Indonésie des années 90 dévoilent un jeu qui capture avec justesse l’esprit des souvenirs d’enfance idylliques. Ces moments en famille, en couple ou bien seul, où c’est toujours l’été et où le ciel est d’un bleu saturé, profond et inspirant. Le simple fait de se fondre dans cette culture indonésienne que nous autres occidentaux ne connaissons que très peu, tout en vivant ces morceaux de vies quotidiennes entre deux lycéens, procure un bien fou.
Rapidement, on découvre que la simulation de vie que l’on pensait entrevoir et qui a dû en inquiéter certains, moi le premier, s'arrêtera rapidement pour laisser place à du fantastique. Avec une volonté de brouiller la frontière entre l’imaginaire et le réel, pour dévoiler une aventure qui vous emmènera au plus profond de votre âme et de multiples réalités, rien de moins. Sondant comme rarement, avec autant d'efficacité dans un jeu vidéo, chaque parcelle de ce que représente la vie avec un grand V.
Exceptionnelles sont les productions ou je me suis senti autant investi dans un récit et A Space For The Unbound ne fera pas semblant de vous ménager quant aux émotions qu’il essaiera de transmettre, l'ascenseur émotionnel sera tantôt inspirant, souvent brutal.
Si ce que les dévellopeurs tentent de nous faire vivre et ressentir ici échoue à extirper ne serait-ce qu'une seule larme de votre corps, alors il n’y aura certainement plus rien à faire pour vous homme ou femme de cœur de pierre que vous êtes, mais je n’y crois pas.
Je ne peux m'empêcher de voir au travers de cette œuvre une once de Makoto Shinkai qui aurait décidé de tordre son audience dans tous les sens, et ce, jusqu'à la dernière seconde, une sorte de version adulte de ses histoires, que j'apprécie énormément au passage.
L'immense puzzle qui nous est présenté ici, ne trouvera sa conclusion qu'à la toute fin, après une longue et palpitante aventure parsemée de twists audacieux. Donnant toute la latitude et le temps de pouvoir s’immerger.
Sachez simplement qu’il vous sera difficile de voir venir le dénouement de la façon dont vous l’auriez imaginé ou espéré, le jeu se gardant de livrer ses derniers indices, cruciaux, avant les derniers chapitres.
Il y a bien sûr derrière cet enrobage un “vrai” jeu, A Space For The Unbound n’étant en aucun cas un simple roman graphique, mais une aventure narrative regorgeant de dialogues avec des personnages, minis jeux, énigmes/puzzles pour progresser dans l’histoire et influencer très légèrement celle-ci. Le tout disséminé dans un petit monde ouvert, qui ne fera que se renouveler au cours des péripéties, la variété des visuels étant largement appréciable. Il y a peut-être de rares accros qu’on pourrait noter, en particulier les quelques allers-retours nécessaires par moment, mais à quoi bon s’éterniser sur ce point, le reste respire le talent, combinant vibrant hommage et une originalité sans limites. D’un clin d’œil à Street Fighter en passant par une inspiration d’Ace Attorney jusqu'à la réappropriation d’une idée de Psychonauts, mais pour ce dernier, il sera à vous de découvrir de quelle manière ces deux œuvres sont liées. Comme je l’ai dit plus haut, je souhaite préserver autant que possible la surprise, mais avec des personnages aux “pouvoirs” surnaturels, il n’est pas difficile d’imaginer les possibilités offertes à l’aventure de vous amener sur des terrains inconnus.
Ce que j’attends d’une œuvre quelle qu’en soit sa nature, c’est qu’elle réussisse avant tout à me transmettre des émotions. Pour le jeu vidéo, celles-ci peuvent se manifester sous de nombreuses formes. Le gameplay, l’histoire, la musique, les visuels ou bien la combinaison de plusieurs de ses facettes. A Space For The Unbound pioche plus ou moins dans chacune des possibilités offertes par le médium, mais la priorité est donnée au récit.
Si cette création de Mojiken réussit à toucher une corde sensible en vous, il se peut que cette dernière change radicalement votre manière de voir non pas le jeu vidéo, mais bien la façon dont vous concevez le passé, votre expérience de vie et ce que vous souhaitez accomplir du reste de cette dernière.
Ce n’est pas cette OST mémorable qui aidera à effacer le travail phénoménal fourni par ce studio indonésien de mon esprit. L'ensemble restera gravé au fond de ma pensée pour toujours. Si je m'écoutais le 10/10 n'était pas loin. Dieu que j’aime le jeu vidéo, merci Mojiken Studio, sincèrement merci de nous rappeler de vivre la réalité autant que possible, même si cette dernière ne vaudra jamais les rêves vécus.
Maintenant à vous d'expérimenter le “plongeon spatial” et surtout caresser bien TOUT les chats.
Énigmatique n’est ce pas ;)