Il y a beaucoup à dire sur Road 96.
Sur son univers déjà : Petria, un état autoritaire imaginaire des années 90 aux relents de soviétisme mais parsemé de paysages typiques des road trips américains. En ligne de mire, un roc : la frontière, où s'amassent des jeunes adultes désireux de fuir leur pays pour espérer un avenir meilleur. C'est l'un de ces jeunes adultes que vous incarnez. Votre héros est anonyme et interchangeable, ce qui n'est pas problématique vu la structure de la narration, et vous aurez la charge de l'emmener jusqu'à la frontière, en stop, en bus, en taxi ou à pied. Mais comme le dit l'adage : Ce qui compte, ce n'est pas la destination, mais le voyage.
En effet, votre périple vous amènera à rencontrer successivement plusieurs compagnons de route que vous apprendrez à connaître en profondeur au fil des kilomètres et des événements. Paraissant anodins au début, tous (ou presque) se révèlent au final importants pour saisir les enjeux de l'univers imaginaire qui nous entoure.
De ce côté-là, rien à redire, la narration est innovante et parfaitement maîtrisée, les personnages variés, les dialogues
(même si j'aurais aimé pouvoir discuter avec la personne sur le siège passager sans détourner tout le temps le regard de la route)
comme le doublage sont efficaces, et les conséquences de nos actions visibles. Le scénario est intéressant et fait souvent appel à l'esprit de déduction du joueur, sans pénaliser ceux qui roupillent sur le siège arrière.
Au niveau du gameplay en revanche, rien de révolutionnaire : quelques séquences de jeu un peu plus nerveuses viennent s'intégrer dans un walking simulator tranquille. On ne s'ennuie jamais, mais le jeu n'est pas extrêmement novateur, et la partie "stratégique" de gestion de l'énergie, de l'argent et du temps est plutôt décevante car son potentiel est inexploité. Il y aurait eu, je pense, des possibilités de rendre cet aspect essentiel à la planification d'un voyage un peu plus exigeants, sans en faire évidemment un simulateur de survie.
Pour ce qui est de sa réalisation artistique, nul doute que ce qui restera dans ma mémoire après avoir fini le jeu sera son incroyable bande originale, passant de la turbo synth-pop rappelant Hotline Miami à des ballades folk qui vous replongeront tout droit dans Into the Wild. L'idée des cassettes sonores comme collectibles est intéressante car bonus sympa pour le joueur qui a aimé le jeu et permettant de mettre en avant les artistes qui ont travaillé sur la bande son.
En revanche, le jeu perd des points au niveau de son graphisme. Je n'ai aucun mal avec la direction artistique des décors et la 3D cartoon-pastel des personnages; néanmoins, et même aux paramètres maximum, pas mal de passages du jeu ont souffert chez moi de bugs de lumière ou de pixels gros comme le pouce.
En bref, Road 96 est un bon jeu, très bon voire brillant par certains aspects relatifs à sa conception mais pêchant un peu sur quelques autres relatifs à son exécution. Je recommande néanmoins vivement de l'essayer et, comme beaucoup d'entre nous, que vous croiserez peut être sur le chemin, d'entamer le long voyage jusqu'à la route 96.