Critique sur GameSideStory, avec une meilleure mise en page et screenshots.
J’ai une certaine tendresse pour ces jeux de balle et de boule toujours très arcade, souvent hybrides entre jeu d’adresse, de puzzle et de plateforme. J’ai passé énormément d’heures sur Kula World notamment, mais je dois avouer très facilement m’amuser à partir du moment où on me laisse au contrôle d’une balle, à naviguers diverses plateformes.
Road to Ballhalla emprunte pas mal à tous les jeux de boule l’ayant précédé, à en commencer par son genre. C’est un puzzle platformer oui, mais il devient très rapidement jeu d’adresse à travers ses puzzles et la disparition graduelle des murs dans le level design. Mais surtout, il se vêt d’une ambiance arcade, avec ses néons dans tous les sens et son ton provocateur. Celui-ci rappelle un peu l’esprit du marketing des années 90, où le joueur est insulté dans tous les sens afin de le mettre au défi. Là où cela devient intéressant, c’est que Road to Ballhalla pousse le principe à l’extrême jusqu’à en être absurde : le jeu entier est bâti sur cet humour gras composé de jeux de mots en tous genres et d’un narrateur qui passe son temps à taunt le joueur. Si en soi l’humour lui-même est subjectif et pourra très facilement paraître lourd selon l’humour de chacun, l’exploitation de celui-ci est particulièrement intéressante dans le sens où elle va à contre-courant de la philosophie adoptée dans la plupart des jeux actuels.
En effet, l’humour et l’esprit provocateur du jeu ne se retrouvent pas seulement dans la narration et les divers textes, mais font ainsi partie intégrante du gameplay et du level design. Je dirais même qu’ils sont à la base de ceux-ci, tant il semble que tout le jeu soit construit autour de son humour. Ainsi, là où la tendance est à guider le joueur en étant le plus user-friendly possible – de façon plus ou moins subtile et directe selon les jeux – Road to Ballhalla va en permanence tromper le joueur, se jouant de la confiance innée que celui-ci a par rapport à un tutoriel. C’est plutôt intelligent et assez bien exécuté, étant présent du début à la fin du jeu. Le level design est ainsi entièrement bâti avec l’idée en tête de se moquer du joueur, des pans entiers de certains niveaux n’ont alors que cette optique en vue et n’apportent rien aux puzzles. Le seul aspect du jeu qui n’est jamais influencé par l’humour est finalement la musique et le très bon sound design. Ce dernier est pensé de façon à accompagner le gameplay et les puzzles, rythmant ceux-ci au son de la musique. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les sons du jeu sont des indices plus consistants et fiables que les commentaires du narrateur, la partie musicale accompagnant toujours les solutions du puzzle tandis que le narrateur essaie de guider le joueur vers l’échec.
Dans un esprit toujours aussi proche des années 90, tout le marketing du jeu semble centré autour du fait qu’il soit difficile, demande « du skill » et donc défie les joueurs. Ça se retrouve dans le jeu en permanence, le narrateur passant son temps à taunt le joueur sur le fait qu’il ne pourra pas réussir le prochain puzzle ou en se moquant à chaque mort. Encore une fois, l’humour est au centre : le gameplay est rendu volontairement difficile (et le level design suit les mêmes règles) afin d’ensuite pouvoir se moquer du joueur et de son échec. Malheureusement, c’est aussi là que survient un des plus gros défauts du jeu : sa difficulté purement artificielle. Une conséquence directe du ton adopté par le jeu est qu’il est injuste et frustrant et – contrairement à ce que le narrateur taunt – c’est souvent plus la faute du jeu que du joueur lors d’un échec de ce dernier. En effet, si le level design est calibré au pixel près avec tout un tas de mécaniques plus sadiques les unes que les autres, le gameplay lui est profondément imprécis, ce qui est source d’une bonne part des morts que l’on rencontrera au fil du jeu. L’inertie de notre balle est assez catastrophique, pouvant conduire à une mort même lorsque l’on tente simplement de rester immobile. A force de trop vouloir se moquer du joueur, la maniabilité du jeu finit par n’être que frustrante de médiocrité. Elle souligne au passage l’irrégularité de la qualité du level design, enchaînant puzzles ingénieux et horreurs sans nom. Le pire dans tout ça, c’est que le jeu semble en être conscient, puis que certaines blagues y font référence…
Ce qui est intéressant avec Road to Ballhalla, c’est justement que le jeu reste fascinant alors qu’il n’est jamais fun à jouer. Si la construction et le raisonnement derrière le jeu sont finalement assez peu communs dans un jeu vidéo, c’est globalement assez banal et quelconque une fois le pad en main, et même médiocre dès que le level design demande de faire preuve de précision. C’est plutôt dommage car, passé l’utilisation de l’humour, il y a quand même quelques choix de designs et petites idées de gameplay plutôt intéressantes, qui auraient pu briller si le reste du jeu était à la hauteur. Il est aussi assez étrange qu’un jeu se voulant autant arcade soit aussi mince en contenu (5 ou 6 heures pour arriver à la fin, un peu plus pour améliorer ses scores), comme si le jeu n’était finalement qu’une farce des développeurs. Après tout, pourquoi est-ce que l’amusement du joueur passerait-il forcément avant celui du développeur ?