De toutes les œuvres que je connaisse, je crois bien que Sakura Taisen est la seule à avoir ce statut d'œuvre qui me passionne depuis un long moment, alors que je n'y avais jamais joué jusqu'à il y a encore quelques mois, ni même regardé un seul épisode animé.
Hormis s'être passé -et encore aujourd'hui- en boucle les différentes versions de l'opening devenu mystique pour toute personne s’intéressant un temps soit peu à l'animation japonaise, pendant des années je me suis contenté d'admirer les magnifiques arts de Kôsuke Fujishima & Hidenori Matsubara tout en imaginant quels pouvaient être les tenants et aboutissant du lore Sakura Taisen tout au long des 5 jeux principaux.
Plus le temps passait et plus la frustration grandissait car je ne pouvais simplement pas découvrir ces jeux étrangement attirants car aucune véritable localisation n'avait été faite depuis 1996, et ce n'est que très récemment que je me suis enfin décidé à attaquer toutes les séries d'animations, complètement excédé par la frustration de ne pas avoir de récit émouvant pendant l'ère Taisho à se mettre sous la dent.
Hormis une fantrad anglaise récente du premier jeu (m-e-r-c-i) et une sortie officielle anglaise (traduit et doublée) du 5e opus, j'avais juste perdu espoir qu'un jour Sakura Taisen renaîtrait de ses cendres.
Et puis voilà que 15 ans après "So Long, My Love", un reboot sort, sur PS4, avec une traduction française. Quelle vie.
Je le redis plus explicitement pour faire comprendre à quel point c'est énorme :
Un jeu Sakura Wars a été traduit en français en 2020
"hikisaita yami ga hoe, furueru teito ni"
Cet opus "Shin" apporte 2 changements majeurs à la licence : un chara-designer autre que Kôsuke Fujishima (ici le fameux Tite Kubo de Bleach) ainsi que l'abandon du Tactical-RPG pour du pur musô.
Ayant passé énormément de temps à contempler les arts des anciens jeux, cette passation de poste m'a beaucoup perturbé avant la sortie du jeu. Au final après un petit temps d'adaptation j'ai fini par apprécier ce nouveau design des personnages (excepté une réticente pour Anastasia), mais je persiste à m'attacher au trait de l'auteur d'Ah My Goddess qui pour moi reste inégalable même encore maintenant. Ceci étant, le style de Tite Kubo rend assez bien sur les membres de la Troupe, les mouvements sont fluides (voir même un peu trop par moment), les cutscenes sont elles aussi bien réalisées tout comme les séquences d'animations.
Point noir à ce tableau, toutes les séquences ne sont pas doublées. Typiquement dès le début du jeu, Kamiyama se parle à lui même dans le train, en off, et arrivé à la gare, on a droit à une autre séquence où il bouge les lèvres mais cette fois si sans aucun son sortant de sa bouche, juste les bruits environnants. Ça arrive assez souvent dans le jeu et ça casse pas mal l'ambiance générale, surtout quand tu enchaînes après une cinématique doublée, c'est dommage ça fait un peu sortir du jeu.
Le choix de passer sur des phases d'action en temps réel avec beaucoup plus d'ennemis était à mes yeux nécessaire. C'est plus nerveux que le système au tour par tour des précédents jeux et donc plus réaliste, ça donne de vraies séquences de combat où on a envie d'en découdre. Mais si seulement tout avait été bien fait... :
1) La palette de coups est assez limité :
- attaque 1 et attaque 2 faisable en combos seuls ou combinés
- attaque spéciale demandant du cast
- attaque double avec son binôme
- double saut
- dash
- esquive & contre
2) Les combats sont RIDICULEMENT facile. C'est simple, sur toute la durée de ma run, j'ai perdu 1 personnage, c'était en tout début de jeu parce que je maîtrisais pas encore complètement le gameplay. Et c'est tout, j'ai plus jamais perdu après ça. Même les ennemis et boss du dernier chapitre mettent 10 secondes avant de frapper, on perd toujours très peu d'hp par coup et pour ne rien arranger, le jeu te redonne peu à peu de la vie quand tu tapes. On a justement un binôme de secours pour prendre la relève, ça vous suffisait pas ?
3) Les niveaux ont tous le même décors, les même plateformes engrenage, les même ennemis en métal. On avance, on tue une 1ère vague, on déverrouille le portail vers la suite de la map, on fait quelques sauts, on tue la 2e vague, on débloque la suite du tracé, on tue la 3e vague avec un plus gros monstre, etc. Tout les niveaux sont comme ça, avec un boss à la fin, lui aussi affreusement facile.
En gros : c'est sympa de tuer tout ce qui bouge avec des sabres, mais 10 minutes.
Alors oui, comme ses aînés, "Shin Sakura Taisen" est constitué à 20% de phase d'action et de 80% de phases d'intrigues, mais les combats souffrent d'un tel manque de finitions et de difficulté qu'il est impossible de ne pas passer outre et de ne retenir que la partie histoire / interaction. Je sais bien que le choix de faire combattre la troupe exclusivement dans le monde des ténèbres handicape le problème des décors qui se ressemblent (là où dans "Is Paris Burning?" les démons s'invitaient directement dans la capitale) mais ces trois points pouvaient vraiment être améliorés pour rendre l'expérience meilleure et le joueur plus impliqué dans les combats, et par la suite dans le jeu entier.
"ai no uta takara ka ni, odorideru senshitachi"
Voilà pour les principaux changements de Sakura Wars 2019, mais qu'en est-il du reste du jeu ?
Le système de LIPS chronométré qui influence les relations avec les personnages est bien sûr toujours présent, et un 2e système (plus anecdotique) de jauge à plus ou moins remplir a été ajouté. Une chasse aux portraits a été incrémenté, des petites images des personnages principaux ainsi que ceux des précédents opus sont dissimulés un peu partout sur la carte et aussi obtenable en accomplissant certaines quêtes. Côté mini-jeu, seul celui de Li Kohran a été conservé : "Koi-Koi War" permet d'affronter tous les personnages du jeu dans des parties de hanafuda. Une bonne petite occasion pour apprendre à y jouer.
De manière générale le jeu ne dénigre pas les petites features qui ont fait son succès, c'est pourquoi on y retrouve les fameuses séquences d'introduction qui annoncent le prochain chapitre de l'histoire à venir, comme de vrais épisodes de fiction.
On dispose toujours d'un menu / carte / inventaire, cette fois-ci représenté par un petit appareil électronique (hey on est dans les années 40 mais on est toujours steampunk dude)
Si on aime les phases de combat, il est possible de s'y adonner sur 9 niveaux d'entraînements """différents""" avec chacune des 5 filles de la Troupe (soit 45 niveaux) pour débloquer quelques récompenses notamment des portraits.
(oui, c'est du pur farming et oui, j'ose pas imaginer la patience qu'il faut pour tous les faire)
Au niveau technique, le jeu s'en sort plutôt bien. Le rendu 3D est réussi et les décors bien pensés, avec une foule environnante qui fait sa petite vie. Malgré des quartiers très petit qu'on explore en 10 secondes chrono, je salue l'effort apporté au détail.
"kokoro made koutetsu ni, busou suru otome"
Bon. L'univers du jeu est beau et le système de combat est à revoir impérativement, mais quid des 80 autres % du jeu a.k.a. l'histoire et les relations entre personnages ?
Le titre s'en sort bien de ce côté-là.
On est très régulièrement invité à aller parler à toutes les filles ainsi qu'au personnel du théâtre impérial pour améliorer ses relations (ou pas). Les dialogues s'enchaînent bien, on apprend à aimer sa troupe et pas mal de phases décomplexées ou de quiproquos viennent égayer l'ensemble.
L'histoire quand à elle est assez simple :
Seijuro est promu Commandant de la nouvelle Brigade des Fleurs et a pour mission de lui redonner sa popularité d'antan. En effet le théâtre n'attire plus les foules, accumule les dettes et n'est même plus capable d'assurer la sécurité de Tokyo, au point où c'est la Troupe de Shanghai qui se charge de tout.
Mais une question nous hante depuis la première minute du jeu :
si l'action se déroule 10 ans après la grande bataille de Tokyo qui a demandée les efforts des 3 troupes du monde pour sceller les démons, que leur est-il arrivé ?
Si la situation de la troupe s'améliore assez vite dès les premiers chapitres grâce aux efforts de tous, l'histoire prend un tournant :
Alors que les Olympiades continuent de se dérouler, les antagonistes décident de mettre leur plan à exécution et ouvrent une brèche géante sur la capitale. C'est alors que le président qui organise le tournoi change les règles : la défaite est maintenant synonyme de dissolution, et l'équipe vainqueur du tournoi aura l'honneur de diriger une méga-troupe pour vaincre l'armée de démons débarquée.
Je passe les détails pour ne pas trop en dévoiler mais une fois le jeu terminé une première fois et les démons vaincus, j'avais passé un bon moment dans l'ensemble. L'histoire est finalement assez classique, comme tous les précédents opus, avec le même élément déclencheur.
MAIS
Il y a pour moi un gros défaut dans ce scénario. S'il est effectivement trop classique, le prélude et les phases de dialogue avec Sumire laissent supposer que d'autres éléments et évènements vont se produire. Peut-être. Le souci c'est que ces gros bâtons tendus au joueur n'arriveront jamais, le jeu se contente de nous faire méchamment mariner pour au final ne rien montrer. Je suis un peu vague dans les propos mais ceux qui ont joués au jeu savent que je parle bien évidemment...
...du fait que, si les 3 troupes de Tokyo / Paris / New York ont été scellée dans Alter-Tokyo avec l'Archidémon, pourquoi ne les voit-on pas à la fin du jeu ? Et qu'on ne vienne pas me dire qu'ils sont tous morts, Sumire insiste bien sur le fait que "nous nous reverrons" avant de sceller une 2e fois le démon.
Ah et le fait qu'on pense que c'est juste l'esprit de Sakura Shinguji qui aide nos 2 héros à retourner dans le présent, alors que Sotetsu Genan hurle juste après "Comment ose-tu encore te mettre en travers de ma route ?", ce qui insinue encore qu'elle n'est pas morte ?
Et le voyage dans le temps, comme ça tranquille au calme ? Pourquoi comment ? Ok c'est Sakura Wars, l'univers où on peut tirer des boules d'énergie avec son épée mais quand même, donnez au moins une explication quand vous utilisez un trope aussi gros que le voyage dans le temps ? Là ça sort vraiment de nulle part et on a juste l'impression que c'est un gros deux ex machina.
J'ai attendu ce moment pendant toute la dernière partie et il n'est jamais venu. Autant dire que ça m'a vraiment déçu pour le coup. C'est le premier jeu Sakura Taisen en 15 ans après une chute des ventes pour l'épisode New York, Sega devait convaincre à la fois les anciens et les nouveaux joueurs attirés par la licence depuis des années. Proposer une histoire plus poussée aurait été largement salué, je suis même certains que c'est ce que veulent les fans, tant le jeu nous fait des pieds de nez.
"aku wo kechirashite, seigi wo shimesu no da"
En conclusion, Shin Sakura Taisen a le cul entre 2 chaises. Si la volonté de faire renaître la saga est bien là, le jeu se voit entaché par ses phases de combat vite limitées, rapidement ennuyeuses et extrêmement lassantes avec ses niveaux copiés collés. L'histoire est bonne mais il avait tellement possibilité de faire mieux, de tout de suite frapper un grand coup.
Pour autant tout n'est pas à jeter dans ces 2 point noirs, et on saluera aussi l'ambiance générale, les décors, les dialogues, les cartes à collectionner, le doublage, et surtout la nostalgie de se balader dans le Théâtre impérial, celui qui a vu fouler les pas du Commandant Ôgami et de Sakura, Sumire, Iris, Kohran, Kanna, Orihime et Reni.
Enfin je tiens à saluer la traduction française, excellente, pas d'erreur à signaler, rien. Et ça fait plaisir de pouvoir enfin mettre un vrai nom français officiel sur chaque terme spécifique à la saga. Encore aujourd'hui j'ai du mal à croire que ça a pu se faire, pour CE jeu de niche. À mon grand désarroi je n'ai trouvé aucune mention dans les crédits, alors si jamais vous lisez ceci : Un grand merci à vous
"Hashire !"
Je sais qu'une suite est prévue. J'en suis persuadé quand je vois tous les clins d'œil qui sont évoqués dans le scénario. Sega n'a clairement pas sortie sa licence culte du placard pour se contenter du strict minimum, ça serait illogique ne serait-ce que d'un point de vue business, en témoigne le mobage Sakura Kakumei sorti ce mois-ci.
Ce Sakura Wars n'aura pas été une mauvaise mise en bouche, mais j'espère sincèrement que la suite mettra la barre plus haut et qu'on aura la chance de voir l'histoire se développer d'avantage. À défaut de ne peut-être jamais pouvoir jouer aux opus précédent à cause de la barrière de la langue, je veux retrouver et découvrir cet univers qui a su s'étaler sur 5 jeux auparavant et qui fait la force de la franchise.
J'y crois.