Shadow Gambit: The Cursed Crew
7.6
Shadow Gambit: The Cursed Crew

Jeu de Mimimi (2023PC)

De prime abord, Shadow Gambit: the Cursed Crew ressemble à s'y méprendre aux précédentes productions du studio Mimimi, déjà responsable des excellents Shadow Tactics (on s'emmerde pas pour les noms par ici) et Desperados III. Les bases sont en effet strictement les mêmes. Le moteur, l'IA, les ennemis, tout pareil. Mais certains changements structurels assez importants viennent secouer la formule, pour un titre plus accessible mais qui perd selon moi beaucoup en finesse.

Pour ceux qui ne connaitraient pas, les jeux Mimimi sont des jeux d'infiltration tactique en temps réel exigeants, où le but est de coordonner l'action de vos personnages pour vaincre des ennemis largement en surnombre. Les précédents titres de Mimimi vous invitaient à contrôler jusqu'à cinq personnages présélectionnés en fonction des missions, chacun avec des compétences et caractéristiques uniques pour en venir à bout.

Le premier changement majeur de Shadow Gambit vient des justement des personnages, 8 en tout, tous dotés de capacités surnaturelles et que vous pourrez sélectionner à l'envie pour chaque mission, toutes effectuées en groupe de 3 à part la dernière. La possibilité de prendre qui vous voulez est le principal vecteur de variété dans le contenu. Les pouvoirs sont différenciés et changent plutôt bien votre manière de jouer. Par contre, si certaines capacités sont franchement chouettes, c'est pas non plus la grande folie pour d'autres (en particulier en ce qui concerne les objets de diversion, la plupart très basiques), et les persos sont un peu déséquilibrés. N'empêche, y a de quoi créer de belles synergies, et le jeu pousse activement à changer votre sélection à chaque mission. Ces dernières sont toujours menées de manière distincte mais se dérouleront sur des îles que vous aurez à visiter plusieurs fois, mettant le plus souvent en valeur un lieu particulier que vous n'aurez pas à revisiter. Par ailleurs, vous aurez aussi le choix de votre point d'arrivée sur chaque mission. Je n'y trouve pas grand intérêt, puisqu'on prendra toujours le point le plus direct vers l'objectif, le plus souvent évident.

Je trouve cette nouvelle formule très perfectible. Si la répétitivité entre les missions n'est pas trop grande, grâce aux différents persos et au fait que chaque chapitre mette en avant un lieu unique, elle finit quand même par s'installer à travers les chemins et places fortes que vous pourrez être amenés à traverser et retraverser, d'autant plus que les patrouilles de gardes ne changent jamais. Mais surtout, cette approche a sérieusement entamé la richesse des cartes par rapport aux anciens titres, en témoigne d'ailleurs le nombre de personnages jouables systématiquement limité à trois. Dans les précédentes productions du studio, le jeu connaissait vos personnages et votre direction d'approche (bien que le titre laisse une grande marge de manœuvre tactique). Ici, non. Le joueur peut venir de n'importe où avec n’importe quel personnage. Il faut donc que chaque situation puisse être résolues par tous les joueurs de n'importe quel angle. C'est pour moi au moins l'une des raisons pour lesquelles les maps n'ont pas les mêmes richesse et précision qu'auparavant. Les gardes ne sont plus aussi nombreux, ne se regardent souvent pas les uns les autres, et il est parfois possible de vider une zone avec un seul pelot si vous vous y prenez bien. J'ai constaté aussi quelques disparitions, comme les capacités offensives à effet de zone ou les civils courant prévenir les gardes. Cela donne des cartes moins intéressantes à explorer, puisque le côté casse-tête à résoudre faisait tout le sel des Commandos like, bien plus que la phase d'exécution, qui n'était au final qu'une évaluation de votre stratégie. Il arrive quand même que le titre retrouve les éclats d’antan dans les places particulièrement fortifiées, quand les cônes de visions sont piles là où il faut pas, quand faut faire trois diversions pour fumer un gars, quand un type que vous aviez pas vu vient foutre en l'air le plan que vous prépariez pendant 10 minutes. Les bons moments. Le dernier niveau, qui justement n'a pas de choix de personnage ou quatre points d'insertion possibles, est sûrement le meilleur. Mais il faut admettre que la plupart du temps, la poignée de gardes que vous aurez à affronter ne poseront pas souvent problème (je précise quand même que la frustration peut être présente en mode de difficulté supérieure, où passer dans le cône de vision signifie l'alarme), en dehors peu être lors de l’exécution de vos plans qui, comme évoqué plus haut, ne constitue pas la force des jeux Mimimi. Ce sont des jeux où chaque défense est à priori impénétrable, mais dont les fines fêlures finissent par la faire s'effondrer comme un château de cartes. En tout cas, c'est comme ça que je m'en souviens. Ce sentiment était ici assez rare.

Le titre aussi pêche sur la variété. En dehors des personnages, pas grand chose ne bouge. Les cartes ont un peu de tout mais manquent d'une identité forte dans leur gameplay, à l'exception du dernier niveau. C'est en partie du au fait que le titre ne puisse jouer avec les forces et faiblesses de vos personnages, puisque le jeu ne sait pas qui vous prendrez avec vous. Mais malgré ça, le studio aurait pu donner une identité un peu plus forte à chaque île. Si j'ai l'air d'avoir dressé un assez triste tableau, je pense quand même que shadow gambit est un chouette jeu. Shadow tactics en moins bien c'est quand même pas si mal, et y a quand même vraiment de quoi s'amuser avec les différentes capacités. Si la plupart des missions reposent sur la même formule, certaines de celles dédiées à un personnage (une pour chacun) parviennent à avoir une véritable identité. La relative simplicité du titre laisse aussi un plus grande place à l'improvisation, ce qui peut donner des moments assez chouettes. D'ailleurs le studio a enfin trouvé un bon équilibre pour son système d'alarme. Auparavant, se faire repérer signifiant généralement finir entre quatre planches, c'est ici mieux géré. Avec un peu de chance et de jugeote y a parfois moyen de s'en sortir (et même de casser un peu le jeu en tuant tout le monde d'un coup, l'IA ennemie vieillissante n'étant pas vraiment prévue pour ça), et les renforts n'arriveront que si un garde particulier parvient à sonner une alarme. De quoi pouvoir tenter sa chance sans passer par la touche F9 aussi souvent qu'auparavant. Mais là où, une fois l'aventure terminée, je voulais me lancer dans les défis dans Shadow Tactics (il y en a ici aussi, mais ils sont bien plus basiques), j'admets avoir ici assez vu les quelques îles que propose l'aventure une fois le générique passé.


Màj: j'ai refais Shadow Tactics pour la forme, et mon impression fut confirmée. Si le jeu est moins difficile que dans mes souvenirs, les niveaux sont en effet beaucoup plus riches et soignés que dans Shadow Gambit. Il y a un gros effort de variété entre chaque scène, où tous les éléments sont placés avec précision, et chaque section s’inscrit dans une carte globale cohérente, elle-même caractérisée par des mécaniques importantes à prendre en compte (les maps de nuit par exemple, construites autour des zones d'ombres et de lumière. Il y en a ici aussi, mais la nuit fait plus office de modificateur mineur dans l'expérience). Aussi, les compétences des personnages, moins puissantes que dans Shadow Gambit et parfois limitées en ressources, rendent selon moi l'expérience plus intéressante. Plus trop besoin de se creuser la tête quand on peut se téléporter derrière les gardes. Ça laisse un peu l'impression que les cartes de Shadow Gambit n'ont pas évoluées avec leurs personnages.


En plus de flinguer la moitié des habitants d'une île pour récupérer un bibelot, vous pourrez aussi vous détendre un peu dans le hub, là où le gros de la narration se fera. Même si elles étaient classiques, j'avais bien aimé les histoires de Shadow Tactics et de Desperados, notamment grâce aux relations qui se développaient entre les personnages. Mais ici, ce n'est pas vraiment possible, puisque dans sa constante poursuite du choix, le titre vous laissera sélectionner l'ordre dans lequel débloquer les personnages jouables. Et cela signifie bien sûr leur absence quasi-complète de la trame principale, qui ne contient aucun moment permettant de développer leurs relations. Vous pourrez en apprendre un peu plus sur leur personnalité à travers les "crew tales", où vous pourrez accomplir des objectifs simplistes pour suivre une histoire personnelle. Celles que j'ai faites étaient pas dingo, mais y avait quelques trucs sympas. Il y a aussi les missions personnelles évoquées plus haut, qui racontent sans doute les histoires les plus sympathiques du jeu et explorent un peu mieux l'univers. Le gros de l'aventure sera cependant constitué avant tout de la lutte entre le premier personnage débloqué, son bateau doué de conscience et la leader fanatique d'une Inquisition qui n'a que peu d'appréciation pour les revenants. C'est du très classique, et les quelques pistes intéressantes s'achèvent avant d'avoir pu commencer, mais y a rien non plus d'insultant dedans. J'ai d'ailleurs plutôt bien aimé l'idée d'intégrer la quicksave dans la narration du jeu, ce qui relève un peu l'intérêt.

Le côté artistique est à l'image du reste du titre. Les musiques sont sympathiques et discrètes. Les environnements sont plutôt jolis, assez riches mais peu variés. Il y a bien quelques lieux spécifiques pour attirer l’œil, mais l'atmosphère restera plus ou moins la même du début à la fin, oscillant entre île de pirates et église de cinglés. A part, encore une fois, dans le dernier niveau, très marquant visuellement. En fait, il est le témoin du potentiel non exploité du titre. Avoir des pirates et du fantastique, c'était aussi l'occasion de faire des niveaux plus osés dans leur conception, avec des géométries impossibles et des ambiances uniques. Mais le titre n'a su exploiter le surnaturel qu'avec ses personnages, et reste bien trop sage dans ses autres aspects.

Pour tous ses défauts, Shadow Gambit reste un titre sympathique. La vingtaine d'heures passée à planter, couper et ensevelir du fanatique fut la plupart du temps agréable, à quelques exceptions allant de l'ennui à l’enthousiasme. La volonté de Mimimi de faire évoluer sa formule est tout à son honneur. Mais offrir le choix au joueur a des contreparties qui, je pense, n'en valaient pas la peine ici. Si le studio parvient cependant à mieux gérer cet aspect, à changer un peu ses mécaniques de base et à apporter un peu plus de folie dans son contenu, la direction prise par Shadow Gambit pourrait finir par payer.

Màj: Mimimi va malheureusement fermer ses portes après ce titre, les innovations s'arrête donc ici. Avec le studio mourra sans doute le sous genre très sympathique qu'il était parvenu à ramener au goût du jour.

val990
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le 30 août 2023

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