Shenmue
8.3
Shenmue

Jeu de Sega-AM2 et SEGA (1999Dreamcast)

Contrairement à ce qui a été dit par certains, je ne trouve absolument pas que le jeu a perdu de l'intérêt avec les années. D'ailleurs personnelement j'ai découvert cet opus en 2007 (j'avais le 2 sur XBOX mais je ne comprenais pas l'anglais) et il m'a profondément marqué. A dire vrai, c'est l'une des rares fois où j'ai eu les larmes aux yeux pour autre chose qu'une tragédie. La puissance qui se dégage de cette force tranquille qu'est Shenmue m'a littéralement subjugué.

Je dirais même en réalité que le jeu a peut-être encore plus de charme aujourd'hui qu'en son temps puisque, même si la baffe technique n'a plus cours quand l'on joue à ce jeu, le cachet nostalgique de l'univers a encore plus de force que dans le passé. En fait Shenmue aborde un univers rarement exploité qui allie une relative proximité à notre époque (et donc à nos moeurs) et un certain dépaysement d'une autre époque : le Japon des années 80. En résumé, Shenmue c'est tout un condensé de la nostalgie du vieilissement que ressentent les générations qui ont joué à Shenmue. Dans Shenmue on a des téléphones, mais ceux d'avant, avec un fil. dans Shenmue on a des jeux vidéos...mais ceux d'avant, ceux des bornes d'arcade, etc...
Cette nostalgie se retrouve également dans beaucoup d'autres aspects du jeu.
Déjà visuellement Shenmue a vraiment l'allure d'un jeu charnière entre la génération 32/64 bits et la suivante avec ses décors un peu carrés par moments qui côtoient les visages modélisés de manière bluffante. C'est dingue, mais moi je trouve que cela a un charme fou, mais peut-être suis-je le seul à le trouver...
La nostalgie est également l'élément central de ce premier Shenmue, devant même la vengeance. Shenmue c'est l'épisode des adieux à ses anciens amis, à son ancienne vie, à son père. Tout le long du jeu, Ryo sera confronté à ses souvenirs et à son entourage qu'il va quitter à la fin du jeu (aucun personnage autre que Ryo ne traversera l'océan).
Le cadre du jeu également se révèle très intimiste avec un cloisonnement à un quartier retreint, à des intigues plus locales. De plus, le traditionnalisme Japonais flirte souvent avec les réalités d'un monde changeant. et qu'y a-t-il de plus mélancolique que ces périodes de transition sociales ?
Le traitement artistique du jeu s'en ressent ainsi avec de sublimes thèmes mélancoliques (avec la participation du très grand Yuzo Koshiro) comme "Nozomi", "Tears of the separation", "The sadness I carry on my shoulders" ou même simplement le thème de Dobuita. L'atmosphère même du jeu reste assez morose, on sent que le quartier n'a plus la même image dans l'esprit de Ryo dont on entend la soif de recanche au milieu d'une nostalgie masquée. Dans les dialogeus comem dans la mise en scène, tout est fait pour montrer que rien n'est plus comme avant et les petites scènes de la vie contribuent à faire aimer au joueur le quartier qu'il va jouer.
Le processus d'immersion et d'empathie est donc réussi haut la main. Soutenu par une mise en scène, des musiques et des choix scénaristiques cohérents entre eux et de haute volée, le jeu arrive sans peine à faire ressentir la nostalgie du départ.

Je qualifierais ainsi Shenmue davantage de prologue que de chapitre 1, non pas du fait de la durée ou de la qualité du titre, ni même de l'indispensabilité ou non de celui-ci dans la série, mais simplement parce que le voyage, l'aventure et l'action commencent vraiment à l'arrivée à Hong-Kong. Ce premier opus est davantage la partie initiatique du héros ainsi que le processus d'identification à ce dernier par la découverte de son background.

Du reste, le jeu ne se limite pas seulement aux aspects que je viens de citer.
Bien entendu Shenmue n'est pas seulement un épisode introspectif, l'enquête démarre dès ce premier opus et les péripéties sont bien au rendez-vous. Si la première partie du jeu fait plutôt appel à des intigues "de voisinnage" (même si le jeu tape fort dès le début avec la scène majestueuse du combat avec Lan Di), la suite des évènements monte en intensité à l'arrivée aux Docks avec la rencotre mythique avec Gui Zhang, le combat des 70 mad angels, la scène de la moto, et bien d 'autres... Le jeu fait avancer d'ailleurs tout doucement les découvertes sur le miroir et Lan Di et commence à se tourner progressivement vers le départ, vers la rupture avec son ancienne vie. Les scènes de castagne sont également là avec une action trépidante et une mise en scène de très grande qualité.
Au niveau du gameplay la variété est également là avec les QTE très bien utilisés, rythmés et mis en scène, des combats en mode free battle (dérivé du grand Virtua Fighter) qui introduisent une belle palette de mouvements qu'on apprend des autres, une course sur le port en forklift, du boulot sur les ports avec forklift, de la phase en moto à la hang-on, des phases d'enquête où l'on inspecte des objets, une phase d'infiltration (peu palpitante c'est vrai), et enfin des jeux d'arcade et de fléchettes.
A ce propos je voudrais tout de même pointer du doigt l'incroyable richesse du titre que ce soit en terme de background ou en terme ludique. Contrairement aux apparences, le jeu regorge de détails scénaristiques avec des scènes cachées en fonction de la date (dans le jeu ou même IRL !) ou autre, pas mal de personnages et beaucoup de lieux (intérieurs). Au niveau ludique des objets en jeu (déjà les jeux d'arcade, ensuite les cassettes, la console à débloquer, les figurines, les canettes dorées (qui avaient uen utilité avec le online, je regrette un peu de ne pas l'avoir pour ça), et beaucoup d'autres choses...
Bref, Shenmue est un jeu incroyablement riche malgré la taille apparente de la carte. Perso j'ai été bluffé de découvrir toutes ces petites choses.

Maintenant il faut aborder un point qui est celui qui avait impresionné à l'époque en plus des graphismes : "on peut presque tout faire dans Shenmue !". Eh bien personnelement, même en 2007 (en fait je ne sais pas pourquoi je dis "même" sachant que l'évolution sur les points que je vais citer ont à mon sens stagnés voire regressés) j'ai absolument été bluffé de voir la richesse de ce jeu. L'interaction, même si elle est un peu molle et globalement inutile, est vraiment travaillée avec une observation d'objets modélisés avec un souci du détail caractéristique de la saga. Les habitants ne sont pas statiques au cours de la journée et évoluent vriament au sein de la vilel au fil du temps. Des petits détails comme le simple fait de pouvoir regarder sa montre, d'acheter à boire (même si fondamentalement c'est inutile !), d'acheter des figurines, etc... contribuent à cette impression de richesse. Et franchement là j'ai envie de dire "Bravo Sega !" et même qu'en 2011 j'ai vu peu de jeux (si ce n'est aucun) arriver à proposer autant de choses, et encore moins si intelligemment ou avec une telle passion.

Ce souci du détail se retrouve dans les textures du jeu qui restent encore aujourd'hui vraiment très détaillées (moins que dan sle 2 peut-être, mais c'est du haut niveau). Et quand je parle de détail je ne fais pas allusion à la résolution des textures mais bel et bien du travail de recherche sur le motif de ces textures, et ça franchement c'est plsu important que toutes les claques techniques du monde. Quand je vois des jeux aux textures monocordes, formatées et sans âme, je ne peux que m'agenouiller devant Shenmue.

Je terminerais ce développement en notant qu'un autre qualificatif s'accordant bien avec Shenmue est "douceur". Profondément anti-violence, Shenmue est également un jeu calme qui se construit dans la durée. Les différentes musiques du jeu, même quand elles trépident au rythme de l'action gardent toujours ce calme en arrière-plan. Les personnages de Nozomi et autres habitants du quartier sont également concernés par cette élégante douceur.

Bref, avec ce premier opus des adieux, Yu Suzuki plonge ses joueurs dans une expérience douce et nostalgique qui construit son mythe dans la durée, dans son univers fourmillant de détails et dans la quasi-perfection de son traitement artistique et ludique. Varié, riche, puissant émotionnelement, impresionnant de détails et bourré de scènes cultes, cet épisode de la défunte série reste et restera une expérience hors du commun pour les joueurs qui seront réceptifs à sa sensibilité. Souvent qualifié d'"inférieur au 2", Shenmue propose en réalité une expérience très différente ( plus intimiste, plus posée et nostalgique) que je qualifierais plutôt de "prologue" (sans aucune connotation négative cependant). Et il est selon moi très dommageable de manquer ce dernier quand l'on veut jouer au second.

Un très grand chef-d'oeuvre tout simplement.
Foulcher
9
Écrit par

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Créée

le 11 nov. 2011

Modifiée

le 31 août 2012

Critique lue 2.1K fois

18 j'aime

Foulcher

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