C'est du moins ce que nous affirmait avec force un célèbre jeu de combat, sorti sur la mythique Dreamcast il y'a de ça bientôt 20 ans. Si beaucoup retienne la dernière console de Sega comme celle qui les gouverne toutes, c'est essentiellement pour la qualité exceptionnelle d'une dizaine de titres, qui évoquent avec passion une époque révolue. Parmi eux, un certain Shenmue. Après quatre jours sur le jeu et presque autant de nuits blanches, ils ne nous avaient pas menti : la légende refait son apparition dans le cadre d'un remaster et s'impose comme étant plus que jamais l'un des grands classiques du jeu vidéo. Pour comprendre l'oeuvre de Yu Suzuki, il faudra d'abord la définir, pour ensuite en présenter ses principales qualités.
Shenmue, qu'est-ce que c'est ?
Shenmue est une aventure qui prend place au Japon dans les années 1980. Vous incarnez Ryo Hazuki, fils d'un grand maître des arts martiaux qui voit son père se faire abattre devant lui dès les premières minutes du jeu. Animé par une classique mais efficace volonté de vengeance, Ryo va parcourir une partie de la ville de Yokosuka à la recherche d'indices à même de confondre l'assassin de son paternel.
Cette base étant posée, reste à définir concrètement Shenmue en tant que jeu. Les avis divergents aussi bien chez les journalistes que chez les joueurs. Certains parlent de RPG, d'autres parlent de jeu d'aventure, d'autres encore parlent de jeu narratif avant l'heure, ou même de "Virtua Fighter Adventure". Je dirais pour ma part qu'il s'agit d'un jeu d'enquête-aventure, un jeu de piste où la progression se fait de PNJ en PNJ et qui fait intervenir avec parcimonie et intelligence des éléments d'action, qui sont pour l'essentiel des QTE (précurseur du concept) et des phases de combat le tout dans un cadre crédible, réaliste, épuré et sans fioriture. Le mariage des différents éléments fonctionne, et sublime un jeu qui brille par bien des facettes.
Shenmue, ses qualités
C'est d'abord une expérience visuelle qui donne la tonalité au nouveau millénaire vidéoludique : la transition des jeux 32 et 64bits vers le 128bits, comme il était coutume de dire à l'époque, est sans doute la transition le plus marquante en terme de contraste graphique. Passer d'un Tomb Raider 3 ou d'un Ocarina of Time a un Shenmue restera pour beaucoup l'un des moments marquants d'une vie de joueur : le 3D ressemblait enfin à quelque chose de plus réaliste (ou à quelque chose tout court...), en se débarrassant des polygones ingrats, en offrant des visages magnifiques et des environnements soignés et détaillés. La qualité visuelle passait aussi par un choix de couleur, encore une fois sobre, mais donnant au jeu et à son univers un cachet incroyable pour une immersion totale. Illustration vidéo : https://youtu.be/yad65-hBKxQ
Une immersion totale, dont la pierre angulaire était la crédibilité du monde et les possibilités d’interaction avec. Crédible, il l'était de par sa structure et le rythme du récit : dans Shenmue, les jours passent. Les PNJ ont une vie, les magasins des horaires, et la ville sa faune diurne mais également nocturne. Votre enquête exigera parfois l'attente de quelques heures, pour l'ouverture d'une boutique ou pour un rendez-vous. Pour passer le temps, un certains nombres d’interaction s'offraient à vous. Acheter des figurines de l'univers Sega, jouer sur des bornes d'arcade à Hang On ou Space Harrier, ou encore faire les boutiques pour acheter des techniques de combat ou des cassettes audio, tout ceci peut sembler sans doute dérisoire aujourd'hui, et cela n'avait finalement qu'un intérêt limité dans le cadre du jeu, mais avoir ces possibilités en 2000, c'était tout simplement BLUFFANT, on se croyait presque dans une dimension parallèle, tant ce qu'il se déroulait sous nos yeux était tout simplement invraisemblable.
Mais tout ceci était bien réel, aussi réel qu'une "feature" de gameplay bien connu aujourd'hui, celle des QTE. Shenmue en propose une petite dizaine tout le long de son histoire, et je tiens personnellement à dire que je trouve ces QTE meilleurs que les QTE modernes : plus organiques, plus satisfaisants à exécuter et à réussir, bien mieux amenés. Encore une fois, on est sans doute dans un aspect un peu trivial des choses, mais se dire qu'un jeu qui a posé une base réussi à garder son titre et sa couronne sur un détail aussi secondaire en dit long sur le jeu mythique qu'il a été et est encore aujourd'hui.
Pour finir, le jeu n'est bien sûr pas sans défaut. Un combat final peut-être inutilement long et ardu si on ne fait pas attention, des phases d'attentes réalistes mais parfois un peu longue si on estime avoir fait le tour des activités annexes et une seconde partie que j'ai personnellement trouvé intéressante et plutôt bien rythmée, mais qui pourra laisser dubitatif certains, ce qui se comprendra sans peine.
20 ans plus tard, Shenmue reste quoi qu'il en soit un monument du jeu vidéo, un classique qui a merveilleusement bien vieilli pour une aventure touchante et fascinante. On peut donc l'affirmer avec force et un sourire ému sur le visage : les légendes ne meurent pas.
Merci Yu Suzuki.