Mars 2001, je m'en souviendrai toujours... Je l'ai appris dans un modeste magasin de jeux vidéo en imports, pas loin de mon ancien lycée : L'arrêt brutal et définitif de la production de la Dreamcast de Sega. L'un des plus gros échecs commerciaux de l'histoire du jeu vidéo, rien que ça. La saga Shenmue en fait inévitablement partie. Plutôt bien accueillit lors de sa première semaine d'exploitation, les ventes du titre se sont cassé la figure par la suite. Sega, c'était plus fort que toi dans les années 90, en 2000, c'est moins fort que Sony. Voila tout. Étonnant tout de même alors que la Dreamcast avait tout pour affronter la Playstation 1 et 2 : Sa sortie en 1999 soit 1 an avant la Playstion 2, elle avait donc le temps de bien s'installer sur le marché. Sa ludothèque était magique, sa puissance graphique considérable pour l'époque, son design plutôt attirant, ses exclus nombreuses et aguichantes, son accès à Internet certes un peu drastique et cher mais tout de même excitant. Bref, la Dreamcast s'est faite boudée par le grand publique, sans raisons particulières. Tant mieux me direz vous, car elle dégage aujourd'hui une aura fantastique.
Mais il n'empêche que pour tous les gamers consoleux qui ont goûté au plaisirs de cette bombe qu'est la Dreamcast au début des années 2000, sauront vous dire à quel point c'était une excellente bécane.
Shenmue II est superbe, de bout en bout. C'est vraiment un jeu d'aventure incontournable, même si j'ai préféré l'atmosphère intime du premier Shenmue. Dans la continuité du premier épisode, on retrouve Ryo Hazuki, toujours autant déterminé à affronter Lan Di, l'assassin de son père...
Débarqué en Chine, plus précisément au port d'Aberdeen, on est d'abord surpris par les voix Japonaises, et le calepin entièrement traduit en Français. Énorme, alors que Shenmue 1 se voyait intégralement en Anglais (voix et textes), sa suite est en Japonais, sous titré Anglais, avec une traduction Française isolée dans ce très pratique agenda ! Car oui, dans ce petit carnet sont répertoriés à peu près tous les éléments, les indices, le but principal et les quêtes annexes du jeu. Je ne saurai vous dire à quel point ça m'a simplifié la tâche car je ne comprends que partiellement la langue de Shakespeare.
La raison de ce mystère de traduction la voici : Shenmue II à vu le jour le 6 septembre 2001 au Japon et le 30 novembre de la même année en Europe, soit seulement à 2 mois d'intervalle !! En fait, la version Dreamcast américaine de Shenmue II n'est jamais sortie, Sega ayant décidé de se reconvertir en simple développeur multi-plates formes la même année (en Mars 2001), Microsoft a racheté les droits de la série pour sa future console : La X-Box. Le jeu profite donc in extremis d'une sortie chez nous sur notre petite Dreamcast Européenne, quitte à garder les doublages Japonais. Ouf !! On a eu chaud, et en plus on est gâté par deux choses : Les voix en Jap et la mini traduction du carnet en Français.
Bon, passons au cœur du jeu à présent. Techniquement, c'est beau, c'est très coloré mais un peu trop à mon goût. Dans Shenmue 1, les couleurs étaient moins vives et plus ternes, je préférais. En revanche, l'aire de jeu étant beaucoup plus grande, genre cinq fois plus, les détails et les textures sont un peu plus grossiers, mais rien de grave, Shenmue II bénéficie d'une réalisation technique époustouflante, même aujourd'hui, soit dix ans plus tard. Les déplacements restent toujours robotiques, et le fameux bug des passants qui disparaissent comme des fantômes répond toujours présent, bien que ça se voit un peu moins étant donné que dans Shenmue 1, on avait au maximum cinq ou six personnes à l'écran, alors que dans le 2 on passe facilement au double. Belle prouesse en tout cas.
Ensuite, l'histoire est toujours autant passionnante, à condition de s'y investir à 100%, et en s'imprégnant de l'atmosphère calme et limite planant du jeu. Le but étant toujours de trouver des maitres en arts martiaux, pour apprendre de nouvelles techniques de combat, on progresse d'ailleurs énormément dans ce deuxième volet de Shenmue. Le truc excellent étant qu'on peut conserver toutes les techniques apprises dans Shenmue I dans Shenmue II grâce à la sauvegarde. On peut ensuite tester toutes ses nouvelles prises, dans de nombreux combats, et préférer par exemple un coup plutôt qu'un autre lors de l'exécution d'une manip. Tout est modifiable dans un menu exclusivement réservé aux techniques de combats. Et c'est franchement très prenant et bien foutu.
La nouvelle galerie de personnages tous plus charismatiques les uns que les autres est merveilleuse : Xiuying superbe chinoise carrément ultra douée en arts martiaux chinois qui fracasse notre Ryo, ça fait du bien. Ren et Wong sont de parfaits voyous, ils dynamisent le rythme du jeu par leur prestation, et leur amitié envers notre héros rendra l'aventure encore plus palpitante par la suite. Joy avec sa moto rouge est bien sympa et aide beaucoup Ryo au début du jeu mais elle est casse bonbons et mérite un peu des tartes dans sa gueule. En parlant de gueules, celles des passants sont encore pires que dans le 1er jeu. On voit clairement que les développeurs ont porté moins d'attention aux différents faciès que l'on peut croiser et accoster pour notre plus grand malheur. Truc chouette mais un peu lent et inutile : Si on est perdu dans la ville et qu'on cherche un endroit précis, on peut se faire accompagner gentiment par n'importe qui. Je vous conseille d'ailleurs de chopper un gosse, vous serez plus vite rendu. Les quartiers de Wan Chai sont immenses, peuplés et même avec la carte on a parfois du mal à se repérer.
Les mini jeux sont toujours présents, les fléchettes, les QTE, les vieux jeux d'arcade Sega sont encore plus nombreux avec par exemple les fameux After Burner et Outrun qui sont tout de même des jeux d'arcade exceptionnels. C'est toujours sympa de pouvoir décrocher de la "réalité" de Shenmue pour s'éclater sur ces petites merveilles vidéo-ludiques.
Nouveauté la encore : les paris avec jeu de dés, bras de fers, planche chinoise ou on fait rouler une bille (c'est du pur hasard mais c'est rigolo). On peut aussi revendre ses figurines dans les magasins, pour se faire du fric, ou simplement aller bosser sur les docks. Le travail dans Shenmue est d'ailleurs aussi répétitif et pénible que dans la vraie vie. Bon c'est vrai, on se casse pas le dos, juste une entorse au doigt, mais ça fout les nerfs quand même.
Ryo est un vrai porc. Il ne se change jamais. Il ne retire même plus sa veste pour aller pieuter. On s'en fout, c'est qu'un détail dans la richesse de l'aventure, mais c'est un peu dommage. J'aurai bien aimé lui donner à manger aussi, mais bon, on ne peut pas tout avoir, le beurre et l'argent du beurre. Encore une fois, ils auraient rajouté une option (même inutile) de pouvoir manger et se laver, le jeu en aurait été que meilleur. Bref.
Les musiques sont toujours bien jolies, et reflètent l'ambiance des quartiers chinois à la perfection. La durée de vie tourne facilement autour des 20 heures de jeu, soit un peu plus que le premier volet. Appréciable.
Pour le scénario, il peut sembler naïf et de facture classique, c'est en fait un pur régal. Les rebondissements sont géniaux, les méchants et les bandes de voyous toujours amusants. Les différents maitres en arts martiaux que l'on rencontre disposent d'un chara design fa-bu-leux. Bref, Shenmue II se consomme sans modération, et même s'il ne m'a pas fait l'effet hypnotisant du 1er épisode, ou j'avais vraiment été happé par l'ambiance hors normes du jeu, il reste une expérience unique et un tour de force ludique magistral. Le dernier chapitre est d'ailleurs surprenant, baignant dans un cadre bucolique à souhait. J'ai savouré chaque réplique du personnage clé dont je tairai le nom, d'une pureté ahurissante.
Shenmue, c'est phénoménal, jouez-y, le 1 et le 2 d'un bloc. Je prie pour une suite évidemment, mais aussi pour une ressortie en HD sur nos consoles actuelles (Sega a bien redistribué des standards de la Dreamcast sur PSN et XboxLive, il pourrait le faire pour Shenmue non ?), et une traduction intégrale en Français (je sais qu'une petite équipe de fans va sortir un patch, leur travail est d'ailleurs monstrueux), mais ça serait de la folie. Yu Suzuki, bouge-toi le cul mon vieux.