Shin Megami Tensei: Persona 3 FES
8.3
Shin Megami Tensei: Persona 3 FES

Jeu de Atlus et Koei (2007PlayStation 2)

Ceci est une critique entièrement centrée sur le chapitre additionnel "La Réponse". Cette critique sera éditée lorsque j'aurai écrit la critique intégrant la campagne principale. Spoilers pour Persona 3 et Persona 3 "La réponse"


Persona 3 The answer / la réponse est un ajout fait à l’histoire de persona 3 lors de la ressortie du jeu sur PS2 sous-titrée « FES » (pour Festival). La réponse est à considérer comme un chapitre supplémentaire dans l’histoire de Persona 3. Cette fois, le personnage principal est Aegis et l’intrigue se passe après la mort du héros de Persona 3. Alors que les membres du SEES font leur deuil et s’apprête à quitter à jamais leur dortoir, une anomalie temporelle l’assiège. Le dortoir est prisonnier d’une boucle temporelle faisant que les membres du SEES sont condamnés à revivre la même journée. La seule façon de s’en échapper est d’aller au plus profond de l’abysse du temps, un donjon apparu sous le dortoir. Là, ils découvriront la raison de l’anomalie et comment retourner le temps à la normal.


Les personnages sont les mêmes que le jeu principal, excepté évidemment le personnage principal, remplacé par Aegis. Pour occuper la place vacante, un nouveau personnage rejoint le roster : Metis, elle aussi un robot créé pour défaire les « shadows » et se proclamant la sœur d’Aegis. Une version très fortement questionnée par les personnages dès le début, puisqu’Aegis était censée être le dernier modèle actif.


Commençons par signaler l’un des gros points noirs de ce chapitre : son rythme. Ce set-up que je viens d’établir sera l’intrigue du jeu pendant une très grande partie, sans aucun élément pour venir dynamiser le scénario. Il y a une impression de creux à ce niveau-là, où, une fois le set-up posé, l’intrigue laisse la place au gameplay et n’intervient qu’à petites touches insuffisantes. La plupart des éléments arrivant par après ne sont que des brins qui serviront aux explications finales. Indépendamment de l’appréciation de celles-ci, le cœur du jeu est maigre en éléments, donnant une histoire qui donne l’impression de stagner avant d’enfin tout libérer. Une impression qui aurait certainement pu être évité en rendant ce chapitre moins long. Ma première partie compte 22 heures et ma seconde 23. Les parties subséquentes ont été faites en utilisant des techniques de speedrun et tapent dans les 11-12 heures.


En quoi consiste ce chapitre, si ce n’est réellement son intrigue ? Hé bien, comme indiqué via l’incipit, le donjon, l’abysse du temps, divisé en plusieurs zones. Ce chapitre propose de jouer à un Persona 3 avec seulement Tartarus et sans l’aspect « lien social » du jeu de base. Un choix… intéressant, dirons-nous, puisque cet aspect supprimé est clairement l’un des intérêts du jeu de base. Il ne brillait pas par son système de combat, pour des raisons que nous allons voir. Mais qui sait, peut-être qu’une expérience plus focalisée sur les combats révèlera des subtilités que le jeu principal ne montrait pas ?
Hé bien, oui et non.


Première chose marquante par rapport à la campagne principale : la difficulté. Soyons clair sur un point : le jeu de base était loin d’être un jeu facile. De nombreux boss rencontrés lors de l’ascension de Tartarus étaient des roads blockers qui avaient la possibilité d’annihiler une équipe pourtant autrement puissante. Si certains d’entre eux étaient simples, d’autres nécessitaient une stratégie particulière pour les vaincre. De plus, gagner des niveaux était compliqué dans le jeu de base, principalement à cause du système de calcul de l'expérience. En gros, si le joueur était d’un niveau supérieur aux monstres combattus, il gagnait moins d’xp que s’il était d’un niveau égal ou inférieur. De ce fait, overleveler pour passer une difficulté était extrêmement chronophage et se focaliser sur la recherche d’une stratégie efficace plutôt que sur les stats qu’un niveau supérieur donnerait se révélait être préférable. Sans oublier que ce système de calcul encourageait le grind contre des ennemis d’un niveau supérieur qui, eux, offraient plus d’expérience. Que se passe-t-il lorsque l’on prend ce système et ces designs de boss particulier et qu’on décide que ce serait mieux si c’était en plus difficile ?


Ce qu’il se passe, c’est avant tout que les trash mobs sont pénibles. Pas dangereux, non, mais pénibles. Les groupes d’ennemis sont souvent constitué d’une multitude d’ennemis vulnérables à un élément, sauf un flocon de neige spécial qui a décidé que non, ce serait un autre. Puisque le combat est encore et toujours focalisé sur l’exploitation des vulnérabilités de l’ennemi, le joueur devra sélectionner un par un chaque adversaire, répétant le même input un grand nombre de fois, plutôt que d’utiliser un sort de zone. Ceci n’est pas difficile, mais pénible. On retrouve encore des packs de monstres constitués d’un seul type d’ennemis mais ils sont rares et le focus semble avoir été mis sur des rencontres plus mixtes. Il y aussi les rencontres avec un seul monstre, où celui-ci n’a aucune faiblesse, et qui donne l’impression d’avoir trouvé un boss en trash mob. Ces types de rencontres ne sont pas majoritaires mais lorsque le joueur en trouvera un, il aura plutôt intérêt à fuir au lieu d’essayer d’affronter ce pseudo-boss, puisque le risque est grand pour un bénéfice assez pauvre.


Un autre changement contribue à la pénibilité du titre. Dans le jeu de base, l’étage du boss possédait un téléporteur permettant de retourner au rez-de-chaussée, ce qui rétablissait tous ses SP et ses points de vie, ainsi que de sauvegarder. Fonctionnellement, c’est un check-point, pratique pour retenter le boss. La réponse a effectivement un téléporteur… sauf qu’il s’agit d’un téléporteur à sens unique. Il est possible de sortir du donjon mais pas de retourner à l’étage du boss. Un point de sauvegarde se situe toutefois à côté de ce téléporteur. L’idée est très certainement de forcer le joueur à traverser le donjon en économisant ses SP, afin d’arriver en plus ou moins bon état au boss. Trois problèmes viennent obscurcir ce design.


Le premier est simple : le joueur a besoin de l’expérience que les trash mobs confèrent. La difficulté des boss est telle que venir avec un niveau inférieur équivaut à vouloir se faire one-shot. Par conséquent, le joueur aura plutôt tendance à traverser le donjon en faisant le maximum de combat, afin de grinder et sortir du donjon via le téléporteur. Puis, il retraversera le donjon en évitant de faire des combats, pour arriver frais et paré au boss. Ceci n’est pas difficile. C’est pénible. Me faire perdre mon temps n’est pas une qualité louable pour un jeu vidéo.


Le deuxième problème vient tout simplement de la mécanique des personas. Les boss sont pour la plupart designé avec l’idée d’une vulnérabilité, qu’un persona peut exploiter. Cela peut être par une attaque élémentaire ou l’affliction d’une altération d’état (poison, panique, charme…). Mais que se passe-t-il si le joueur n’a pas un persona pouvant exploiter cette faiblesse ? Il devra prendre le téléporteur, aller à la Velvet Room ou faire des combats aléatoires jusqu'à trouver le bon persona et retraverser tout le donjon jusqu’au boss.


Le troisième et dernier problème m’est apparu lorsque j’ai appris le speedrun. Le jeu ne peut pas supporter ce design d’un point de vue technique. Qu’est-ce que j’entends par là ? C’est simple : lorsque le joueur arrive à un étage, les shadows n’existent pas. Ils spawnent à l’approche du joueur. Ce qui signifie que, pour traverser un étage sans faire de combat, il suffit de placer Aegis dans un coin et d’envoyer le reste du groupe explorer l’étage. Puisqu’Aegis ne s’approchera pas des points de spawns, l’étage restera vide et le groupe pourra facilement trouver l’escalier, ce qui donnera au joueur l’option de l’utiliser sans avoir à bouger. Toute difficulté de traverser le donjon en économisant ses SP se retrouvent annihiler par cette méthode. C’est à se demander si les développeurs de « La réponse » était au courant de comment le jeu était codé. Je pars du principe que oui, et alors leur décision de faire retraverser le donjon au joueur est complètement absurde. C’est parier sur l’ignorance des joueurs par rapport aux mécaniques et ce sera un pari toujours perdant, simplement parce qu’un joueur pourra toujours expérimenter bien plus que ce qu’un développeur peut prévoir.


Maintenant, attardons-nous sur les boss. Ils sont ultra-résistants à toutes formes de dégâts, même au « All-Out Attack ». L’exploitation des vulnérabilités de l’ennemi est clé, sauf que la plupart des boss sont accompagnés de trashs mobs qui ont des vulnérabilités différentes du boss et ont en plus la compétence d’évasion par rapport à leur vulnérabilité. Du coup, les boss deviennent des fiesta de RNG où si les sorts ne connectent pas, impossible de gagner et parfois, ça va toucher tout le temps et c’est super-facile, tant que le joueur laisse l’ennemi « Knock Down », ce qui lui fait rater son tour. Cette technique est primordiale pour triompher, car les dégâts que peuvent infliger les boss sont extrêmement élevés.


Un autre grand changement qui fait la joie des petits et grands : il n’y a plus de compendium de persona. Eeeeeet… et en fait c’est sans doute l’un des changements les mieux réussis par rapport au jeu de base. Le compendium enregistre chaque persona, ce qui permet, si ceux actuels sont inefficaces en combat, de rappeler un persona pour s’adapter ou effectuer une fusion. Évidemment, perdre cet aspect est une source de frustration pour le joueur et c’est compréhensible. En gros : se faire retirer une option, c’est nul. Toutefois, il ne faut pas oublier que la principale utilité du compendium ne résidait pas dans les combats mais dans son utilisation pour les liens sociaux et, ultimement, ces liens sociaux dictaient la dynamique d’utilisation des persona. Dans le jeu de base, il n’était pas rare de fusionner au pif ses persona accumulés, simplement pour libérer de la place. Puis, on achetait les persona correspondant aux liens sociaux sur lequel on travaillait. Du coup, dans ce chapitre sans liens sociaux, le compendium perd l’une de ses fonctions, ce qui rend sa suppression compréhensible.


Mais est-ce que ça la rend souhaitable ? Je dirais que oui, simplement parce que la dynamique des persona a été modifié. Le jeu de base nous voyait constamment changer de personas, principalement parce que le niveau du joueur nécessite moins d’xp pour augmenter que celui des personas. Par conséquent, certains personas devenaient obsolètes, simplement parce le leveling offrait de meilleures options. Si en soit, cela ne suffit pas simplement à faire changer de personas, une autre mécanique mettait l’accent sur le changement de persona : le bonus d’xp lors de la fusion, offert par le système de liens sociaux, qui permettait d’obtenir un persona de niveau supérieur à celui du héros. Sauf que dans ce chapitre, il n’y a pas de bonus d’xp. De ce fait, l’avantage de la fusion est diminuée. Le leveling de persona, nécessaire pour apprendre de nouvelles compétences, passe par le combat. Évidemment, le problème principal est évident : la quantité d’xp nécessaire pour progresser ralentit encore plus le rythme du jeu. Toutefois, j’ai remarqué qu’un certain nombre des personas disponibles possédait la compétence « Growth », qui donne de l’xp au persona même s’il n’a pas participé au combat. Je ne sais pas si cette prévalence est une décision de design ou juste un hasard, mais, en tout cas, l’option est très utile. Ce chapitre insiste sur le fait de garder un même persona pendant longtemps. La fusion reste un outil sauf que cette fois, elle demande de bien considérer ses options. Peut-être que les personas à fusionner sont meilleures que celui obtenu. Peut-être que conserver ces premiers persona permet de garder un type d’attaque magique qui ne serait pas couvert avec le nouveau persona. Peut-être qu’il serait avantageux de conserver les anciens, le temps d’apprendre une compétence qui sera utile sur le nouveau. Ces considérations n’étaient pas présentes lors du jeu principal, grâce au filet de sécurité que représentait le compendium. Par conséquent, sa suppression, contre toute attente, approfondit le gameplay et même si certains aspects sont rendus pénibles, notamment au niveau du leveling, on ne peut pas dire que c’est un échange purement négatif.


Un autre effet intéressant est au niveau des « card set ». Ces objets boostent les statistiques d’un persona. Dans le jeu de base, dû au changement quasi-constant de persona, ces objets étaient presque inutiles, tout du moins jusqu’au late-game, une fois le joueur en possession de ses persona finaux. Puisque le jeu met l’accent sur la conservation des persona, ces objets sont beaucoup plus utiles. De plus, les donjons offrent les matériaux nécessaires pour les créer en abondance, rendant cette option encore plus attractive.


Voilà les rares éléments positifs que je peux souligner par rapport au gameplay de « la réponse ». Toutefois, j’en ai encore une pléthore à ajouter au compte négatif. Après tout, il ne faut pas oublier que puisque le système de combat est basé sur persona 3, ce chapitre hérite de toutes ses failles.


Par conséquent, il faut composer avec les trois autres personnages seulement contrôlables via commande. Évidemment, après un temps d’apprentissage, il est possible d’apprendre quelle commande correspond à quelles compétences de la part des coéquipiers. Sauf qu’il y a toutes les fois où l’IA décide de changer son comportement. J’ordonne à mes coéquipiers d’être en support, pour leur faire débuffer l’ennemi ? Et si à la place on soignait ? J’ordonne d’attaquer sans se soucier de la défense ? Et si à la place on ne faisait rien, parce que l’ennemi est résistant à l’élément qu’on voudrait utiliser ? Mitsuru spamme ses altérations d’état sans se soucier de défaire l’ennemi et Hikari décide qu’elle doit conserver ses 100 SP et commence à soigner via des objets plutôt qu’avec ses sorts. Ken et Koromaru lancent leur sort d’insta-kill au pif, en plus d’être vulnérable à ces sorts. Sans oublier que puisque les commandes ne peuvent être lancé que pendant le tour d’Aegis, il est impossible de s’adapter juste après le tour de l’ennemi. Aussi, puisque le « Knock-Down » fait passer le tour d’Aegis, les commandes ne peuvent pas être changées si l’ennemi couvre la vulnérabilité d’Aegis. Soyons clair sur ce système de contrôle : c’est nul. Dans le meilleur des cas, il est aussi efficace qu’un système de contrôle direct, avec un peu moins de menuing et donne l’impression d’être un leader. Dans le pire des cas, il sera responsable d’un game over qui, je le rappelle, peut être synonyme d’heures perdues. Et quand ce n’est ni le pire ni le meilleur des cas, qu’avons-nous ? L’impression d’essayer de diriger une bande de hamsters déficients mentaux, plutôt que les héros qui ont sauvé le monde dans la campagne principale.


Mais je n’en ai pas fini. On a toujours cette idée stupide de donner un game-over lorsque le personnage principal est KO, et ce peu importe l’état du reste de l’équipe. Examinons cela en profondeur. L’argument principal tient en un mot : équilibrage. En effet, le personnage principal dispose de plusieurs personas, le rendant plus puissants que le reste du groupe. Par conséquent, le game-over instantanée est une manière de contre-balancer cette force. À cela je réponds : en quoi est-ce que cela la contre-balance-t-elle ? La force est toujours là et dans la très vaste majorité des cas, elle agira sans contrainte. La seule différence que crée ce game-over, c’est que parfois, lorsqu’on ne sait pas les compétences de l’ennemi ou par faute d’inattention ou parce que l’ennemi a la chance d’un coup critique, on va perdre des heures de jeu. L’idée de l’équilibrage ne devrait pas être d’imposer une faiblesse injustifiée qui n’impacte en rien la force qui est visée. Si réellement c’était une question d’équilibrage, il faudrait que les personas du héros soient moins puissants que ceux de l’équipe, afin que la faiblesse soit alignée sur la force plutôt que sur un autre élément.


Examinons un autre argument. Les jeux persona veulent nous mettre dans la peau d’un personnage. Si ce personnage perd conscience, comment le joueur serait-il capable de voir la suite du combat ? Cet argument narratif peut sembler cohérent à première vue, mais si on le pousse jusqu’au bout, il a des implications désastreuses. En effet, il signifie, narrativement, que les autres membres de l’équipe, qui peuvent être ramenés à la vie via des sorts ou des objets et ont eux-mêmes accès à des moyens de ramener à la vie, ont laissé le héros mourir. De plus, il faut examiner le cas où un équipier est en sale état et où le héros pourrait être tué durant le tour de l’ennemi. La meilleure option dans ces cas-là sera toujours de protéger le héros et de se dire tant pis pour l’équipier… ce qui veut dire, narrativement, que le héros met plus de valeur sur sa vie que celle des membres de son équipe. Bref, considérer la mécanique sous l’angle narratif est une terrible idée.


Rajoutons un autre problème avec la mécanique du game-over instantané : Hama et Mudo, soit deux insta-kills. Le problème est évident : avec une technique qui tue directement le héros, le game-over instantané devient encore plus un problème. Il existe deux manières de s’en prémunir. La première, l’homonculus, un item qui se sacrifie à la place du héros et qu’il est possible de créer via des matériaux récupérés dans les donjons. Sauf que, du coup, puisque la punition de ne pas en avoir est si élevée, tous les objets utilisant les mêmes matériaux sont des options moins préférables que l'homonculus. Le choix est facile à faire, après tout, sauf si un joueur est prêt à prendre le risque de perdre sa progression sur un sort sans qu’il ne puisse rien faire. La deuxième option est d’équiper un persona résistant à ces sorts. Ce qui veut dire, après chaque combat, aller dans le menu, aller dans la section persona, descendre jusqu’au persona résistant, l’équiper et sortir du menu. Lent. Évidemment, le changement peut se faire plus simplement en combat, mais ça veut dire que si l’ennemi vous surprend, il y a une chance de se faire insta-kill. De plus, qu’apporte réellement ces sorts au gameplay, si l’on considère qu’ils sont utilisés par l’équipe ? S’ils touchent l’ennemi (par chance ou parce que l’ennemi est vulnérable), ils sont un bouton insta-win. S’ils ratent, ils sont du temps perdu à cause de la RNG. Ce n’est pas un gameplay particulièrement intéressant. Par conséquent, pourquoi ne pas simplement les supprimer ? Ou, si réellement on veut les conserver, ne pas les rendre aussi dépendant de la RNG et ne pas coller un game-over instantanée s’il touche le joueur ?


Voilà pour mes complaintes principales par rapport au gameplay. Ce qui nous laisse avec un point à traiter : l’histoire.


J’ai posé qu’entre le début et la fin du jeu, l’intrigue n’évoluait que peu. En vérité, c’est un chouia plus compliqué. Lors des plongées dans les donjons, le groupe va remarquer une ombre qui s’enfuit à leur approche et laisse des « shadows » derrière elle. Cette ombre a l’aspect du héros de la campagne principal, ce qu’aucun membre du groupe ne remarquera avant la confrontation avec l’ombre. C’est un problème : si, en tant que joueur, je suis capable de voir que l’ombre ressemble au héros, le personnage que j’incarne devrait en être capable lui aussi. Quoi qu’il en soit, un autre aspect du scénario qui apparait sporadiquement se situe à la fin d’un donjon. À ce moment, le groupe est témoin d’une scène où l’un d’eux s’est éveillé à son persona. Pourquoi ces scènes existent-elles ? C’est un mystère qui ne sera résolu que bien plus tard, vers la fin, ainsi que le pourquoi de cette ombre après laquelle nous courons.


Je trouve ce mystère de pauvre qualité. Un mystère se base du deux principes : la construction de sa résolution et sa résolution. Ici, la première étape est assez bâclée. Si voir l’éveil des persona de nos héros est plaisant, ils sont déconnectés du jeu, puisque les conflits personnels qui ont amenés à cet éveil ont été résolus dans la campagne principal. De plus, le jeu n’offre que peu d’information sur pourquoi ces scènes sont visibles avant la fin, faisant qu’il est difficile de deviner pourquoi ces scènes sont vues. Un mystère proprement exécuté donne des éléments permettant de deviner la réponse, donnant au spectateur de quoi réfléchir, l’engageant dans l’histoire. Ici, le mystère n’est qu’un point de scénario à résoudre plus tard, une carotte au loin après laquelle on court, sauf que la carotte en question ne nous intéresse pas. De plus, cette carotte est inutile. Une chose que je n’ai pas mentionné concerne le tout début du jeu. Nous avons droit à une scène où Aegis tire à balles réelles sur Akihiko, avant que la narration n’intervienne et commence le flashback que nous jouons. Savoir quel est le conflit entre les membres de l’équipe est intéressant en soit. De par mon lien avec les personnages, gagné lors de la campagne principale, je veux savoir ce qu’il s’est passé. Par conséquent, le mystère des flashbacks sur l’éveil des personas représente un mystère non-nécessaire, puisque son envie de le résoudre n’est rien comparé à celui de résoudre le mystère du conflit. De plus, d’autres mystères sont déjà en jeu, concernant Aegis, Métis et l’ombre que l’on poursuit. Était-ce nécessaire d’un rajouter un nouveau, pour montrer des scènes qui n’informent en rien sur les personnages ?


En guise de transition, j’aimerais revenir sur un point que je viens de mentionner : la narration d’Aegis. Celle-ci apparaitra à plusieurs moments-clés de l’intrigue, pour commenter les événements, pour un résultat plutôt mitigé. La campagne principale possédait un héros peu défini, où le joueur était libre de s’insérer sans difficulté. Aegis est quant à elle un personnage bien défini, sa personnalité riche d’une campagne entière avant que nous l’incarnions. Si, en théorie, il n’y a aucun problème avec ça, dans les faits, il y a un sentiment de déconnexion très fort entre le joueur et le personnage et la narration d’Aegis y contribue. Cette narration est faite depuis un point futur, qui regarde l’intrigue que nous jouons actuellement d’un œil distant, et a une tendance à être cryptique. Pour quitter l’idée de la narration et se centrer sur celle de distance, certains choix qui, dans le jeu de base, nous aidaient à nous sentir proche du héros, semble assez mal placé ici. Par exemple, la possibilité de faire des choix dans les dialogues sont étranges, puisqu’Aegis, ayant sa propre personnalité, produirait sa propre réponse, indépendante de la nôtre.


Toutefois, le plus grand problème au niveau de cette distance ressentie envers le personnage vient tout simplement de son histoire. La fin de la campagne principale voyait le héros s’éteindre dans les bras d’une Aegis souriante. Bien qu’il y ait une grande place laissée à l’interprétation dans cette séquence, la scène montrait clairement Aegis accepter l’idée de la mortalité, qu’elle comprenait ce qu’il se passait et la fatalité de l’événement. Le jeu l’a vu se poser des questions sur la vie et la mort et, au terme de l’histoire, elle a compris que tout finit mais que le lien qui l’unissait au héros demeurerait avec elle, même si le héros disparaissait…


Tout cela étant foutu en l’air par « La réponse ». En effet, ici, on nous apprend qu’Aegis pensait juste que le héros voulait faire une sieste sur le toit, qu’elle a été dévastée par sa mort, au point de faire une dépression robotique et de rejeter l’humanité qu’elle avait bâtie tout le long du jeu. Ceci est le problème majeur que la caractérisation d’Aegis pose. Il existe une contradiction fondamentale entre l’Aegis de la campagne principale et l’Aegis de « La réponse ». Pour pouvoir permettre à cette histoire d’avoir lieu, les créateurs de « La réponse » ont dû changer la fin de la campagne principale, ou, pour employer le terme exact, faire de la continuité rétroactive (retcon) contradictoire.


C’est évidemment une énorme pilule à avaler, surtout alors que les personnages sont l’un des points forts de Persona 3. Mais peut-être y a-t-il quelque chose à sauver de ce désastre, une consolation pour cette flèche plantée dans le cœur d’un de nos personnages chéris ? Et en vérité, il y a en une : Métis.


Métis est le nouveau personnage ajouté par le chapitre, remplaçant en fonction Aegis dans la campagne principale. Son introduction au groupe laisse une grande impression. Après tout, elle essaie de les tuer. Après avoir été capturée et avoir laissé de côté ses tendances agressives, elle sert de guide à travers le donjon, expliquant les concepts liés à l’abysse du temps. Métis se présente comme la sœur d’Aegis, dans le sens où elle est elle-même une arme anti-shadow. Elle est loyale à sa sœur, voulant à tout prix l’accompagner et la protéger, malgré les récriminations du groupe. Au fil de l’aventure, celui-ci, d’abord méfiant, on se doute de pourquoi, apprendra à l’accepter.


Métis est un personnage assez fascinant. Son passé en tant qu’arme est similaire à celui d’Aegis, dans le sens où il revient à créer un personnage qui est une page blanche. Ses actions ne peuvent pas être informées par des expériences passées et par conséquent, pour la comprendre, le joueur doit observer ses comportements présents. Les interactions avec Métis sont nombreuses et nous montrent qu’elle rit, pleure, éprouve des remords, des regrets, en plus d’avoir un caractère enfantin très prononcé… Bref, elle a énormément d’émotion, ce qui contraste énormément avec la Aegis de la campagne principale, mais aussi celle actuelle, remplie de doute et beaucoup plus discrète que celle que l’on connait. Ce qui est particulièrement intéressant est sa réaction face au groupe. Quand celui-ci commence à l’accepter, Métis est gênée et elle a des difficultés à comprendre comment, après ce qu’elle a essayé de faire, les autres pourraient lui faire confiance. En bref, Métis est un personnage particulièrement fascinant à observer. Cette observation est d’ailleurs renforcée par un détail simple, qui est qu’elle ment sur qui elle est, ce qui est révélé très tôt dans l’intrigue. De ce fait, le joueur posera un œil suspicieux et examinera chacune de ses interactions avec Métis, absorbant au mieux les informations.


Surveiller Métis au long du jeu est un acte assez plaisant. Son émotivité la rend attachante et son constant souci pour Aegis est touchant. Le tout ponctué par la révélation finale : Métis est l’ombre d’Aegis et représente son humanité. Durant sa dépression robotique, Aegis a rejeté sa douleur mais aussi tout ce qui faisait d’elle plus qu’une machine, ce qu’elle a gagné tout au long de la campagne principale. La conclusion de Metis la voit rejoindre Aegis, celle-ci ayant accepté la perte d’un être cher et la douleur l’accompagnant. Cette conclusion est liée au thème principal de cette campagne. Là où Persona 3 se focalisait sur l’acceptation de sa propre mortalité, « La réponse » est un jeu centré sur l’idée d’accepter la mortalité de nos proches, de trouver un sens à la douleur subséquente et un but. Métis, par son parcours et ce qu’elle représente, illustre ce thème à merveille et, avec ce personnage, le jeu arrive à son but. Un autre aspect à considérer est la nature de Métis. Ce qu’étaient les shadows de la campagne principale n’avaient jamais été défini clairement, et il est intéressant que ce soit à la campagne supplémentaire de le faire. Non pas que Persona 3 soit particulièrement lacunaire, simplement que la définition reposait sur des éléments subtils de l’intrigue et des thèmes, plutôt que sur une définition rigoureuse servie au joueur. La nouvelle définition étend le concept du jeu de base, étant que les shadows sont la matérialisation du sentiment de sa propre mortalité, à tous les mauvais aspects de sa psyché qu’un être humain (ou, dans le cas d’Aegis, robotique) souhaite rejeter. Le concept redevient plus proche de celui de Karl Jung et, ainsi, plus proche de celui de Persona 1 et 2. Là où se marque la différence, c’est qu’il s’agit de la première fois dans la série où un shadow est un protagoniste. Le scénario le justifie très bien et, ultimement, renforce l’un des messages centraux de la série : comment accepter ces parties de nous que l’on voudrait rejeter nous aide et nous fait grandir en tant que personne.


Pour résumé : Métis est la grande réussite de « La réponse ». Elle est un personnage fascinant, qui développe le monde, dynamise l’intrigue et incarne les thèmes du récit.


Ceci étant dit, peut-être devrions-nous retourner à l’intrigue, après ces digressions ? Nous en étions restés aux scènes montrant l’éveil à leur persona de chacun des membres. La dernière concerne Aegis et montre la naissance de Métis. À ce moment-là, l’ombre du protagoniste, que nous pourchassions depuis le début, réapparait et les mystères sont enfin résolus. L’abysse du temps est le résultat du deuil que les membres de l’équipe subissent. Tous, à leur façon, sont incapables d’aller de l’avant. Les scènes auxquelles nous avons assisté sont des scènes où ils ont trouvé un but à leur vie, ce qui les a amenés à s’éveiller à leur persona. Maintenant que Tartarus et Nyx ont été défaits, au prix de la vie d’un de leurs amis, ils ont perdu leur but. Les doutes et les regrets se sont matérialisés sous la forme de l’ombre du héros.


S’en suit un combat de boss contre cette ombre. La confrontation a un côté allégorique, puisque c’est une manière d’indiquer que les membres de l’équipe sont prêts à faire face aux émotions qu’ils ont gardé en eux jusqu’ici. Petit côté intéressant du combat, puisque l’ombre est le résultat des psychés des personnages, elle utilisera leurs persona, à l’exception de celui de Métis.


Une fois l’ennemi vaincu, chaque membre du groupe reçoit un fragment de clé qui, s’ils sont tous assemblés, leur permettra de mettre un terme à l’abysse du temps. Mais ils existent deux manières de s’y prendre : soit sortir par la porte du dortoir et continuer leur vie comme avant, ou ouvrir la porte de la chambre du héros et revenir dans le temps, pour le sauver de son sacrifice. Cette décision divise l’équipe en quatre groupes. Akihiko et Ken sont d’avis de reprendre leur vie, arguant que les pertes qu’ils ont connues sont ce qui les ont amenés aux personnes qu’ils sont aujourd’hui. Yukari, à qui se joint Mitsuru, argumente qu’ils peuvent utiliser cette clé pour sauver la vie de leur ami et qu’ils devraient remonter dans le temps. Junpei rappelle que le héros s’est sacrifié pour arrêter Nyx et qu’empêcher ce sacrifice condamnerait l’humanité. Aegis et Fuuka sont incapables de se décider sur la marche à suivre. Ce qui nous amène au moment où les membres de l’équipe décident que la meilleure façon de résoudre ce problème est de se battre, ce qui rejoint la scène du début, où Aegis tirait sur Akihiko à balles réelles. Évidemment, Aegis l’emporte et propose une autre solution que les deux avancées. Mais avant de s’y attarder, faisons un point sur les personnages.


Il y a très peu de raison pouvant être invoquées au pourquoi jouer à « La réponse ». L’intrigue du jeu original était complète et si son gameplay était au mieux charmant, une fois le jeu fini, dur d’y revenir uniquement pour son combat. Les personnages sont pourtant l’une des raisons qui pourraient faire qu’un joueur soit prêt à s’engager dans une nouvelle aventure, simplement parce que le lien du joueur à ces personnages peut donner envie de passer plus de temps avec eux. Nous avons déjà vu avec Aegis que cette nouvelle campagne se permettait des libertés assez néfastes. Penchons-nous sur le reste du cast :


Koromaru… non, je ne vais pas m’étendre en une analyse approfondie de Koromaru, puisque son rôle est globalement le même que dans le jeu d’origine, il est tertiaire aux événements et, étant un chien, n’a pas un développement profond. Le peu de moment où on le voit réagir le voit refléter les émotions des personnages et être soucieux de leur état. Simple, mais ultimement, c’est ce qu’est Koromaru. Il est à noter que beaucoup de ses réactions sont à voir entre les donjons, lorsque l’on revient de mission pour sauvegarder. En cela, la réponse imite la campagne principale où, à chaque fin de journée, il était possible d’aller parler aux membres de l’équipe dans le salon du dortoir. C’était quelque chose d’assez fastidieux dans le jeu principal, dû à la répétition de le faire chaque jour. Pourtant, comme ici, beaucoup de ces interactions informent sur qui sont les personnages, comment ils réagissent aux divers événements. Les manquer peuvent impacter l’image des personnages et, sur une intrigue aussi maigre que celle de la réponse, ces interactions regagnent en importance.


Junpei présente une attitude positive, égale à lui-même, on pourrait dire. Il faut remarquer que, lors de l’affrontement du groupe, il se montre compréhensif et ne blâme personne, renforçant son développement lors du jeu principal. Il y a appris la valeur de l’amitié, la confiance qu’il peut placer dans ceux qui l’ont accompagné dans les épreuves qu’il a connu.


Fuuka est… là. En tant que personnage, elle a toujours été en arrière-plan, réservée et pourtant soucieuse de ses camarades. Cet aspect de sa personnalité explique pourquoi la dispute du groupe la trouble autant, au point où elle ne peut pas choisir de camp. Toutefois, une fois l’entièreté du scénario considéré, elle n’a pas un rôle suffisamment fort pour justifier sa présence.


Ken prend tout cela comme un champion. Il est assez compliqué d’évaluer son caractère puisqu’il semble être toujours être au top de sa forme et motivé à l’action. Pour être franc, cela est compréhensible. Ken, dans le jeu de base, a toujours été décrit comme un enfant mature (malgré qu’il n’ait que onze ans) et les événements du jeu de base l’ont rendu résilient. La perte de sa mère l’a conduit sur la voie de la vengeance, dont la mort de Shinji lui a appris la futilité. Par après, sa résolution dans la lutte s’est fortifiée, pour honorer la mémoire de ces deux personnes.


Mitsuru est plus compliquée à cerner, de part la nature de sa personnalité. Elle prend souvent le contrôle de la situation et est celle qui va nommer Aegis à la tête du groupe, sous prétexte qu’elle possède le pouvoir de changer de persona, à l’instar du héros de persona 3. Au début de l’intrigue, elle désire récupérer les évokers du groupe, montrant qu’elle veut mettre derrière elle ce qu’il s’est passé. Au moment de choisir quoi faire des fragments de clé, elle s’allie à Yukari, plus à cause de son lien avec elle que parce qu’elle pense que ce qu’elle propose est la bonne chose à faire.


Akihiko est toujours ce fonceur volontaire, avec un charisme qui n’égale que sa combativité. La perte de sa sœur et de Shinji lui ont appris que, peu importe les circonstances, il faut poursuivre, garder la tête haute, accepter les événements et affronter la vie.


Maintenant, une fois ces personnages établis, il y a une question essentielle à poser : qu’est-ce qui, chez ces personnages, crient deuil si insurmontable qu’il mènera à la création de l’abysse du temps et à l’incarnation de cette douleur en une ombre ?


C’est ce qu’on pourrait nommer la grande contradiction de « La réponse » en terme narratif. Le jeu veut raconter l’histoire de comment les membres de l’équipe ont des difficultés à faire leur deuil et créer un récit où ces difficultés s’incarneront, dans un voyage allégorique reflétant leurs problèmes et leur offrant l’occasion de les affronter. La répétition de la même journée en boucle est une allégorie de leur perte de but, leur manque d’avenir. Sauf que, ultimement, aucun des personnages ne peut s’engager dans la voie qui permettrait au récit de se faire, puisque les personnages savent déjà affronter le deuil. Chidori, Shinji, la mère de Ken, le père de Mitsuru… ces pertes étaient des épreuves qui ont fait maturé les personnages, au point où ce que tente de faire la réponse est impossible. Sûr, on trouvera quelques lignes ici et là où ils exprimeront des regrets et des doutes mais rien d’assez fort pour légitimiser être un problème qui sera investigué par l’intrigue, pour la même raison qu’Aegis ne pouvait pas devenir ce qu’elle est dans la réponse : ces personnages ont déjà vécu cela et, surtout, ils l’ont déjà surmonté. Ce qu’ils éprouvent dans l’intrigue est normal et, d’une certaine façon, banal, dans le sens où ils sont capables de le surmonter sans nécessiter cette nouvelle aventure. C’est pourquoi j’ai dit plus haut que l’intrigue de la campagne principale était complète. Évidemment, ne pas voir les personnages faire leur deuil du héros laisse un arrière-goût d’incomplet, mais l’intrigue a déjà montré qu’ils sauraient le faire et Persona 3 a donc choisi de laisser le joueur extrapoler cette épreuve pour conclure sur une fin thématiquement appropriée. Par conséquent, dans « La réponse », les personnages sont dans un entre-milieu narrativement insatisfaisant. Ils sont fidèles à eux-mêmes mais l’intrigue ne peut pas se permettre de trop s’étendre sur eux, puisque ça mènerait à la réalisation qu’ils n’ont pas besoin des leçons que veut prodiguer cette campagne.


À une exception, qui est le seul personnage que je n’ai pas encore décrit et qui, d’une certaine façon, est le personnage le plus important dans le conflit entre les membres du groupe : Yukari.


Yukari est partante pour l’option « remonter dans le temps et sauver le héros ». Au début, elle est présentée comme distante, voulant éviter les membres du groupe. Une fois piégée dans le dortoir, elle n’a qu’une envie : en finir au plus vite. Au moment de discuter quoi faire avec la clé, elle se montre agressive et, lorsque la clé se retrouve en la possession d’Aegis, Yukari tente de s’en emparer de force, en vain, ce qui la voit s’effondrer de tristesse. Pour résumé : Yukari traverse les cinq phases du deuil (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation). Rien que la présence de ces phases est un plus, comparé aux autres personnages. Quant à la question de l’exécution de ce développement, c’est plus délicat. En vérité, si on met côte à côte chaque scène de Yukari, le développement est parfaitement cohérent tout au long de l’intrigue, ainsi que raccord avec son personnage du jeu principal. Yukari trouve sa motivation dans la mort de son père, qui d’abord lui donne pour but d’investiguer les circonstances de sa mort puis, une fois celles-ci révélées, la pousse à reprendre son combat. La fin de Nyx et de l’heure sombre marque la fin de ce but. De plus, le prix à payer est la vie d’une personne qui a été centrale dans sa vie. Le héros l’a aidé à se reconnecter avec sa mère et l’épilogue de Yukari la voyait faire des plans avec lui. Dans ce contexte, le traitement du personnage est compréhensible… à condition, comme je l’ai dit, de prendre les scènes côte à côte. Le problème vient moins du traitement du personnage que de la narration de l’intrigue, qui sépare énormément les moments informant l’état d’esprit de Yukari.


Au point que cela a quelque peu confusionné la communauté. Un certain nombre de joueurs ont eu une réaction négative à ce développement de la personnalité de Yukari. Dans sa vidéo sur « La réponse », Nam12399 se montre extrêmement critique envers Yukari. Son explication est basée sur l’idée de la logique. Puisque le héros de Personna 3 s’est sacrifié pour sauver le monde, défaire son sacrifice est néfaste. Je ne suis pas d’accord avec cette analyse, simplement parce que l’état d’esprit de Yukari ne peut pas être jugé à l’aune de la pure logique. L’illogique des comportements humains est un argument que je trouve surutilisé pour justifier des incohérences de scénario, toutefois, il s’agit ici d’un exemple où il convient parfaitement. Le jeu a fourni tous les éléments nécessaires pour comprendre l’état d’esprit de Yukari, comment ce deuil qu’elle n’arrive pas à faire la pousse à des actions qui ne sont pas logiques. Même si sa décision n’est pas rationnelle, elle est cohérente avec sa caractérisation dans cette campagne. Au vu de son état émotionnel, ne pas la voir faire tout ce qu’elle peut pour sauver quelqu’un de proche aurait été illogique.


L’analyse de Nam12399 est clairement le résultat de la narration du jeu. Les scènes justifiant les actions de Yukari sont trop éloignées de la décision vis-à-vis de la clé. Beaucoup trop d’éléments de scénario, basé sur des mystères qu’il faut garder à l’esprit, viennent parasiter la caractérisation du personnage. De plus, le cast trop nombreux complique la réception d’informations, créant une sorte de bruit qui empêche de comprendre Yukari. Ceci étant dit, les éléments sont là et j’aurais apprécié qu’une analyse qui se dit approfondie les mettent en évidence. Surtout quand la série d’analyse en question s’auto-proclame « ultime analyse », exprime avec force et fracas que la réponse a ruiné Persona 3 et que la vignette hurle en lettres capitales et rouge : pourquoi ça craint. Donc, navré monsieur Nam12399, mais votre critique est pauvre.


Garder l’analyse en question en tête toutefois, nous y reviendrons sous peu, lorsque nous discuterons de la fin. D’abord, j’aimerais revenir sur un tout petit point concernant l’affrontement des personnages. Ces batailles voient Aegis et Métis affronter Akihiko et Ken, puis Junpei et Koromaru et enfin Yukari et Mitsuru. Une fois la première bataille gagnée, quelque chose se passe. Akihiko et Ken sont enfermés par une force mystique, liée au lieu où les combats se déroulent. Métis, l’instigatrice de ce sale tour, justifie ses actions comme un moyen de pousser Aegis à l’action, une motivation pour aller jusqu’au bout de l’épreuve. Bien que l’événement ait certains côtés intéressants d’un point de vue narratif, j’ai une question : était-ce nécessaire ? La motivation d’Aegis pourrait simplement être d’arrêter le conflit. De plus, cet événement augmente les enjeux de la confrontation de manière totalement inutile. La vérité est que les enjeux sont déjà très haut, puisque la décision de comment utiliser la clé est extrêmement importante au scénario et, surtout, les personnages sont ce qui créent cette situation, qui ils sont déterminent leur alignement et pourquoi ils se battent. Avec cet outil, le conflit, centré sur les personnages, se voit collé un élément non-basé sur eux, ce qui semble être inutile et distraie d’une situation qui a pourtant tout pour être le point phare de l’intrigue. Ça témoigne d’un problème assez évident après autant d’heures de jeu et, surtout, après une analyse approfondie : le scénario ne joue pas sur ses forces. Les personnages sont le point fort de cette campagne et si, avec Yukari et, dans une moindre mesure, Aegis, le scénario parvient à faire mouche, beaucoup de moments semblent être perdus, sans comprendre comment proprement utiliser ces personnages pour créer une intrigue intéressante.


Ce qui nous amène à la fin du jeu. Une fois la clé assemblée, Aegis décide qu’il faut sortir du dortoir. Avant cela, elle veut utiliser les propriétés de l’abysse du temps pour revenir au moment où Nyx a été battue. Là, les membres de l’équipe pourront voir comment le héros s’est sacrifié et comprendre la raison de ce sacrifice. Une fois sur place, ils sont confrontés à une grande porte, fermée par un sceau avec la forme du héros de Persona 3. Ils comprennent que le sacrifice du héros a mené à ce sceau mais aussi que ce sceau n’est pas là pour arrêter Nyx. Il est là pour empêcher la personnification de la volonté de mort de l’humanité d’appeler Nyx. Un combat contre cette personnification s’ensuit et bien que l’équipe triomphe, tant que la volonté de mort de l’humanité persistera, la créature existera et le sceau sera nécessaire pour empêcher le retour de Nyx. Le groupe, inspiré par le héros, décide de vivre de manière à supprimer cette volonté de mort, jusqu’au moment où le sceau ne sera plus nécessaire. La faisabilité de ce plan est sujette à débat mais le but de l’intrigue ne réside pas là. L’important, c’est que l’équipe a retrouvé un but, ce qui était établi comme manquant après les événements de Persona 3. L’idée de la volonté de mort résidant dans l’humanité était d’ailleurs déjà présente dans le jeu de base, avec par exemple le personnage de Takaya. Le voir réutiliser ici est une manière d’étendre ce thème, traité plus subtilement à la base, à la manière des « shadows ». La toute dernière cinématique voit Aegis et Yukari, véritablement les personnages principaux de cette histoire, se réconcilier et se faire des promesses d’amitié.


Une petite note rapide : rappelez-vous la vidéo de Nam12399. Le point central de sa vidéo est que la réponse a ruiné Persona 3, ce qui est une étonnante déclaration. La raison est simple : la réponse établit que si la volonté de mort de l’humanité est défaite, le grand sceau disparaitra. Ce que Nam12399 interprète comme voulant dire que le héros de Persona 3 reviendra à la vie. Je vais être très clair : le jeu ne dit jamais cela. J’ai fait la réponse deux fois (sans compter les parties en mode Speedrun), une fois simplement pour l’expérience et une autre pour cette critique, de manière beaucoup plus attentive. J’ai également regardé un walkthrough complet, afin de comparer mon style de jeu avec d’autre. J’ai également repassé la séquence en question une dizaine de fois et je peux donc l’affirmer haut et fort : le héros de Persona 3 ne reviendra pas si le sceau est brisé, par conséquent, la réponse ne ruine pas le thème d’accepter sa mortalité de Persona 3. En résumé : navré, monsieur Nam12399 mais votre critique est vraiment pauvre.


Donc, maintenant que nous avons investigué le gameplay, l’intrigue, les thèmes et les personnages, que nous reste-t-il ? Ma conclusion, j’imagine.


« La réponse » est un chapitre décevant. L’idée de raconter comment les membres du SEES vivent après la perte de leur camarade n’est pas une mauvaise idée en soit, mais elle demande une exécution rondement menée pour fonctionner. Ce n’est pas le cas ici. L’allégorie du deuil ne fonctionne pas sur la majorité des personnages. Les deux sur lesquels ce récit arrive à se focaliser est soit dû à une contradiction du personnage par rapport à la campagne principale, soit inefficace dû à la narration, trop étalée et inégale étant donné le récit. La réponse veut également mettre un plus grand focus sur le combat, oubliant que c’était l’un des aspects les moins réussis de persona 3. Personne ne déclare que le combat de Persona 3 en fait un grand jeu. C’est même plutôt l’inverse, la nature répétitive du Tartarus a tendance à repousser les gens et seulement la possibilité de se pencher sur les liens sociaux permet de diversifier l’expérience de jeu. En vérité, la réponse ne joue pas sur les forces de Persona 3, ce qui en fait une pauvre suite. Mais la réponse refuse aussi d’ajouter à l’expérience de base, ce qui, avec ce qui a été supprimé (liens sociaux, compendium…), offre une expérience qui n’offre que les pires parties du jeu de base.


Pourtant, la réponse a des élans de qualités qui sont étonnants à trouver dans ce chapitre bancal. Parfois, des combats seront juste assez difficiles pour permettre de sortir le grand jeu tactique sans être frustrants. Parfois, Métis et le groupe interagissent d’une manière touchante. Parfois, une scène montre l’étendue de la souffrance de Yukari. Et soudainement, la fin arrive à donner de l’espoir pour les personnages, tout en développant les thèmes du jeu original.


Mais voilà le hic, qui est que ce n’est que parfois et c’est là où le bât blesse. Persona 3 est un grand jeu avec des problèmes. « La réponse » est un mauvais jeu avec des moments de bravoure, des moments où plus de talent, plus de temps, plus de risque auraient donné à la campagne principale une suite qui aurait pu se hisser à la hauteur de l’original.

Fatuite
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le 21 nov. 2020

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