Ca brille et c'est fort !
Jouer à Shining Force en 2014, c'est pas forcément évident.
Première chose, c'est moche. Dieu que c'est moche. Je n'étais pas encore gamer à sa sortie (j'étais d'ailleurs à peine né), donc je ne peux juger de l'avancée technique ou non qu'il représente, mais aujourd'hui c'est vraiment pas beau, les animations sont approximatives, et finalement il y a que les combats qui sont encore jolis à regarder.
Deuxième chose, il faut faire avec l'interface. Aujourd'hui tout doit être intuitif, on diminue le nombre de sous-menus au maximum... Mais dans les années 80-90, c'était souvent le contraire. Plus il y avait de menus, et donc plus de possibilités d'interaction pour une seule situation, mieux c'est. Et ça c'est pas facile. Quand vous atterrissez dans Shining Force et que l'on vous oblige à passer par un sous-menu pour toute interaction, c'est vraiment difficile de jouer le jeu. Rien que pour parler à un personnage, faut entrer dans le menu. Pareil pour examiner un élément (alors qu'en toute objectivité, il pourrait très bien y avoir un seul bouton pour les deux, puisqu'examiner un personnage ne fait absolument rien). Ne parlons même pas des objets, l'interface qui les entoure est parfaitement contre-intuitive.
Troisième chose, vous êtes parachuté là sans tutoriel, sans explication autre que, sans doute, celles du manuel. Le joueur de 2014 il aime appliquer le principe "un beau dessin vaut mieux qu'un long discours" et qu'on lui tienne la main les 5-10 premières minutes. Autant vous dire que votre premier combat sera pratiquement le plus dur que vous aurez à mener.
et puis, le jeu se laisse progressivement apprivoiser. On se laisse charmer devant le chara design un brin enfantin mais soigné et attachant, devant un système de combat efficace et varié, et devant une aventure certes convenue, mais aux accents épiques certains (notre rôle étant rien de moins que de réunir les plus puissants guerriers du royaume pour fonder la Shining Force afin de partir à la poursuite d'un mage maléfique qui s'apprête à réveiller un mal ancestral). Vous pataugerez pendant une heure, et ensuite vous prendrez un plaisir certain, pour peu que vous soyez sensible aux tactical-rpg.
Mais justement, qu'est-ce que ce titre nous offre comme expérience dans ce domaine ? Déjà, grosse différence d'avec la série la plus célèbre du genre (Fire Emblem pour ne pas la nommer), aucune mort n'est définitive. Certains crieront au sacrilège, d'autres soupireront de soulagement, pour ma part je trouve que les deux approches se valent pour peu qu'elles soient appliquées intelligemment (ce qui est le cas avec ce Shining Force). Un de vos alliés meurt ? Pas de panique, courez chez le prêtre, il se fera un plaisir de le ramener à la vie contre espèces sonnantes et trébuchantes (il a d'autres utilités, comme bien évidemment la sauvegarde, mais également les classiques soins contre le poisons, désenvoûtements et autres exorcismes; mais surtout, il a la capacité d'accorder une promotion aux unités qui ont atteint ou dépassé le niveau 10, pour leur permettre de passer à une classe plus puissante - à ce sujet, sachez qu'un personnage qui passe par ce traitement subira dans un premier temps une baisse drastique de ses caractéristiques, agissez donc prudemment). En outre, il vous est loisible de fuir un combat, s'il tourne en votre défaveur, pour profiter des commodités du village le plus propre et repartir avec une meilleure tactique. Dans le même ordre d'idée, la mort de votre personnage principal n'entraine pas le game over, mais vous fait revenir au précédent village, en conservant vos pertes et profits dus au combat ainsi qu'en subissant une perte conséquente d'argent (la moitié de votre capital je suppose, je n'ai jamais pris la peine de vérifier). Ces points sont certainement les plus grandes divergences par rapport à Fire Emblem.
Et si j'évoque sans cesse cette licence, c'est parce que Shining Force y ressemble beaucoup tout en ayant quelques grosses différences : un système de promotions pratiquement identique, le même fonctionnement des déplacements (à ceci près que dans Fire Emblem vous déplacez librement toutes vos unités en même temps durant votre tour, alors que dans Shining Force, chaque personnage, allié ou ennemi, se déplace à son tour en fonction de sa vitesse), Le même type d'écrans de combat (notez toutefois que dans Fire Emblem, attaquer quelqu'un qui a la possibilité de répliquer implique une contre-attaque automatique, ce qui n'est absolument pas le cas dans Shining Force),... Et finalement, je comprends pourquoi beaucoup de gens qualifient Fire Emblem de licence hardcore, ce que je n'avais pas réalisé avant de jouer à Shining Force: c'est effectivement la différence qui réside entre les deux. Là où un combat de Fire Emblem vous demandera une attention de tous les instants. du déploiement de vos unités au choix de leur équipement en passant par l'ordre de déplacement ou la prise en compte des contre-attaques tout en gardant à l'esprit que toute mort d'un personnage est définitive si le chapitre est réussi et que la perte d'une partie entraine le retour automatique sans gain d'aucune sorte au début du chapitre (sans compter des paramètres tels que l'usure des armes), Shining Force est finalement beaucoup plus cool sans être nécessairement plus facile : vous pouvez franchement vous ramener dans un combat sans vous préparer et sans réfléchir, au pire vous recommencez en ayant gagné de l'expérience et des niveaux et en ayant une bonne idée de ce qui vous attend. L'expérience en est donc totalement différente, et je dirais sans hésiter que Shining Force est plus recommandable à un néophyte que Fire Emblem... tandis qu'il est beaucoup plus jouissif de remporter une victoire dans Fire Emblem que dans Shining Force.
Outre ces quelques considérations, il est à noter que les classes de types jeteur de sorts fonctionnent d'une façon assez particulière : vous acquérez de nouveaux sorts non pas en les achetant ou grâce à des bouquins et autres, mais en montant de niveau. Et chaque mage a sa palette, ainsi tel mage a la possibilité d'apprendre les sorts de feu jusqu'au bout alors qu'un autre sera spécialisé dans les sorts de glace ou de boost. Pareil pour les soigneurs. J'aimerais aussi revenir sur les personnages jouables. Il y en a tout plein (apparemment 25 si l'on se fie au descriptif du jeu), et tous sont différents, les personnages à classe unique ne sont d'ailleurs pas rares du tout (je ne vous gâcherai pas la surprise, à vous de les découvrir), ce qui est très plaisant. Ils sont certes plus rudimentaires niveau background que dans un Fire Emblem, mais leur chara design est joli et ils demeurent très attachants.
Côté exploration, les lieux sont sympa, les villages sont pleins de vie, quelques touches d'humour y sont d'ailleurs disséminées, et vous aurez quelques tâches secondaires à accomplir pour recruter certains personnages, trouver certains équipements ou simplement avancer dans l'histoire. Que demande le peuple ?
Si je reste indéfectiblement lié à la saga Fire Emblem, Shining Force reste donc pour moi une superbe découverte qui a des arguments à faire valoir. Je recommanderais ce jeu à tout fan de T-RPG ainsi qu'aux néophytes qui n'ont pas peur d'en baver durant la première demi-heure.