Un studio français sort un jeu qui nous permet de défoncer tout ce qui bouge en faisant du kung fu, j'en suis !
Je lance le jeu sans m'être plus renseigné que ça, et je me rends vite compte que le système de combat est technique et vraiment punitif, mais il a au moins le mérite d'être juste.
À chaque coup reçu, c'est une erreur que je commets qui est sanctionnée, et à chaque fois que je tombe, le jeu m'offre la possibilité de me relever, en échange d'un vieillissement de mon personnage.
Inévitablement, j'ai envie d'avancer dans les niveaux, donc je me relève dès que je tombe, et mon personnage vieillit vite, beaucoup trop vite. Voilà que je termine le deuxième niveau en ayant atteint la soixantaine, et je m'avance devant le second boss du jeu avec une connaissance du système de combat très lacunaire, et peu de possibilités de me relever.
Sans surprise, je me fais détruire sans même parvenir à entamer la barre de vie du Combattant. Aïe...
Comme de nombreux joueurs d'après les retours d'expériences que j'ai pu lire, ma première tentative s'arrête brusquement au deuxième niveau, alors que j'incarne un vieillard de 70 ans qui se fait tabasser à coups de bâton par un adversaire bien trop fort pour lui.
Mais bizarrement, à chaque fois que je me rends compte que mon niveau est insuffisant pour vaincre mes ennemis, j'ai envie de recommencer. Et à chaque fois que je recommence, j'ai appris de ma tentative précédente.
Puis je viens enfin à bout de chacun des boss du jeu en les éliminant les uns après les autres, et je vois la fin que j'ai eu tant de mal à atteindre.
C'est là que le jeu me lance un ultime défi : vaincre ses adversaires en les tuant tous est facile, mais les pousser à abandonner le combat en leur prouvant notre supériorité absolue au combat est la seule façon de les vaincre selon le Wude.
Alors je dois combattre de nouveau tous ces adversaires qui m'avaient donné tant de fil à retordre lors de nos premiers affrontements.
Mais je me rends compte que désormais, je n'ai aucun mal à les vaincre du premier coup, et je peux facilement le leur démontrer les uns après les autres. Sans m'en rendre compte, le jeu m'a appris le kung fu à grands coups de pied dans les dents.
Enfin, j'ai fini par dominer mes adversaires jusqu'à leur abandon selon les préceptes du Wude, et débloqué la vraie fin du jeu.
Cette aventure était difficile, mais je n'ai pas eu envie d'abandonner une seule fois, et je la referai même avec grand plaisir. C'est ce qui me pousse à me poser cette question : pourquoi c'est si bon ?
Déjà, Sifu repose sur un système de combat excellent, et superbement chorégraphié. Les compétences à débloquer permettent d'expérimenter différentes façons de combattre, et l'environnement peut être utilisé aussi bien par les ennemis que par le joueur.
Rien n'est plus satisfaisant que de contempler dix ennemis qui se tordent de douleur au sol, dans une salle complètement saccagée par un malade mental armé d'un bambou qui saute par dessus les tables et les banquettes, tout en lançant des bouteilles ou des tabourets au premier qui ose s'approcher.
La courbe de difficulté est très bien gérée. À ceux qui n'ont pas réussi à persévérer, sachez que peu importe l'ennemi, il existe un moyen de le battre sans grande difficulté.
Bien que je ne trouve pas que la mise en scène constitue en elle-même un grand point fort du jeu, elle contribue largement à l'ambiance de film d'arts martiaux, en en reprenant volontairement les codes.
Parmis les poncifs des films d'arts martiaux, il y a l'histoire de vengeance pour laquelle le héros s'entraîne toute une vie. En lançant le jeu pour la première fois, à la fin de l'introduction, je me suis dit que l'histoire racontée par le jeu serait convenue au possible et inintéressante.
Elle est convenue, mais pas inintéressante. Sloclap est parvenu à se jouer du lieu commun de la quête de vengeance du jeune disciple pour faire émerger une mécanique de gestion de ressources (les années restantes à vivre) très bien pensée, en plus de créer une temporalité intéressante dans le récit :
L'histoire du jeu pourrait se dérouler sur une nuit selon l'heure indiquée sur le réveil lors de la sélection de niveaux, uniquement à condition de ne pas mourir. Elle pourrait tout aussi bien se dérouler sur cinquante ans selon l'âge auquel on termine le jeu, elle reste cohérente dans tous les cas de figure.
Alors oui, votre première partie sera sûrement difficile, et le fait de devoir relancer un niveau pour éviter d'y perdre 30 ans sera sans doute frustrant. Mais ayez un peu de patience et apprenez les mécaniques de combat au fur et à mesure pour goûter au doux sentiment de la maîtrise de votre personnage.
Sifu est un excellent jeu, et il m'a appris que sans un minimum de persévérance, on ne ressent que bien peu de plaisir à devenir le plus fort.