Vous ai je déjà parlé de ce pote à moi ?
Cet ami qui a permis à lui seul de tripler la production mondiale de cacahuètes.
Cette cacahuète délicatement pilée, cette poudre d'arachide où vient se rouler joyeusement un mignon petit biscuit soufflé.
Ce magnifique petit biscuit salé, ce Curly béni qui constituait l'entièreté des repas de mon ami; excepté les jours de fête où le bougre se fendait d'une entrée alléchante à base de Minizza, d'un plateau de fromage composé d'apéricubes multicolores et le tout, arrosé d'un sherry coke tiède et éventé.
Cet ami dont la seconde passion était entièrement végétale. Un vrai spécialiste de l'horticulture à fumer.
Grand vainqueur de la coupe d'Europe 1998 d’œil rouge et deux fois champion du monde de bouche sèche et de fringale soudaine à 2 plombes du mat'.
Cet ami avait décidé de faire du vide chez lui.
Je me rendis donc chez lui d'un pas débonnaire, répondant à l'un de ses textos m'invitant à l'aider à changer sa déco intérieure.
Me munissant de ma salopette bleue et de ma brosse à maroufler tel une Valérie Damidot à testicules, je partis plein d'entrain.
Mon ami avait sur la déco intérieure des goûts très surs.
Arborant depuis quelques années dèjà un papier peint de grande classe, à base de posters d'Ashlyn Gere, Draghixa et autres Julia Chanel dans le plus simple appareil, il avait pourtant décidé de changer son agencement intérieur.
En effet, le temps passant, l'âge aidant certainement, certains posters ne cadraient plus avec ses goûts.
Il fallait franchir le pas, passer à l'âge adulte. Alors ouste Ashlyn Gere, Zara White et Tabata Cash !!
Il fallait passer à autre chose, grandir, enfin !
En chinant un peu, mon pote avait fait l'acquisition d'un nouveau papier peint d'une modernité redoutable et d'un standing Elyséen : Des posters king size de Clara Morgane cambrée comme une banane mais avec des nichons, de Monica Bellucci en petite tenue, qui n'est jamais aussi belle que lorsque elle ne parle pas et quelques photos poisseuses de diverses miss météo de Canal + qui lui annonçaient un soleil radieux dans son slip pour les mois à venir.
Un vrai bond dans la modernité pour mon camarade.
XXI ème siècle le voilà !
C'est donc prêt pour une journée de bricolage intensif que j'arrivais sautillant devant sa porte et que je toquais mes trois coups.
Pas de réponse. Je toque encore. Rien.
La porte étant entrouverte, je me permet de pénétrer dans l'antre de la bête.
Là c'est l'horreur !
Les chaises renversées, son bang (la prunelle de ses yeux) couché sur le canapé, dégoulinant sur le tapis troué. Des curlis écrasés au sol et des apéricubes collés aux murs.
Il s'était passé quelque chose !
Je tend l'oreille et j'entend une radio grésillante.
Les grésillements se font plus intenses, se rapprochent dangereusement.
Là dans le fond de la pièce complètement noire où une ampoule poussiéreuse virevolte au gré du courant d'air, jetant aux murs des ombres inquiétantes, je vois se mouvoir au sol une sorte de ver de taille humaine tentant vainement d'avancer sur la moquette kaki.
La radio crache des stridences insupportables.
Et puis cette putain de limace dégoulinante qui s'avance vers moi en rampant énergiquement.
Pris de panique, je me saisis de la pelle que mon ami garde précieusement pour mélanger son terreau à Ganja et file à cette abomination molle et spongieuse une rafale de coups d'une violence rare.
C'est lorsque j'entendis: " AÏÏÏEEUH ! MAIS ARRÊTE BORDEL ! C'EST MOI ! ! !", que je compris.
En effet, ce gastéropode à taille humaine n'était autre que mon ami.
Mon ami qui s'était pris de passion pour le somptueux jeu "Silent Hill 2" et qui essayait son costume pour Halloween.
Cet imbécile s'était confectionné à base de papier film, de teinture rouge et d'abats de poulet périmés ce costume hideux dans lequel il était resté coincé pendant trois jours.
Effectivement quand je jetais un œil sur l'écran derrière moi, je vis l'arme du crime.
"Silent Hill 2" !
Un homme reçoit une lettre de sa femme décédée lui filant rencard à Silent Hill.... Brrr !
C'est la brume et une ambiance poisseuse à souhait qui t'attend sur place.
Un cauchemar éthéré, un rêve d'outre-tombe.
Des voix tournoyantes, des présences invisibles cachés dans ce brouillard malsain, puis un poste radio.
Une radio qui te guide vers l'enfer au son de grésillements atroces.
Des bruits qui s'intensifient de plus en plus, et là l'horreur !
Des monstres difformes déambulant autour de toi, des esquisses d'humains complètement foirées errant dans ces décors baroques distordues.
Une immersion totale grâce à une musique somptueuse et des effets sonores glaçants.
Une aventure aux confins de la folie, une peur réelle qui s'insinue sous ton épiderme, t'enfermant aux tréfonds de l'horreur avec Pyramid Head, sombre gardien de ta santé mentale.
Je m'excusais donc platement à mon pote pour les quelques côtes fêlées et son pauvre pif explosé.
Je le relevais doucement pour l'installer sur son canapé et commençais à lui rouler son médicament.
Mais une question me tarabiscotais.
Je lui demande :
-"Ton déguisement foireux d"accord ! Mais ces grésillements horribles, ces stridences insoutenables ? C'était quoi Nom de Dieu ??!!"
-"Quelles stridences dégueulasses ?? C'est le best of de Patrick Bruel que m'a offert ma connasse de petite sœur, qui tourne en boucle, pauv' con !! ."