Le jeu commence par une longue descente aux Enfers. Pas de monstres à abattre. Nulle énigme à résoudre. Pas encore. Juste un long sentier dans la brume et la photo de votre femme décédée dans la poche. Puis, quelques cris, des grognements proches vous rappellent que le vide est habité, sans jamais pourtant atténuer l'immense sensation de solitude qui vous étreint. Rien ne vous indique très clairement ce que vous devez faire. Mais vous continuez, parce qu'il n'y a rien d'autre en dehors de cet endroit, rien qui n'existe vraiment en dehors de Silent Hill. Car la ville a beau être morte, le souffle des hommes a beau avoir abandonné à jamais cette station balnéaire si particulière, vous savez qu'ici se trouve votre véritable place. Silent Hill, c'est vous. Votre détresse, votre douleur, vos espoirs de rédemption. C'est au coeur de son néant que se dessine enfin le sens de votre vie, une version écorchée de vous-même qui vous renvoie votre nudité. "Un endroit spécial", si intime que vous l'avez toujours recherché. Un voyage dans vos pulsions de mort et de vie comme seul le jeu vidéo pouvait vous l'offrir. Une expérience que vous n'oublierez jamais.

Quand on voit ce qu'est devenu le survival-horror aujourd'hui, on se demande si des perles comme ce Silent Hill seront encore un jour possibles. Il suffit de penser à Resident Evil 4 ou, plus proche de nous, Dead Space... D'excellents jeux d'action horrifique, en aucun cas des survival. Ici, il est question d'un malaise constant (et non pas d'une succession de sursauts boostant l'adrénaline) couplé à la relative incapacité du héros à se battre efficacement et d'une histoire parmi les plus sombrement poétiques jamais écrites, tous médias confondus. Tout a un sens dans SH; au joueur d'accepter d'errer longtemps dans des environnements parfois vides, mais qui distillent une mélancolie encore inégalée, même sur consoles HD. Il vous est demandé de ressentir, il vous est demandé de vous impliquer afin de remplir les gouffres de la ville avec vos peurs les plus profondes, vos faiblesses les plus inavouables. C'est au rythme de vos errements que s'écrira l'histoire, comme un murmure dans un théâtre hors du temps.

Comme rien n'est simple dans Silent Hill, vous aurez l'occasion d'admirer 4 fins principales différentes selon votre manière de jouer. On ne parle pas de choix conscients à faire ou de dialogues à choisir mais d'une réelle évaluation de votre comportement de joueur. Système original et même, à mon sens, inédit, qui résume bien la ligne de conduite de la Silent Team, la brillante équipe de développement: un jeu vidéo est avant tout une oeuvre d'art; il ne peut être terminé que si vous vous l'appropriez.
Amrit
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Jouer autrement, L'amour du scénario, Mon voyage dans la brume, Les meilleurs scénarios de jeux vidéo et 30 Days Video Games Challenge

Créée

le 4 avr. 2012

Critique lue 2.8K fois

39 j'aime

8 commentaires

Amrit

Écrit par

Critique lue 2.8K fois

39
8

D'autres avis sur Silent Hill 2

Silent Hill 2
GagReathle
10

In my restless dreams, I see that town... Silent Hill

Silent Hill 2 ou cette oeuvre à l'ambiance unique, cette ambiance qui nous transcende, ce malaise continu d'où ressort tant de beauté, tant de magie... Une cruelle beauté, une sublime marque malsaine...

le 20 juil. 2011

62 j'aime

5

Silent Hill 2
Ze_Big_Nowhere
10

Silent Spliff 2

Vous ai je déjà parlé de ce pote à moi ? Cet ami qui a permis à lui seul de tripler la production mondiale de cacahuètes. Cette cacahuète délicatement pilée, cette poudre d'arachide où vient se...

le 29 oct. 2014

40 j'aime

14

Silent Hill 2
Amrit
10

L'éternel retour d'Orphée

Le jeu commence par une longue descente aux Enfers. Pas de monstres à abattre. Nulle énigme à résoudre. Pas encore. Juste un long sentier dans la brume et la photo de votre femme décédée dans la...

le 4 avr. 2012

39 j'aime

8

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 9 août 2012

235 j'aime

78

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

99 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

95 j'aime

5