Pourquoi ?
Y a des choses que j'ai du mal à comprendre. Pourquoi Journey n'est pas rentré au MoMa ? Pourquoi thatgamecompany décide de sortir un jeu sur tablette ? Pourquoi les contrôles sont pouraves à m'en...
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le 30 juil. 2019
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Journey a été une de mes plus grandes expériences de jeux vidéos et son dénouement en forme de ballet aérien est resté gravé dans ma mémoire ; une séquence qui m'a marquée au fer rouge à tel point que je me souviens encore du pseudo invraisemblable (AngelParanoid, ça ne s'invente pas ^^) de mon compagnon d'infortune avant que ce dernier ne trace un cœur dans le sable, à quelques secondes de la fin du jeu. C'est à cette vision idyllique, cet instant de rapprochement entre deux joueurs par delà les mots et les gestes, que Sky fait directement écho dès sa scène d'introduction dont la similitude esthétique et métaphorique avec son prédécesseur est déjà troublante. Sky s'apparente ainsi très vite comme une proposition créative calquée sur la formule de Journey mais avec la promesse de multiplier par dix son ampleur, avec la présence de nombreux joueurs sur ses territoires aériens (et non un seul autre être apeuré dans ces vastes territoires) et la mise en place, donc, de contrées célestes à parcourir ensemble en se tenant la main dans une entraide maladroite. La proposition semble cohérente avec l’œuvre précédente du studio mais comme chacun sait, le mieux est parfois l'ennemi du bien et Sky s'appréhende quasiment d'entrée de jeu avec une certaine réticence : après le succès fulgurant (et mérité) de Journey, thatgamecompany a pourtant choisi de revenir par la petite porte, celle du jeu mobile, avant de connaître une sortie extrêmement tardive sur consoles et PC. C'est là tout le paradoxe de ce projet : la suite de Journey a été un non-évènement au sein de l'actualité, à une époque où le directeur artistique Matt Nava était déjà parti fonder son propre studio et ses propres œuvres contemplatives, pouvant laisser craindre une dissension au sein de l'équipe originelle. Des craintes que confirment, hélas, assez vite ce Sky / Journey Nouvelle Génération.
Ne lâche pas ma main
Évacuons néanmoins d'entrée de jeu le positif, qui va expliquer pourquoi je reste sur une note relativement élevée malgré la myriade de défauts que je vais énoncer par la suite : à l'image de son prédécesseur, Sky parvient à véhiculer deux valeurs extrêmement rares au sein du médium interactif : un vrai sentiment de relaxation qui invite au calme et à l'harmonie, et une solidarité persistante entre les joueurs tant la mécanique de jeu encourage la coopération et l'altruisme (pas forcément désintéressé, au demeurant). La direction artistique possède des fulgurances certaines qui nous renvoient au sentiment d'impuissance de Journey en vagabondant dans des ruines qui recèlent quelques fragments d'une civilisation révolue; un voyage éreintant à accomplir seul mais d'une fluidité salvatrice dès qu'un compagnon d'infortune vient nous tendre littéralement la main pour nous apporter son assistance. De ce point de vue là, Sky ne démérite pas par rapport à son grand frère et justifie clairement de tenter l'expérience malgré les nombreux écueils qui entravent son immersion; la proposition de Journey demeure malheureusement unique, dix ans après sa sortie, et hormis l'entraide indirecte proposée par un Death Stranding, il est difficile de songer à une autre approche du multijoueur qui se joue ainsi des frontières pour mieux réunir les cœurs.
De belles intentions donc, malheureusement noyées dans un florilège de défauts où la comparaison avec Journey est quasiment systématique et très souvent en défaveur de ce Sky :
-En premier lieu, la composition des zones aériennes suscite souvent une certaine frustration par leur aspect cloisonné; les nuages forment ici une barrière évidente qui nous empêche de nous aventurer plus loin dans des lieux qui évoquent davantage les ilots célestes de Skyward Sword que le ciel interconnecté de Tears of the Kingdom. Une vraie occasion pour ce Sky de développer sa propre singularité par rapport au périple terrestre de Journey; simple choix de design pour ne pas rebuter les nouveaux venus (le jeu reste en soit accessible au grand public sans que ce soit là un élément péjoratif) ou plus vraisemblablement, contrainte technique pour faire tenir le jeu à l'origine sur les téléphones? Nul ne le sait pour le moment mais le ressenti s'avère souvent décevant manette en mains, d'autant que le jeu favorise grandement l'exploration avec de nombreux secrets disséminés dans les niveaux, davantage d'ailleurs que des énigmes collectives.
-C'est là un défaut où on commence déjà à rentrer un peu plus dans le cœur du sujet mais le multijoueur véhicule malgré tout une impression contrastée par rapport à la pureté de son prédécesseur. Le nombre de joueurs est clairement assez important, même encore aujourd'hui, mais malgré tout c'est pourtant toujours la figure du duo qui prédomine dans cette alliance collective. Les autres protagonistes / joueurs donnent davantage l'impression de vivre leur aventure solo dans un cadre multijoueur, à la manière de nombreux MMO récents comme The Old Republic, et de nombreux groupes s'avèrent d'ailleurs hermétiques à une demande de rejoindre leur équipe, se contentant parfois même de narguer les nouveaux venus ou de faire les malins avec leurs capacités aériennes décuplées. Bien sûr, on pourrait tout simplement cibler la toxicité grandissante d'Internet qui s'est malheureusement multipliée en dix ans mais je pense que cette barrière résulte également de la structure même du jeu et des nombreux éléments qui parasitent son immersion. Autrement dit, Sky reste un jeu mobile avant tout, avec tous les mécanismes nauséabonds que cela implique.
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Difficile en effet d'oblitérer l'éléphant au milieu de la pièce (mais je m'y suis quand même efforcé au début de cette critique) à savoir que la proposition artistique de Journey (n'ayons pas peur des mots) est trop souvent gangrénée par des artifices de jeu mobile qui renvoient constamment à une formule primaire du jeu vidéo, en contrastant complètement avec la démarche épurée de son grand frère qui se voulait au contraire dépossédé de toutes ses interfaces rebutantes pour des nouveaux joueurs.
-Le jeu reste, malgré toutes ses qualités, un prétexte géant pour inciter à la consommation, avec en premier lieu la présence de nombreuses animations que les joueurs peuvent disséminer par la suite dans l'environnement, de telle sorte que le voyageur non averti va tout simplement tomber sur un enregistrement où un inconnu fait le pitre, même quand l'environnement voudrait traduire une certaine mélancolie ou une sensation de danger imminent. L'immersion en prend un coup tout simplement.
-Mais évidemment, depuis l'aube des temps, les codes vestimentaires restent encore le meilleur moyen de soutirer de l'argent aux clients influençables et Sky fourmille en ce sens d'innombrables tenues pour personnaliser notre aventurier et plus vraisemblablement se la péter devant les gros noobs qui viennent de débarquer. Oui, l'immersion en prend un coup à nouveau mais le pire est encore à venir.
-Sky se veut un jeu basé sur l'entraide et l'amitié et vous pouvez en ce sens développer vos relations avec les esprits que vous avez secourus mais surtout les joueurs qui partagent vos péripéties, l'espace d'un instant. Le problème étant que ses options d'amitié sont verrouillées par l'usage de bougies, certes relativement abondantes durant l'exploration...Mais qu'il est possible d'acheter moyennement finances. Vous sentez le paradoxe? Un jeu qui prône la compréhension instinctive entre les joueurs, sans l'usage de la parole, mais qui dresse soudainement une barrière purement pécuniaire entre ses inconnus? Il n'y a que moi que ça dérange?
De toute façon, il n'y a pas à aller bien loin pour se rendre compte du problème : la page d'accueil de Sky sur le PS Store nous propose également de télécharger la tenue emblématique de Journey, moyennement finances bien entendu, au prix modique de...Trente euros...TRENTE EUROS!!! Pour une simple Skin!!!
Et à cet instant, j'ai compris ce que les gens doivent ressentir en voyant leur licence fétiche se travestir dans Fortnite...
L'Attaque des Clones
Dès lors, il devient beaucoup plus difficilement acceptable de fermer les yeux sur une autre tare évidente de ce Sky mais dont on préfère initialement détourner le regard pour se convaincre que les développeurs ne se sont pas égarés de la sorte. Et pourtant si...Sky n'est qu'un clone pur et simple de Journey dont la similitude ne fait que s'accroître jusqu'à un dénouement quasiment décuplé à l'identique : les grosses bestioles aériennes qui nous aident à voler, les glissades sur du sable, l'architecture vaguement inspirée des monastères tibétains, les grosses bestioles qui nous font perdre notre écharpe, pardon nos ailes, les figures intimidantes qui nous transmettent un savoir passé; absolument tout nous fait songer à une version cahoteuse de son prédécesseur, une version qui serait dénuée de sa fluidité exemplaire et de son immédiateté savoureuse en raison de tous les écueils que j'ai déjà énuméré. Car le jeu galère également à mettre en scène ces péripéties avec la présence des nombreux joueurs qui parasitent parfois l'immersion avec leurs pitreries à l'écran : à chaque instant, le jeu hurle que son concept magnifique ne pouvait de toute être sublimé dans le cadre restreint d'une interface mobile. Hormis, si l'aspect financier prévalait davantage qu'un désir créatif...
Dans cette logique d'inciter à une expérience infinie, propre au jeu mobile qui désavoue toute la progression classique d'un jeu vidéo (et d'une bonne aventure avec un début, un milieu et une fin), le jeu pousse ainsi la thématique de la réincarnation dans un certain extrémisme déroutant. Votre ascension aboutira ainsi à votre reconnaissance avec tous les esprits déjà récoltés mais non les précieuses ailes durement acquises; une manière, j'imagine, d'inciter à la redécouverte du jeu mais qui a été une sacrée douche froide, me concernant, alors que je me faisais une joie de reparcourir les niveaux avec mes capacités aériennes décuplées. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase de mes griefs envers le jeu.
Bref, vous l'aurez compris : je suis passé par tous les états émotionnels avec ce jeu et malheureusement pas que les sentiments positifs dont Sky parvient parfois à éveiller une réminiscence de son illustre prédécesseur. Difficile malgré tout de ne pas considérer que Jenova Chen et son équipe se sont tout simplement dévoyés et que leur dernière création souffre même de la comparaison avec Abzu, odyssée aquatique et solitaire (?) bien plus fidèle en un sens aux thématiques de Journey; que même les compositions musicales peinent à singer la magnificence des créations d'Austin Wintory : il y en a en moi un côté Fanboy de l'original qui me rend autant désireux de l'acclamer parce que je retrouve quelques émotions semblables à mes souvenirs apaisés qu'enclin à conspuer cette nouvelle création qui pervertit en un sens l'héritage de son prédécesseur, car le terme d’œuvre ici semble clairement galvaudé.
S'il me fallait néanmoins apporter une nuance à ce tableau mitigé, je dirais que Sky est néanmoins la preuve évidente qu'il est difficile de renouer avec le succès et que la tentation est grande de rester sur ses acquis en se complaisant dans la stagnation créative.
Mais le critique plus bourrin qui sommeille en moi aurait tout simplement tendance à dire que les jeux mobiles et les jeux à service sont décidément le fléau du jeu vidéo, comme la dernière décennie s'est d'ailleurs largement chargée de nous le démontrer.
Et Sky n'apporte malheureusement qu'une pierre supplémentaire à cet édifice peu glorieux.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes jeux de 2024 (Liste commentée)
Créée
le 18 oct. 2024
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