En bon TRPG, Solasta se fonde avant tout sur son système de combat, préférant les aventures pleines de joutes aux quêtes foisonnantes. S'il fait l'effort du minimum syndical pour ce qui est de la narration, avec des cinématiques et un doublage complet (assez inégal), le scénario ressemble un peu à tout et l'écriture penche gentiment du côté de la série B. Oubliez aussi tout espoir d'influencer le cours de l'histoire. Le choix d'affiliation et le caractère de vos personnages ne changeront que leurs répliques, et vos propres décisions pourront, au mieux, vous éviter un combat grâce à un skill check. Après c'est loin d'être imbitable, déjà parce que le jeu jeu sait ce qu'il est et ne nous perd pas dans des dialogues interminables, nous donnant ce qu'il faut de contexte et d'enjeux, et aussi parce que l'intrigue peu trouver son petit charme, entre moments de bravoure et punchlines un brin nanardesques (les doublages font beaucoup). Mais clairement, on est pas ici pour les quêtes à dialogues et les enquêtes approfondies, on est là pour la baston.
Et côté bagarre, Solasta se situe en haut du panier, aux côtés des Original Sin. Comme ces derniers, le jeu de Tactical adventures préfère penser chaque affrontement plutôt que de nous noyer sous des combats peu réfléchis plutôt réglés par les stats que votre sens tactique (c'est l'impression que j'ai pour pas mal de CRPG, après peut être que j'y joue pas bien). Tout droit sorti de l'édition 5.1 de DnD (j'y connais rien), le système de combat peu paraître classique mais est d'une richesse exemplaire, où les différents sorts, classes et systèmes (y a beaucoup de mécaniques sympas à prendre en compte, mais je vais pas détailler ça ici) vous permettent d'élaborer les tactiques de vos rêves (y a de belles occasions de bidouiller) dans des arènes et face à une opposition qui prennent le soin de constamment se renouveler, vous poussant à vous adapter. Mieux encore, on peut pousser les ennemis dans le vide, ce qui, comme chacun sait, est la meilleure mécanique du monde. Si le tout fonctionne très bien, j'ai du mal à m'empêcher de pas regretter le classicisme des sorts, causés par la fidélité rigoureuse du titre aux règles du jeu de rôle papier. Ici, pas question de changer un gus en poulet ou de lier les dégâts de deux personnages, vous aurez l'assortiment habituel des jeux du style. Pas question non plus de foutre le feu à une flaque d'huile ou d'électrifier l'eau clapotant entre les chevilles d'un ennemi. L'interactivité offerte par les arènes reste quand même tout à fait respectable, et le système de lumière et d'obscurité, importante à prendre en compte dans certains combats, apporte une dimension tactique intéressante et originale.
Le jeu dispose d'ailleurs d'une difficulté complètement modulable. Pour moi, le mode difficile (ferrailleur) était celui qui gardait le meilleur équilibre, me poussant à élaborer une stratégie sans me faire rouler dessus. J'ai un peu bavé des ronds de chapeaux lors de la bataille finale, mais j'aurais peut être pas du oublier d'intégrer un healer dans ma fine équipe (d'ailleurs le jeu est très généreux en lieux de repos, donc ça m'a jamais vraiment posé problème).
Si les affrontements prendront la majeure partie de votre temps durant l'aventure (de 35 heures tout de même), vous aurez aussi droit à de l'exploration plutôt sympathique, exploitant plutôt bien les capacités de vos personnages, et à des énigmes à deux neurones. Le temps pour vous d'admirer des décors plutôt biens fichus. Les modèles de persos cassent pas trois pattes à un canard, mais le jeu est souvent joli. Les musiques sont elles aussi réussies, en restant, à l'image du reste de la direction artistique, assez convenue.
Enfin, côté contenu, en plus de la re-jouabilité offerte par les différentes classes, un éditeur de donjons permet aux level designers en herbe de s'adonner au plaisir de la création, et aux autres d'en profiter. Un peu dommage, par contre, que l'éditeur ne puisse nous permettre de créer des dialogues (pour le moment en tout cas), ça aurait pu être l'occasion de compenser la rigidité de la campagne via le contenu de la communauté.
Solasta: crown of the Magister est donc un très bon jeu de tactique tour par tour, généreux en contenu sans jamais devenir répétitif grâce un riche système de jeu très bien exploité. Si le côté narratif est un peu en retrait, cela n’entame en rien l'expérience, si vous savez dans quoi vous mettez les pieds.