Soma a failli me laisser sur le côté tant la première demi-heure de jeu annonçait tout ce qui m'insupporte dans les productions horrifiques actuelles. (Vous savez, celles labelisés PewDiePie, où vous vous baladez dans des labyrinthes vides, ponctués de jumpscares débiles soutenu par une absence de scénario...)
Mais une autre demi-heure plus tard, tu rencontres enfin une personne qui peut t'aider à comprendre what the hell is going on, et là boum, le jeu devient génial.
Situons le point de départ sans rien révéler : nous commençons l'aventure dans la peau d'un mec qui accepte de servir de sujet test auprès d'un neurologue pour soigner les séquelles d'un accident grave. Après le scanner, il se réveille sur un siège comparable mais dans un édifice futuriste saccagé, où les seuls âmes errantes sont des monstres ou des agonisants reliés à un organisme visqueux.
La suite de l'aventure prend l'allure d'un train fantôme plongeant au coeur d'un enfer toujours plus profond et dérangé, où l'on alterne avec un dosage de chef étoilé les phases d'espoir, de relative sécurité et les purs passages de tension qui donnent envie de s'ouvrir les veines caché derrière un meuble plutôt que de slalomer entre les abominations de cette univers.
Il y a enfin dans ce jeu cette peur, la vraie, celle que je n'avais pas ressenti depuis Silent Hill 2. Celle qui se répand progressivement dans votre corps, paralyse vos muscles, vous fait suer et promettre de faire un break d'un jour après avoir accompli tel tache. Et presque aucun jumpscare, la grande classe.
Soma va même jusqu'à rendre parano grâce à son level design joyeusement vicieux. C'est à dire que tout au long du chemin vous allez trouver des objets divers et des endroits pouvant servir de cachette si vous croisez un monstre, même s'ils n'y en a pas...
Jouer à Soma c'est réveiller ces instincts de chasseur ou plutôt de proie.
Désolé les malins mais il vous sera littéralement impossible de jouer sans un casque audio ou un bon système 5.1 car seul le son pourra vous indiquer la position des monstres. Pourquoi ? Car l'idée phare du gameplay est qu'à chaque fois que vous osez croiser le "regard" d'un monstre, il sait où vous êtes et fonce vers vous.
Ainsi, je ne compte plus toutes les fois où j'ai prié dans le coin d'une pièce pendant qu'un monstre s'approchait à pas lourd, que l'écran se brouillait et que le magnifique sound design m'incitait à chier sur place.
Malgré ce travail d'orfèvre dans la gestion de l'horreur, là où Soma brille, c'est par son background SF horrifique qui est l'un des meilleurs jamais imaginé, toute catégorie confondue.
Il est dérangeant car crédible ; tout semble logique et étonnement rationnel dans cet univers. Les lieux et les cadavres qu'on croise laissent une trace de leurs vies, permettant ainsi de recoller les morceaux du contexte.
Même le personnage qu'on incarne a des réactions réalistes, dans le sens où il ne surréagit pas aux évènements pour participer à l'ambiance, il réagit comme nous réagirions si on débarquait dans cet univers, ce qui devient rare dans l'horreur.
Et comme si l'excellente ballade de fiction ne suffisait pas, on est confronté plusieurs fois au fil du parcours à des situations inédites soulevant des questions de conscience.
Bref, on frôle le sans faute même si la fin gâche un peu l'ambiguité qui nous avait tenu en haleine jusque là.
A la sortie de Alien Isolation, les développeurs de Soma avaient commenté les premières vidéos de gameplay, disant que leur jeu allait offrir quelque chose de pire que la mort elle-même. Cette déclaration paraissait légèrement prétentieuse à l'époque, mais je dois admettre qu'ils ne mentaient pas.
S'il y a bien une idée sombre que laissera Soma en vous-mêmes, c'est qu'il y a bien pire que la mort.