L'aura unique
Dès l'arrivé des premiers trailers, Sonic Frontiers faisaient déjà beaucoup parlé de lui. Cela a été accentué par le reveal du gameplay qui a suscité une hué par les fans, demandant même de reporter...
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le 19 nov. 2022
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J'ai beau adorer Sonic, Forces avait pas mal douché mon enthousiasme pour le petit érinacéidé. Trop court, trop simple, trop bête, le jeu s'apparentait à une béta sortie à la va-vite après l'échec de la série Boom pour tenter (sans succès) de conserver l'attention de l'audience.
Quatre ans plus tard est annoncé Frontiers, et pour être honnête je n'ai quasiment rien suivi de la communication. Je n'ai regardé que les deux premiers trailers qui me semblaient encourageants, puis la démo distribuée aux journalistes en juin qui a littéralement tué tout mon enthousiasme. On y voyait de nombreux passages automatisés, le retour des exécrables phases en 2D qui pourrissent la série depuis Unleashed, un moteur physique aussi peu réaliste que celui de Sonic 06 et un pop-in absolument abject pour un open-world. Bref, j'ai arrêté de suivre ce désastre annoncé et j'ai consacré toute mon attention à critiquer Pokémon Ecarlate et Violet sur des forums. Un naufrage à la fois, c'est suffisant.
Et puis à la sortie du jeu, surprise, les avis sont divisés mais la fanbase semble l'apprécier, c'est suffisamment rare pour être souligné. J'ai attendu d'avoir quelques retours sur la version Switch avant de me laisser convaincre, à l'occasion du Black Friday (ils sont malins chez SEGA à sortir leur jeu ce mois-là). Et puis j'avoue, la bande-son a joué un rôle dans l'achat aussi.
Dans Sonic Frontiers, on incarne donc le hérisson le plus bleu du monde qui s'est retrouvé piégé sur d'étranges îles où l'espace-temps semble être corrompu, tandis que ses amis Tails, Amy, Knuckles et Jean-Luc Mélenchon sont piégés sous la forme d'hologrammes. L'intro du jeu présente un crash en avion qui n'est pas sans rappeler le début de Sonic Rush Adventure, ce qui m'a fait commencer l'aventure de bonne humeur mais qui semble aussi ne pas avoir été mis là par hasard. En effet, le jeu regorge de références et de clins d'oeil aux précédentes aventures du hérisson, c'est rarement subtil (beaucoup d'événements et personnages mentionnés gratuitement lors de dialogues) mais c'est un très gros changement pour cette série qui a complètement négligé son lore depuis 2006.
L'histoire est d'ailleurs plutôt sympa, même si très imparfaite (Sonic se fait corrompre à un moment et est immédiatement sauvé, la relation entre Eggman et Sage évolue trop rapidement…) et les personnages secondaires gagnent un peu de profondeur, chose qui n'est plus arrivée dans cette série depuis des années. On apprend même l'origine des Chaos Emeralds, parce que pourquoi pas (origine faiblarde à mon goût, on fait avec).
Bref, si on est loin de la qualité d'écriture d'un Adventure 1 ou 2, Battle ou Black Knight, on a tout de même un scénario qui se laisse suivre et qui parvient à trouver le juste équilibre entre la mise au premier plan de Sonic et un certain travail de fond sur les personnages secondaires et le world-building. Bien vu !
Au niveau du gameplay, comme le laissait présager les previews, il y a eu très peu d'efforts faits sur la physique de Sonic (plus ou moins similaire à celle de Forces, la notion de momentum est une énième fois aux abonnés absents), ce qui rend beaucoup de phases de plate-forme assez hasardeuses. Même les phases automatisées sont assez étranges, certaines ne demandant aucun input de la part du joueur tandis que d'autres nécessitent que l'on maintienne le stick directionnel enfoncé, le tout sans raison apparente. C'est certes assez courant dans les Sonic depuis le passage à la 3D, mais ce serait bien d'un jour résoudre ce problème vieux de 25 ans (qui semble d'ailleurs s'empirer avec le temps) et de coder tous les accélérateurs et trampolines du jeu de la même manière.
Cela dit, le jeu prend en compte la rigidité du héros dans son level-design, ce qui rend son maniement moins catastrophique que prévu. Les "open-zones" sont très larges et offrent une bonne marge de manoeuvre pour rattraper une erreur, et les niveaux du cyber-espace sont trop simples pour qu'on ait vraiment l'occasion de pester.
Les niveaux du cyber-espace sont par ailleurs le point noir du jeu à mon sens. Ils font office de niveau "à l'ancienne" dans cet open-world, mais ce terme est à prendre au pied de la lettre : non seulement les environnements sont majoritairement recyclés de Sonic Generations (après Forces on est habitués, vous me direz) mais même leurs layouts sont directement repris d'autres jeux. Ainsi, pour peu que vous soyez habitués de la série et malgré le nouveau coup de peinture, vous allez tout de suite reconnaître des niveaux repris au polygone près d'Adventure 2 (Radical Highway, Sky Rail…), Unleashed (Windmill Isle…), Generations (Sky Sanctuary, Green Hill…) ou Forces (Lost Valley…). J'ai beaucoup de mal à identifier des niveaux qui ne soient pas du repompage, et quand bien même ils existeraient, ils sont clairement en infériorité numérique.
Vous me direz "T'exagères, sur 30 niveaux ils en ont bien créé quelques nouveaux.". Sauf que non en fait, ils ont repris de vieux niveaux en les scindant. Par exemple, il y a un niveau qui reprend la première moitié de Green Hill de Generations (avant la course-poursuite avec le poisson géant) et plus tard on trouve un autre niveau qui en reprend la seconde moitié. Donc même s'il n'y avait "que" 12 niveaux repris (j'ai pas compté), avec ce procédé on arrive vite pas loin de la trentaine.
Et du coup, ça entraîne un second problème avec les niveaux du cyber-espace : ils sont très courts. A peut-être deux exceptions près, tous se bouclent en 2 minutes ou moins. C'était déjà un gros problème dans Forces et ils n'ont pas du tout fait d'effort pour le corriger, d'autant que les deux jeux ont grosso modo le même nombre de niveaux.
Alors on les refait une ou deux fois, histoire de réussir tous les défis du niveau (ramasser les Rings Rouges, finir avec un certain chrono…) mais dans la plupart des cas, ça triple à peine le temps qu'on y passe. Seule une poignée de défis sont vraiment retors, comme le fameux chrono du niveau 1-2 (oui, le deuxième niveau du jeu est plus dur à compléter que 90% des autres, paye ta logique).
Du coup, les niveaux cyber-espace, on oublie. Et ça tombe bien, la principale attraction de ce Sonic Frontiers c'est l'overworld, ces fameuses "open-zones", terme que SEGA semble très content d'avoir trouvé.
Et là, je n'ai qu'un mot : c'est FUN. Mot rare dans la bouche d'un fan de Sonic.
Si le concept pourrait être mieux soigné, au niveau de la physique du personnage en particulier, ça reste incroyablement plaisant à parcourir. Il n'y a rien de plus grisant que d'arpenter ces gigantesques plaines à toute vitesse (enfin, si vous trouvez 400 Rings, la vitesse de base de Sonic étant assez moyenne) et d'être distrait par tout un tas d'éléments posés ici et là pour vous attirer. Un panneau rouge ? Une énigme vous attend, et à la clé vous débloquerez une zone de votre carte. Une structure atypique ? Escaladez-la et vous trouverez un petit parcours pas compliqué qui vous donnera une petite récompense. Un ennemi vénèr ? Dégommez-lui la gueule et chopez un peu d'XP pour votre arbre de compétence. Il y a toujours un petit truc à faire dans ce monde, ça ne prend jamais longtemps d'atteindre un point et d'y effectuer les tâches. On chope notre petite dose d'endorphine complémentée par la mise en scène et on repart ailleurs, à vitesse supersonique. La boucle de gameplay est assez solide, d'autant que toutes les récompenses sont intéressantes.
Ces fous ont même ramené la pêche comme mécanique de jeu, comme dans Sonic Adventure. Sauf que cette fois-ci c'est bien. Globalement, c'est un QTE pas très difficile mais qui a le mérite d'aller vite, on remplit une encyclopédie de poissons au passage et on débloque des monologues d'Eggman qui rajoutent une bonne grosse couche de fan-service. Bref, c'est simple mais efficace.
Dommage que ce ne soit accessible qu'en franchissant un portail présent sur chaque île, j'aurais préféré qu'on puisse pêcher dans tous les points d'eau, ça aurait économisé un écran de chargement.
Je voudrais tout de même mettre un bémol sur le milieu du jeu qui représente un ventre mou en termes de gameplay. L'île 3 est infestée de défis en 2D qui désorientent et frustrent plus qu'autre chose (impossible de sortir de ces phases comme on veut, il faut impérativement les finir) et l'île 4 n'est globalement qu'une compilation de cinématiques. On est loin du soin apporté aux 3 autres îles du jeu, dommage.
Un autre point sur lequel le jeu a fait beaucoup d'efforts, c'est sur le système de combat. Depuis Sonic Heroes la Sonic Team galère à proposer un système satisfaisant : soit c'est trop simple (les armes dans Shadow the Hedgehog et Forces), soit c'est trop lent (le Werehog), soit c'est trop répétitif et buggé (Heroes), à tel point que personnellement j'en avais marre de leur volonté de transformer cette licence en beat'em up.
Ils ont pourtant réussi à trouver l'équilibre ici, en proposant de courts combos et des techniques originales, très efficaces dans leur mise en scène, qui garantissent un plaisir immédiat dès qu'elles sortent. Les combats ne s'éternisent que très peu et restent ainsi dynamiques et plaisants, c'est vraiment cool !
Tout n'est pas parfait, il a fallu relocaliser certaines techniques (la Homing Attack ne s'active plus en réappuyant sur le bouton de saut, le Light Speed Dash s'active avec une pression sur le stick) ce qui demande un petit temps de réadaptation, mais une fois maîtrisé tout va pour le mieux… Même si je n'aurais pas été contre une option pour réarranger les contrôles.
Surtout, s'il y a un point que je n'avais pas du tout vu venir, c'est que Sonic Frontiers offre une rédemption à un personnage inattendu : Super Sonic.
Super Sonic, ça a toujours été la troisième roue du scooter dans la série, mais je ne m'en étais jamais vraiment plaint à vrai dire. Je m'étais habitué à ce qu'il ne soit qu'un outil pour battre le boss final (Adventure, Advance…) ou un simple god mode pour Sonic (Sonic 2, Colours…), rarement les deux (Sonic 3 et Generations), au point ou même sa présence en DLC dans Forces n'a provoqué chez moi qu'une indignation polie.
Bref, Super Sonic je m'en fous. Ou du moins, je m'en foutais.
Parce que Sonic Frontiers l'utilise intelligemment, à chaque combat contre les titanesques boss, Sonic active son pouvoir et oh bordel, qu'est-ce que c'est bien !
La mise en scène est juste parfaite, c'est énorme de voir notre hérisson jaune voltiger autour de ces bestioles toutes droits sorties de Shadow of the Colossus, les musiques donnent juste envie de se mettre à poil et de courir dans la rue en les chantant, et le nouveau système de combo prend des dimensions épiques grâce au pouvoir des Chaos Emeralds.
Je vais même vous confier un secret : ces combats sont tellement cools que je n'ai même pas pesté contre les QTE qui les émaillent, je crois que c'est la première fois que ça m'arrive dans un jeu vidéo. Je ne saurais même pas dire pourquoi, mais ne croyez surtout pas que c'est parce que je vieillis et que mon esprit critique ramollit, hein !
Si Super Sonic revient dans de prochains jeux (et je n'en doute pas), ça ne va pas être facile d'être au niveau, je m'attends à ce que ce soit le pic de sa présence. Mais quel pic !
Je regrette toutefois qu'on ne puisse pas refaire ces combats autant de fois qu'on le veut, il faut forcément recommencer une partie ou relancer une sauvegarde juste avant le combat (ce que je n'ai pas pensé à faire), c'est frustrant, j'espère qu'une MàJ ajoutera un boss rush ou un truc du style. Surtout qu'une fois le jeu bouclé, on débloque un menu pour accéder librement à tous les niveaux du jeu, donc aucune raison d'en exclure les boss.
Je voudrais aussi mentionner le boss final qui est assez étrange. Déjà, on n'y accède qu'en finissant le jeu en mode Difficile (on peut changer de difficulté à tout moment, mais heureusement que j'avais lu ça au préalable) et ensuite il s'agit d'un boss qu'on affronte dans un shoot'em up faisant grandement penser à Ikaruga. Une variation de gameplay très inattendue et pas bienvenue du tout, je n'aime pas quand un jeu change soudainement de gameplay à la toute fin.
Vous me direz qu'il y a quelques phases Ikaruga tout au long du jeu, mais elles sont rares et courtes, rien à voir avec celle-ci.
Ah, et il y a aussi un mini-jeu de flipper étonnamment dur à la fin de la troisième île. J'aurais bien voulu que la Sonic Team soigne un peu la physique de son jeu et ne mette pas autant d'effort dans ces gameplays annexes.
Vu que j'ai parlé des musiques, comme d'habitude la série est au niveau, avec une bande-son plutôt électro qui n'est pas sans rappeler Forces (avec le temps j'avoue m'être assoupli, cette bande-son n'était pas si mauvaise, en-dehors des niveaux de Classic Sonic). Les niveaux du cyber-espace sont très bien rythmés, à défaut d'être inoubliables (mais quand même, les thèmes des niveaux 4-2 et 4-9 sont super), les musiques de Super Sonic lorgnent sur le metal et sont toutes efficaces (mais on en voulait plus !) et les musiques de l'overworld sont plus discrètes mais font le taff. Elles rappellent Breath of the Wild, ce qui n'est jamais une mauvaise comparaison, même si c'est le pire Zelda au niveau des musiques hein voilà, faut l'savoir.
Dernier point, et non des moindres, la technique. Je joue sur Switch, qui est reconnue comme étant la pire version du jeu, et malheureusement il est difficile de passer à côté de ses limites.
Le pop-in dégueulasse ça c'est dans toutes les versions, par contre le framerate ignoble c'est bien une exclusivité Nintendo. On m'avait pourtant assuré qu'il était solide, mais dans les faits, si les 30fps font ce qu'ils peuvent pour rester stables, ça baisse souvent à 20 dès qu'il y a un peu d'action. Et graphiquement c'est vraiment pas beau, tout apparaît au dernier moment (y compris les Kokos, des collectibles assez importants), il y a des effets de flou dégueulasses dans certaines cinématiques, les textures sont moches… Le qualifier de jeu PS2 serait sûrement exagéré, mais on est à peine au niveau d'un jeu de lancement de la PS3.
Les temps de chargement sont aussi plus longs que dans les autres versions, et occasionnellement il y a quelques bugs de physique. Bref, c'est une version qui marche plus ou moins par miracle, on peut profiter du jeu décemment dessus, mais c'est de loin la pire option et je ne vous la recommande que si comme moi vous n'avez aucune autre console moderne et que votre PC est trop limité pour ce jeu.
Alors, que retenir de Sonic Frontiers ? J'ai un peu envie de réutiliser ce que j'avais écrit pour Légendes Pokémon Arceus : c'est un jeu encourageant après la grosse déception du précédent opus. Il prend des risques et si le résultat est imparfait, la nouvelle formule est prometteuse et on renoue avec le plaisir de la découverte qu'on avait pu ressentir (à bien plus petite échelle) dans Sonic Adventure quand on découvrait par hasard un upgrade ou un jardin de Chao en déambulant dans les environnements.
Il manque assez peu de choses pour améliorer le jeu : de nouveaux environnements pour les niveaux en cyber-espace au lieu de réutiliser des assets ad nauseam, accompagnés d'un nouveau level-design évidemment, une technique moins faillible et un moteur physique qui laisse plus de liberté au joueur. Laisser un peu plus de place à l'histoire, ça ne peut pas faire de mal quand on a pour ambition de raconter l'origine d'éléments importants.
Au vu de l'accueil critique et commercial favorable, on peut espérer que Frontiers soit une base sur laquelle le prochain jeu de la série s'appuiera, tout comme Unleashed en son temps. Et ça me rend heureux, c'est la première fois depuis l'échec de Boom que j'ai confiance en l'avenir de la franchise. Ne crions pas victoire trop vite, j'avais aussi cette sensation après le diptyque Generations/Lost World, mais j'ai envie d'être optimiste, pour une fois.
Bref, 7/10 parce que c'est trop faillible sur trop de points, mais coup de coeur parce que j'ai pris mon pied comme Tom Cruise avant de faire une cascade. Je n'exclus pas de refaire le jeu sur PC lorsque mon équipement le permettra, afin de le faire dans de meilleures conditions et de profiter des mods qui devraient pleuvoir dans les prochaines années.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs jeux Sonic, Les meilleurs jeux vidéo de 2022 et Les meilleurs jeux sur Nintendo Switch
Créée
le 25 nov. 2022
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