Suite directe du Bâton de la Vérité, ce qui caractérise avant tout South Park L'annale du Destin est son changement de thème : passant d'un univers de heroic-fantasy à l'univers des superhéros. L'histoire de ce nouvel épisode se déroule le lendemain de celle de son prédécesseur et, bien que je ferais en sorte d'en divulgâcher le moins possible dans cette critique, sachez qu'il possède son lot de rebondissements et autres twists loufoques.


Si changement d'univers il y a, il est à noter aussi que, bien que Trey Parker et Matt Stone soient heureusement toujours de la partie, qu'il y a aussi eu changement de développeur : la licence passant des mains d'Obsidian (Pillars of Eternity, Fallout New Vegas et plus récemment The Outer Worlds) à celles de Ubisoft San Francisco (Rocksmith). Je ne vais pas vous faire l'affront de vous révéler lequel de ces deux studios est celui que j'estime le plus, mais sachez cependant que la bascule de développeurs ne semble pas avoir contraint les franciscanais à modérer le propos ou à opérer une certaine censure. Ce serait plutôt le contraire même, cette suite poussant le côté satirique et grivois encore plus loin que le précédent. Pour le coup, là où Le Bâton de la Vérité donnait l'impression d'avoir à faire à un titre où le studio et les créateurs de la série se plaçaient au même niveau ; avec L'Annale du Destin, j'ai sensiblement plus l'impression que Matt Stone et Trey Parker ont pris les devants. Les nombreux à-côtés et autres petites surprises étant bien plus présentes dans l'œuvre dont il est question ici.


Pour en revenir aux deux studios, certains choix qu'ils ont opérés peuvent paraitre surprenants. En effet, là où Le Bâton de la Vérité, qui pourtant avait été conçu par des développeurs maîtres du RPG, se révélait linéaire et plutôt court, L'Annale du Destin se rapproche quant à lui bien plus des jeux de rôles traditionnels, en plus d'être pratiquement deux fois plus longs (du moins si on est du genre completionniste). En effet, ce dernier possède bien plus de quêtes secondaires et autres passages secrets que son prédécesseur, et surtout, nous ne sommes pas obligés de recommencer le jeu de zéro si on passe à côté d'un objet bien précis durant une mission. On se retrouve donc face à un titre qui fait « plus » : qui est plus long et qui possède plus de blagues… mais aussi face à un titre où l'humour se retrouve aussi plus dilué. En fait, d'une certaine manière on passe d'un gros épisode de 10-15 heures qui ne s'arrête jamais, à un épisode encore plus long, mais au rythme plus haché.


Concernant le gameplay, c'est globalement mieux que le précédent épisode. Premier bon point : la classe qui nous est attribuée en début de partie n'est pas fixe.

Petit aparté car c'est un truc que j'ai vraiment du mal à comprendre dans les RPG solos. Tu as plusieurs classes, la plupart des joueurs ne termineront le jeu qu'une seule fois, voir ne le termineront pas si on en croit la plupart des statistiques qui ressortent… et pourtant la première chose à faire que juge bon certains développeurs est de brider une partie du gameplay, une partie de l'expérience, à l'une des trois ou quatre classes présentes ; alors même que, je le rappelle, le joueur ne connaît sensément rien au gameplay. On se retrouve donc à devoir choisir une classe qui, en fonction du jeu et notre manière de jouer, va se révéler complètement inintéressante. Par exemple, pour en revenir au Bâton de la Vérité (qui faisait cette erreur-là si vous vous en souvenez), j'avais décidé de consulter les forums avant de choisir ma première classe et j'avais constaté que de nombreux joueurs se plaignait de celle du guerrier à cause de la lenteur qu'il apportait au combat (à priori c'est une sorte de tank bourré de points de vie mais qui ne fait pas énormément de dégâts). C'est donc après consultation des forums que je me décidai à prendre la classe voleur, à savoir celle pour laquelle remontait le plus d'avis positifs. C'est con, mais j'aurais très bien pu sélectionner le guerrier, pensant contrôler une sorte de berserker, pour finalement en ressortir grandement déçu : drôle de première expérience.

Bref, revenons-en à L'Annale du Destin.


Outre le fait de pouvoir changer de classe à tout moment et d'en débloquer de nouvelles au fur et à mesure de l'aventure, il est aussi possible de faire des combinaisons. En somme, on n'est pas obligé de se cantonner à jouer un pseudo-Flash ou un pseudo-Batman, et il est donc tout aussi bien possible de créer un superhéros crédible qu'un superhéros chelou dont les pouvoirs ne riment à rien. Autrement dit, si vous avez déjà rêvé d'incarner un mentaliste super musclé, fan de gadget et maitrisant les éléments, alors South Park L'Annale du Destin est fait pour vous (mais si vous avez déjà rêvé de ça vous êtes un peu bizarre quand même).

Heureusement, les développeurs nous orientent tout de même dans notre manière de jouer. En effet, si les différents costumes n'influent pas sur nos statistiques (ce qui est plutôt une bonne chose), les artefacts que nous débloqueront au cours de l'aventure auront quant à eux un effet sur nos attributs. Ainsi, sur les 8 emplacements à débloquer, il sera possible de caser 4 artefacts mineurs, 2 majeurs et 2 épiques. Si les artefacts mineurs et majeurs apportent des bonus de statistiques pour notre héros ainsi que des bonus d'équipe (comme des coups critiques plus puissants ou encore de la santé supplémentaire) tout en augmentant notre puissance globale, ça commence à devenir plus intéressant quand on s'intéresse aux artefacts épiques qui, en plus des traditionnels bonus qui viennent juste d'être évoqués, possèdent tous une spécificité unique qui peuvent grandement influer sur la partie (comme des malus infligés automatiquement aux ennemis qui attaquent le héros ou des bonus pour l'utilisation de certains objets).

Mais là où ça devient encore plus intéressant, c'est quand on s'intéresse aux brins d'ADN. Et c'est justement là où les développeurs nous orientent dans notre manière de jouer. L'intégralité des compétences du jeu sont réparties dans trois groupes différents : muscles, cervelle et cran. Là où les brins d'ADN bouleversent notre manière de jouer, c'est qu'ils peuvent appliquer un bonus ou un malus allant jusqu'à 50 % sur ces trois catégories. Ainsi, s'il est tout à fait possible de jouer en mixant les trois types de compétences, il est clairement recommandé, si on souhaite optimiser leur effet, de s'orienter vers une catégorie bien spécifique. Pour le coup, c'est un point que j'ai trouvé particulièrement intelligent tout simplement parque l'obtention de certains artefacts m'a clairement poussé à changer ma manière de jouer. Bah oui, parce que quand tu joues avec un ADN montant ton esprit à 30 % mais baissant ta santé de 20 % (oui, parce que les brins d'ADN modifient aussi les stats de santé), et que d'un coup, tu tombes sur un autre ADN montant à la fois le cran et la santé de 35 %, tu es de suite tenté d'orienter tes capacités dans ce sens.

En plus de ça, il y a toujours possibilités de crafter certains artefacts, certes d'une manière plutôt sommaire, mais cette option reste présente tout de même.


Cependant, le principal changement concernant le gameplay concerne avant tout l'apparition d'un échiquier et la possibilité de se mouvoir. En effet, ce nouvel épisode de la série, bien que se déroulant toujours au tour par tour, nous contraint à placer chacun de nos pions du mieux que l’on peut afin d'occasionner le plus de dégâts et d'en recevoir le moins possible en retour. Les différents personnages possédant une barre de vie et des compétences différentes, ils peuvent devenir tout aussi bien indispensables qu'inutiles en fonction de la situation. Aussi, chaque pion possède trois compétences (basées comme dit plus haut sur les muscles, le cran ou la cervelle), ainsi qu'une capacité ultime ne pouvant être déclenchée que lorsque la barre adéquate (commune à tous les membres de l’équipe) a atteint les 100 %. Malheureusement, il est à noter que seul le héros, Trouduc de son petit nom, peut les modifier. Ainsi, si la capacité d'un personnage spécifique ne vous plait pas, vous allez malheureusement devoir faire avec.

On se retrouve donc face à un jeu plus tactique, où les placements ont une importance cruciale, et où il est tout aussi bien possible de maltraiter ses adversaires à base de repoussements et autres pénalités (combustion, dégoût, rage…) que de subir le même sort de la part de l'ennemi.


Tomate, salade, oignon, sauce samouraï… Jusque-là, on pourrait croire que c'est pratiquement un sans-faute au niveau du gameplay. On pourrait le croire oui, car si celui-ci possède, sur le papier, de nombreuses bonnes idées, en combat, c'est d'une autre paire de manche dont il s'agit.

Le problème, c'est que le gameplay de L'Annale du Destin a beau évoluer, il a beau tenter de vouloir briser la routine qui s'installe au fil des heures (notamment en intégrant un chrono lors de certains passages, en nous demandant non pas de battre un ennemi mais de nous enfuir ou encore en changeant les règles en plein milieu du combat), on finit quand même par sérieusement s'emmerder ! Je sais, c'est dit de manière très crue, mais plus le temps passe et plus on se fait chier.

Pourquoi ? Parce que la répétitivité sapristi.

Je pourrais déjà évoquer le bestiaire, varié certes au niveau de l'apparence, mais beaucoup moins au niveau du panel d'actions. Je pourrais aussi évoquer les compagnons, certains faisans un peu « doublons » là où d'autres se révèlent clairement moins intéressants à jouer que d'autres.

Mais là où ça coince encore plus, c'est au niveau de la mollesse des combats ou des animations. Elles sont lentes, ce sont toujours les mêmes et finalement, après avoir regardé pour la cinquantième fois la même animation, on se dit que ça aurait été bien sympa de pouvoir les passer ou de les faire défiler en accélérées.

Le challenge non plus n'est pas tant présent que ça, la faute à un titre qui a dû mal à réellement nous mettre des bâtons dans les roues même en difficulté max, mais aussi la faute à une IA qui, très souvent, se contente de faire n'importe quoi au lieu de nous déglinguer la gueule.

Bref, si sur le papier le gameplay de L'Annale du Destin a tout pour fonctionner, une fois en jeu c'est beaucoup moins le cas. Pour le coup, je pense qu'un autre développeur (au hasard Obsidian) aurait pu produire un résultat bien plus satisfaisant en partant des mêmes bases.


Bien évidement, que serait une critique de South Park L'Annale du Destin sans l'évocation de la VF ? Je vais être très clair : c'est probablement l'un des pires doublage français que j'ai entendu de toute ma vie. Par cette affirmation quelque peu surprenante, il faut bien comprendre que ce n'est pas le pire doublage en tant que tel, des titres comme Binary Domain et Dynasty Warriors 3 ne pourront que vous le prouver, mais le pire quand on s'intéresse un minimum aux doubleurs qui sont derrières les personnages (que ce soit dans la série ou même dans le jeu), et le pire quand on observe avec un minimum de recul tout le processus opéré par Ubisoft pour faire de la merde.

Parce que le truc est quand même prodigieux :

  • Premièrement on nous prive de doubleurs compétents, traducteurs compris (je fais référence ici à William Coryn) ;
  • Heureusement, on remplace les doubleurs officiels, non pas par des doubleurs de secondes zones, mais par d'autres capables de produire un excellent travail, notamment Emmanuel Karsen (Sean Penn et de John Leguizamo) ;
  • Mais malgré tout, on leur fait quand même faire de la merde à base d'imitations foireuses de Cartman ou d'autres personnages de la série.

C'est prodigieux ! C'est un peu comme si vous aviez du chocolat d'excellente qualité et du chocolat de très bonne qualité, que vous mixiez les deux tablettes, tout ça pour avoir littéralement de la merde comme résultat ! C'est un exploit qui, pour parfaire la métaphore culinaire, ne serait être supplanté même par le pire gastronome anglais qui soit.

Heureusement, il est possible de repasser sur le doublage original à n'importe quel moment. Du coup, la VF fait presque office de « challenge », pour le coup je pense que vous pouvez faire un jeu à boire avec des potes où celui qui tient le moins de temps devant doit payer sa tournée. Personnellement, et je dis ça de manière très sérieuse, je serais plus tenté d’inclure la VF de South Park L'Annale du Destin dans ma liste des meilleurs jeux d'horreur sur SensCritique. Sans déconner, je tiens bien plus longtemps sur la majorité des jeux d'horreur que devant ce jeu en VF.

Pour rester sur la partie audio, les musiques restent sympas et suivent toujours une logique « parodique ». Cependant, celles-ci se révèlent globalement moins marquantes que celles du Bâton de la Vérité. En tous cas, aucune n'est au niveau de Sanctus Saint !.


Concernant la partie technique, heureusement rien de trop grave à déplorer (heureusement me direz-vous) si ce n'est deux petites choses. Premièrement, un bogue d'écran noir qui survient une fois sur trois quand on lance le jeu et qui oblige à faire alt+f4 (le temps que le jeu se relance ce n'est qu'une minute de perdu, c'est loin d'être la mort quoi). Enfin, même si ce n'est pas vraiment un bogue, concernant le succès L'Expérience Token, qui demande à finir le jeu en difficulté Génie, South Park L'Annale du Destin fait partit de ces jeux d'un autre temps qui exigent de la part du joueur de vraiment terminer le jeu en mode difficile afin de débloquer le succès adéquat, et non pas dans les modes de difficulté plus élevés. Bref, rien de trop grave concernant la partie technique, et encore une fois, heureusement que c'est le cas, ce n'est pas comme si l'animation de South Park exigeait une RTX 3070.


En somme, bien que loin d'être un mauvais jeu, South Park L'Annale du Destin n'est globalement pas à la hauteur de son prédécesseur. Il a beau avoir quelques qualités que Le Bâton de la Vérité n'a pas et le surpasser sur certains points, il se révèle moins marquant que ce dernier. L’Annale du Destin est un jeu plus long, un jeu qui veut constamment faire plus… à tel point qu'on est en droit de se demander si le cahier des charges d'Ubisoft n'y est pas (un peu trop) pour quelque chose. Un jeu qui saura peut-être mieux ravir les adeptes de contenu, pour qui plus il y en a mieux c'est, mais qui décevra probablement les joueurs qui auraient préféré retrouver avant tout le côté acerbe propre à la série. Mauvais ? Non. Décevant ? Oui.

MacCAM

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