Il faut comprendre l'appréhension qui suivie l'annonce de Star Wars Jedi: Fallen Order : de belles images, de belles paroles, mais probablement de beaux mensonges. Et le mensonge, n'est-ce pas l'un des péchés menant au côté obscur ?


En 2019, le moral de la communauté Star Wars est au plus bas, et quoi de plus logique ? EA réussit deux ans plus tôt l'exploit de gâcher le travail titanesque réalisé par Dice sur le second Battlefront en polluant son gameplay de microtransactions et les scandales et les indignations - légitimes pour les deux - ne cessent d'attaquer le studio éditeur. Avant, l'horizon était-il moins sombre ? Excepté quelques jeux annulés ou publiés sur Android, des franchises LEGO, et des rééditions... Rien de véritablement nouveau depuis Le Pouvoir de la Force, sorti en 2010. Neuf années à attendre, et la galaxie n'a jamais semblé aussi lointaine, très lointaine...


Jedi: Fallen Order nous apparaît donc comme une énième tentative de nourrir les actionnaires en jouant sur l'hype des Souls-like et l'espoir des fans de Star Wars. Les premiers testeurs et la presse paraissent positifs, mais le doute persiste : serait-ce le tombeau, déjà ouvert par Disney, qui enterrerait définitivement la beauté de Coruscant ou la chaleur de Tatoine ?


Fallen Order se situe à un croisement dangereux : c'est peut-être la dernière tentative réalisable de redorer l'image de son éditeur. L'enjeu d'EA va donc être de convaincre un public assez large pour regagner en confiance et en crédibilité, sans oublier les fans qui attendront armés jusqu'aux dents cette nouveauté. Respawn Entertainment est choisi pour le développement, studio ayant fait ses preuves avec les Titanfall et le Battle Royal Apex Legends : des jeux dont le succès - pour les deux premiers - n'a certes pas retenti aux quatre coins de la galaxie, mais dont l'immersion, le gameplay et le perfectionnisme ont plus d'une fois été salués par la critique ainsi que par les joueurs. Un studio stable, donc, conscient de ses forces et de ses faiblesses. Il va falloir que le gameplay attire de nombreux joueurs : quoi de mieux qu'un Souls-like ?


Le pari est lancé, et le pari est tenu : Jedi: Fallen Order se hisse confortablement à la table des jeux appréciés, aux côtés d'un Days Gone ou d'un Far Cry : New Dawn. Loin d'être mémorable, les critiques sont plutôt unanimes pour affirmer qu'il s'agit d'un bon jeu bien que certaines soient parfois trop généreuse : n'oublions pas qu'être le premier bon jeu devant de nombreux ratés ne nous rend pas pour autant excellent.


L'histoire se déroule après la Purge, entre le troisième et le quatrième opus de la Trilogie Originelle. Ici, pas de prise de risque : la période est connue du public, abreuvé depuis dix ans de Clone Wars, de Rebels et de comics. Cal Kestis, jeune Padawan caché sur la planète décharge Bracca, doit s'enfuir après avoir été démasqué par le terrible Inquisitorius de l'Empire et, recueilli par l'ancienne Jedi Cere, cherche à obtenir un Holocron indiquant la liste des enfants sensibles à la Force dans la galaxie. Comment un Holocron vieux de plusieurs millénaires peut-il présenter cette liste ? Pourquoi les Zeppho - race aujourd'hui éteinte à l'origine de cet artefact - a-t-il considéré qu'il était judicieux de créer cet objet puis de le cacher juste assez pour être retrouvé ? On ne sait pas et le jeu s'en moque : il pose l'histoire, à vous de vous adapter.


Mais ces interrogations se cachent derrière une mise en scène qui réussit à être spectaculaire. L'introduction est excellente et son originalité contrebalance avec la banalité de son récit. C'est beau, c'est fluide et c'est surtout tragique. La République est morte, l'espoir l'est également et l'Empire semble plus que jamais invincible. Pas de version édulcorée à la Disney, mais l'univers davantage psychologique d'un Rogue One : on avance dans le noir et la lumière paraît hésitante au bout du tunnel. L'histoire souffre parfois de certaines faiblesses - mention spéciale pour les cinématiques remplacées par des dialogues rigides et sans âme - mais le début, la fin et l'apparition de certains boss n'ont rien à envier à d'autres jeux, comme Uncharted.


Le gameplay, comme le récit, reste timide. Le rythme Souls est simplifié pour que le challenge ne soit pas trop élevé, les énigmes sont fades et les phases de parcours ne sont jamais trop poussées pour que le joueur ne se perde pas. Le tout fonctionne, mais on sent la limite de chacune des influences : l'arbre de compétence est raisonnable, les pouvoirs sont tranquillement récupérés dans l'ordre afin de servir une ligne Métroïdvania parfaitement ordonnée et on n'est jamais assailli par plus de cinq ennemis à la fois.


Là encore, ces faiblesses sont immédiatement compensées par une solide immersion. Les décors sont variés et totalement maîtrisés et la musique, signée par Stephen Barton , déjà connu de Respawn, et Gordy Haab dont le travail sur Battlefront II prédispose à cet opus, réussie à être spectaculaire tout en gardant cette note "Star Wars" qui caractérise son univers. Le jeu connaît ses failles et les camoufle par ses qualités.


Mais alors, est-ce suffisant pour dire que Fallen Order est réussi ? Sans être trop simpliste, il sait rester didactique et introductif afin de ne décourager personne. En parallèle, il démontre une maîtrise de l'univers acquise, mais parfois en retrait pour ne pas n'être dédié qu'aux fans et donc rester accessible. Il a réussi son pari, se plaçant dans le milieu de gamme pour redorer l'image du studio développeur.


Il est probablement impossible de ne pas prendre du plaisir à cet opus, mais pour la communauté Star Wars dont je fais partie, il m'apparaît timide. On sent le développement partagé entre le savoir-faire des membres de Respawn et le cahier des charges d'EA, donnant cette impression d'avoir deux jeux entre les mains : l'un aux finitions impeccables et l'autre encore en phase de test. Malgré sa chaude cuirasse, Fallen Order est frileux et se contente d'être juste "bon" malgré un potentiel intéressant. À vouloir être trop abordable, on finit de temps en temps par ne plus l'être du tout...


Star Wars Jedi: Fallen Order ne marque pas le renouveau des jeux Star Wars. Il présente cependant une alternative agréable, décomplexifiée des spécificités de genre et abordable pour tous et toutes. Finalement, qui n'a jamais souhaité se vider la tête en regardant un bon Fast & Furious en streaming ? Alors, faites-le ici, en maniant le Sabre Laser contre des Storm Troopers ou en vagabondant dans une autre galaxie et, qui sait ? Vous vous surprendrez peut-être à attendre le prochain épisode avec impatience.



ArmandGaz
7
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le 21 juin 2024

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