Quand on s'inspire d'un des plus grands films du cinéma d'horreur, on ne peut s'empêcher de faire des comparaisons. Ce jeu sera-t-il, à l'instar du film "The Thing" (1982), une œuvre culte ? Spoiler : pas du tout. Mais serait-il juste de comparer ces deux œuvres alors que nous ne parlons pas du même medium ? La question se pose pourtant, car contrairement au jeu d'action d'horreur "The Thing" paru en 2002, où ce dernier misait avant tout sur la peur des autres (il a un peu mal vieilli mais il était terrifiant à l'époque), "Still Wakes The Deep" se rapproche beaucoup plus du 7ème art de par sa réalisation. Un walk simulator entrecoupé de scripts de dialogues et de QTE.
Après un passage dans les réglages pour augmenter la taille des sous-titres, qui par défaut sont préconfigurés pour des snipers, c'est avec une lettre familiale un poil (un zeste) inquiétante en tête que notre personnage sort donc de sa chambre vers la cantine afin de développer un peu le background. Vous savez, voir comment vont les autres membres, faire un peu d'exposition, etc. Vous en aurez durant les 15 premières minutes... après votre patron vous vire et vous deviendrez, par la force des choses, le MacGyver des basses besognes. "Il faut que tu remettes en marche une machine sinon on y passe tous mais je ne peux pas le faire à ta place car je suis occupé/trop loin/coincé/la flemme" Et c'est là qu'on rentre dans un long couloir teinté de couleur jaune au cas où tu viendrais à te perdre (et je n'exagère pas : levier, saut, échelle, cachettes, rebord, équilibre, aérations), suivi de leviers à actionner et de fuites avec le monstre de la zone, avec comme seule profondeur de gameplay des objets à lancer pour détourner l'attention (comme dans "The Last Of Us" mais en moins précis à cause de la vue FPS). C'est là pour moi le plus gros point faible du jeu : son histoire et son intrigue sont mises en retrait pour favoriser un gameplay qui montre vite ses limites. Il y a un bon rythme entre les phases de plateforme (pardon, de QTE) et... de cache-cache, une avancée de conduits en conduits pour la fuite, réaction identique pour les monstres (d'ailleurs j'y reviens juste en dessous), fuite en avant avec le bouton R3, interaction avec R2 + Joystick... j'ai quasiment fait le tour. D'ailleurs, le jeu en prend conscience et sait s'arrêter avant l'indigestion, ce qui est une très bonne chose car il se termine en 5-6 heures maximum. Malheureusement, une fois le jeu terminé, il n'y a pas de sélection par chapitres, ce qui ne me fera pas platiner le jeu cette fois-ci.
"Still Wakes The Deep" ne fait pas peur, car selon moi, il fait trop jeu vidéo. Un paradoxe sans doute, mais le résultat est là et ce pour diverses raisons. Ne pas mettre l'accent sur le groupe, avoir un héros seul ne développe aucune empathie pour ce qui arrive à vos collègues. Le traitement de Roy le cuistot sauve très légèrement la mise, mais pour le reste, on n'a pas peur pour eux. Les monstres ne font pas peur, leurs réactions sont trop prévisibles, ce qui les rend trop faciles à éviter. Il y a des casiers (jaunes) qui servent de cachette comme dans "Alien: Isolation". Seul bémol, je n'ai eu besoin d'aucun d'entre eux pour m'en sortir, contrairement à "Alien" où la tension était palpable à l'approche du Xénomorphe. On lance une tasse (très solide d'ailleurs) et pouf... la voie est libre. Enfin, il y a toujours du personnel qui balise les conduits d'aération pour y laisser des objets à lancer (les coquins). On sent que les développeurs ne misent pas sur le challenge. Une chouette ambiance mais une immersion parfois ratée due à un level design trop prévisible : zone intérieure, dans le noir, un collègue infecté, échappatoire. Les imprévus deviennent prévisibles avec en plus un checkpoint tous les dix mètres. Tout cela au détriment de... la peur.
Une dernière note où je reviens sur l'histoire et l'implication émotionnelle du joueur. J'ai eu plus d'empathie pour le personnage de "Silent Hill Short Message" qui se veut aussi être un walking sim. Il aurait fallu plus de dialogues, plus de lecture, pourquoi pas des cassettes à écouter ? "BioShock" a démocratisé ça en 2008. L'approche ici est beaucoup plus crédible, mais au détriment de l'empathie. Dans une fuite pour sa vie, on pense avant tout à la sienne, ce qui rend les interactions de sauvetage peu engageantes, surtout quand vos collègues disent que vous avez juste de la chance.
Enfin, et c'est mon dernier reproche, je vais le faire à moi-même : je ne peux m'empêcher d'être un peu déçu car j'en attendais autre chose de ce "Still Wakes The Deep". Après une première heure très encourageante, j'ai cru en vain que j'allais retrouver ce qui faisait le sel du film duquel il s'inspire.
Il pousse même le vice jusqu'à une fin similaire au film.
Si vous ne connaissez pas le film "The Thing", vous découvrirez un jeu sympathique qui fera la transition entre deux de vos AAA. Si vous êtes fan du film, vous découvrirez "The Thing" sans la claustrophobie de groupe, sans la peur, et sans la musique d'Ennio Morricone.