En ces temps d'hystérie collective sur les réseaux sociaux et de radicalisation outrancière, les chats sont encore l'un des rares sujets fédérateurs sur Internet et les vidéastes cauchemardent d'un avenir où seule leur suprématie sera tolérée sur Youtube ; il était donc possible de faire preuve d'un certain scepticisme à l'annonce d'un titre nous permettant d'incarner le fameux félin devenu bien malgré lui un emblème de la toile.
Alors oui, c'est vrai, il y a un bon gros chaton dans ce jeu; il fait les petites oreilles, le petit museau, la petite truffe et puisqu'il fait nuit quasiment tout le temps dans ce jeu, il fait les gros yeux en permanence. De surcroît, nous sommes ici en présence d'un chat intelligent, obéissant et qui comprend parfaitement tout ce qu'on lui dit ; pas de doute, nous sommes bien dans de la science fiction. Car fort heureusement derrière cet attachant héros poilu, Stray est avant tout une véritable proposition d'un univers singulier, de la science fiction soignée qui s'achemine comme la vraie pierre angulaire de cette aventure, au delà de son protagoniste bondissant. Alors oui, l'humanité a encore une fois disparue mais pour une fois, promis, les robots n'y sont pour rien; les pauvres bougres se lamentent encore de la perte de leurs concepteurs et vont jusqu'à reproduire leurs comportements sociaux et leurs attributs vestimentaires; brillante idée que les studios Pixar n'auraient pas reniés et qui confère à ce Stray toute une saveur spécifique et une envie constante d'explorer davantage cet univers foisonnant.
Un désir d'exploration qui sera, hélas, bien vite malmené par le carcan linéaire du titre. La première zone importante offre pourtant de belles promesses en matière de liberté avec ces multiples quêtes à accomplir, son Level Design ingénieux exploitant la verticalité qu'affectionnent les chats intrépides et ses nombreux protagonistes attachants à rencontrer ; mais en vérité, le jeu se révèle seulement plus malléable dans l'accomplissement de ses objectifs, avec une poignée rachitique de secrets annexes à découvrir, au lieu d'offrir une structure réellement ouverte. Un effet carte postale donc qui n'atteint pas la formule anti-immersive d'un Final Fantasy XIII mais qui confère néanmoins le sentiment que le titre passe à côté de son potentiel véritable et cette première zone semble ainsi constituer l'esquisse d'une intention initiale qui n'aura pas pu être concrétiser sur le long terme. Qu'à cela ne tienne puisque les niveaux linéaires s'en sortent honorablement dans leur formule classique ; courses poursuites, énigmes et un brin de plate formes, le cocktail habituel est présent et efficace, pour peu d'adhérer à une formule qui se veut accessible, sans verser pour autant dans l'assistance outrancière (et oui, même le sempiternel niveau d'infiltration est présent mais s'en tire là aussi avec les honneurs, même si un certain terrain de basket vous occasionnera peut être quelques excès de rage).
Il demeure néanmoins regrettable que le jeu n'ose pas faire davantage confiance au joueur dans la découverte de son univers, en lui narrant explicitement les origines de ce monde par l'intermédiaire d'un petit compagnon Mascotte / Navi, tantôt attachant, tantôt agaçant et qui semble principalement voué à guider le joueur dans son exploration de cette ville, tant dans le déroulement de l'aventure que dans l'exposition du récit. Le dénouement manque certes ainsi de l'impact souhaité mais l'empreinte laissée par cette cité insolite demeure heureusement vivace, et ce en dépit de l'interactivité restreinte qui nous est imposée durant son exploration. La comparaison n'a peut être pas lieu d'être, et c'est vaguement un troll gratuit, mais j'ai maintes fois songé que cette ville souterraine était une représentation de Midgar bien plus convaincante dans son atmosphère poisseuse et son immensité claustrophobique que le récent Remake de FFVII.
Alors oui, bien sûr, il y a le chat. Mais la véritable prouesse de Stray ne repose pas seulement sur ces mignonnes petites pattes. Car en définitive, de la science fiction soignée, c'est quelque chose de bien plus rare que les prouesses de nos compagnons félins.
Et c'est bien en cela que ce titre mérite véritablement votre intérêt. ;)