La relance de la franchise par Capcom m'avait déçu mais je ne ressens pas pour autant de haine pour cet opus contrairement aux abominables SF 5 et 6 qui eux ne sont que de purs produits commerciaux destinés à un public consommateur.
En effet sur ce Street Fighter IV je comprends au moins la démarche de l'éditeur qui m'apparait relativement noble et louable: Capcom a quelque part voulu remettre les compteurs à 0 et "moderniser" son style graphique (je le trouve affreux mais ce n'est pas le débat...) tout en rendant le jeu plus accessible et moins punitif que leur 3rd Strike, Capcom vs SNK ou autre Marvel vs Capcom et ce, afin de concilier et de rassembler toutes les générations.
Ainsi les "anciens" qui connaissent le jeu depuis ses débuts sur arcade et Snes ont pu s'y remettre sérieusement et les jeunes qui ont grandi sur un ordi avaient désormais les moyens de se rassurer en visionnant de longues heures de vidéo avant de se lancer, tout ce beau monde se retrouvant donc joyeusement et sans distinction sur le Xbox live pour en découdre.
En France ce jeu a également provoqué un "revival" de la scène arcade, un pote de mon frère (un riche...) a ouvert une salle à Nation ("Arcade Street" pour les connaisseurs) et les meilleurs joueurs français ont alors migré de leur repaire historique (le "Vs Dojo" à République) pour s'affronter tous les jours comme des morts de faim (ou comme des chômeurs, au choix...).
C'est à cette période que les anglicismes vulgaires et le terme racoleur de "versus fighting" ont fleuri sur la toile, ils proviennent en grande partie de la popularisation du jeu à grande échelle et à son appropriation par les enfants d'internet "compétiteurs", nous ne parlions absolument pas en ces termes avant ça.
En ce sens ce jeu constitue réellement la "croisée des chemins" dans la mesure où tout le monde s'y est plus ou moins mis dans un 1er temps, que ce soient des jeunes qui n'avaient jamais joué à un Street, les "kofeurs" habitués aux jeux SNK, les joueurs de Tekken ou encore ceux de DBZ c'était bien entendu une occasion unique de réunir des joueurs provenant de tous les horizons. Et paradoxalement c'est ici que le jeux déçoit...
Je passerai rapidement sur le style graphique provoquant cette impression de lourdeur car à la limite cette considération est subjective ce n'est qu'une "impression" (les "framerate" ou temps de latence sont finalement les mêmes que sur un jeu 2D) et certains internautes le trouvent visiblement "très beau" (c'est de la science-fiction je n'ai jamais pu jouer Blanka, Honda et Dalshim tellement ils sont affreux mais soit, chacun ses goûts...).
Non les aspects gênants concernent davantage la toute puissance de la focus attack, les personnages extrêmement mal équilibrés et sa réelle pauvreté technique comparée aux opus précédents c'est à dire que pour un joueur expérimenté ce Street sera forcément en partie une déception.
L'autre problème engendré par la "pratique sur internet" c'est que le grand public ne conçoit désormais plus les jeux de combat que d'un point de vue "techniciste": ils s'abreuvent de vidéos à la noix puis tentent de singer les japonais en récitant leurs combos ou phases à 2 francs dans un contexte de match où la contrainte temporelle est évidemment bien trop élevée.
En d'autres termes ce Street n'a pas permis aux joueurs de s'améliorer et ce serait même plutôt l'inverse, le niveau moyen français est en réalité pathologique bien que le joueur de base soit généralement un vantard, si Luffy a gagné l'EVO en 2014 en jouant Rose avec une manette Playstation c'est bien entendu car il a compris depuis longtemps que Street n'est pas du tout un jeu de "techniciens" mais de "stratèges".
En effet tout l'art de la franchise de Capcom consiste à apporter une solution à un problème, c'est à dire qu'à chaque prise de décision et mouvement de votre adversaire il faudra réfléchir à une conduite pertinente et adaptée à la situation, c'est l'apprentissage du contexte et des réponses qui feront la différence à l'arrivée et sûrement pas la reproduction stupide de combos à rallonge.
En d'autres termes les joueurs ne pourront jamais s'améliorer s'ils pensent que ce type de jeu consiste à répéter les anglicismes qu'ils lisent sur internet pour épater la galerie ou que leur seule finalité est de placer leur enchainement moisi contre un adversaire bien plus expérimenté, ils se planteront à chaque fois. Il est d'ailleurs inutile dans ces conditions de perdre son temps sur youtube ou de s'acheter un stick arcade à 1000 balles, c'est de l'argent foutu par les fenêtres.
Par exemple et pour ma part lorsque j'ai commencé à y jouer c'était pour servir de "partenaire d'entrainement" à mon frère qui était alors le meilleur Gouki d'Europe avec le Suisse V-Ryu (ça n'a rien d'impressionnant, ils sont 3 à le jouer à bon niveau...) et je n'ai ainsi pas du tout abordé le jeu d'un point de vue technique mais plutôt en termes de contrôle, de mises à distance, de priorités et de timing.
Je prenais ainsi volontairement des personnages simples en charge (Guile, "Boxer", Bison) jouables avec l'affreuse manette 360 et mon modeste objectif était tout simplement de parvenir à défendre ou à contrer les offensives répétées du frangin, qui bien entendu enchainait des phases pompées intégralement sur Tokido (son idole, ils l'ont même invité à Paris...) qu'il avait expérimentées pendant de longues heures en training.
En gros c'est l'adaptation et le plaisir de réfléchir qui sont importants sur un Street, vous réaliserez qu'avec le simple "bas gros poing" de Guile (complètement cheaté...) placé au bon moment lorsque Bison, Vega ou Gouki vous sautent dessus votre adversaire ne pourra déjà plus vous approcher dans les airs.
Même chose pour le "scissor kick" de Bison, vous vous rendrez compte qu'il est non seulement ultra prioritaire mais que le recovery (le temps pour récupérer) est quasiment nul lorsque vous toucher la garde de votre adversaire, vous pouvez donc maintenir la pression "gratuitement" et en toute sécurité en enchainant ce type de coup spécial.
En d'autres termes avec un bagage technique relativement limité mais avec un minimum de réflexion vous pourrez tout de même vous en sortir ce qui constitue un point positif sur cette refonte mais également sa plus grosse limite, certains personnages sont faciles à jouer et ne demandent aucune expertise particulière mais se révèlent tout de même efficaces lorsque d'autres au contraire s'avèrent trop complexes sans être meilleurs pour autant (je pense notamment à C. Vyper, Vega et El Fuerte, dommage ils sont très sympas).
Vous retrouviez donc finalement toujours du Ryu vs Sagat et des combats de boules de feu avec l'impossibilité d'approcher votre adversaire ou des Bison/Balrog qui au contraire vous pressaient dans le coin en récitant leurs gammes à l'infini, ce Street IV se révélant donc malheureusement répétitif et stéréotypé passé un certain stade de pratique.
C'est ici que je n'ai pas insisté (contrairement à mon frère) je n'avais pas la volonté de m'entrainer avec un personnage en particulier pour jouer toujours de la même manière, d'autant plus que Capcom est ensuite parti en sucette sur les Super et Ultra Street IV.
D'ailleurs au commentaire le plus "lu" de l'internaute pseudo spécialiste des jeux de combat qui a connu les salles d'arcade comme moi je suis évêque je lui répondrais que ces suites opportunistes n'ont jamais été destinées à "équilibrer" le jeu elles ont tout simplement déplacé les déséquilibres sur d'autres personnages, il faut vraiment ne rien y connaitre pour ne pas s'en rendre compte.
Ainsi tous les Mago ou autres joueurs de Sagat et Balrog ont tout simplement opté pour Fei Long sur le Super, Capcom obligeant quelque part les joueurs compétitifs à s'actualiser et à réapprendre à chaque fois les timings, priorités ou autres match-up nécessaires à leur efficacité. Tout cela n'a rien à voir avec "l'équilibre" mais à la limite on s'en fout, le joueur moyen ne s'en apercevra même pas et c'est finalement le dernier de ses soucis.
Bref encore une fois je n'ai pas vraiment de mépris pour ce Street IV même si je le trouve lourd, laid et pauvre techniquement, l'intention de départ de Capcom reste tout de même louable, de nombreux joueurs ont pu s'y (re)mettre et l'aspect stratégique/lecture des intentions des vieux Street n'a pas disparu. En d'autres termes si vous n'avez jamais essayé cette licence autant commencé par celui-là, vous développerez moins de mauvais réflexes que sur les 2 derniers épisodes réservés aux handicapés.