Game pas mal !

À l’instar du rugby ou du volleyball, on ne peut pas dire que les simu’ vidéoludiques de dodgeball (version alternative plus codifiée et professionnelle de la célèbre balle aux prisonniers de notre enfance) se bousculent au portillon… De mémoire, j’ai joué à deux jeux s’inspirant de ce sport : l’antédiluvien Dodge-It, sur la toute aussi préhistorique Fairchild Channel F (de très loin le meilleur soft de la bécane), ainsi que, plus près de nous, Canis Canem Edit / Bully, au travers d’un mini-jeu plutôt sympa en cours d’EPS. Ouaip, ça fait peu. Raison de plus de m’essayer à ce Super Dodge Ball issus de la franchise des Kunio-kun…

Kunio-kun ? Si vous êtes de ma génération (trentenaires+), vous connaissez forcément, même si vous pensez ne pas connaître. La faute en revient à ces gentils éditeurs (Nintendo, Taito, Technos eux-mêmes), qui occidentalisaient à l’extrême les versions originelles lors de l’exportation à l’internationale, soi-disant pour des questions de trop grandes différences culturelles (c’est vrai que GTO, univers typiquement japonais, ça n’a jamais vraiment marché en dehors du Japon!). Je me demande s’ils capteront un jour que lorsqu’on regarde / lit / joue à une œuvre culturellement différente de la nôtre, c’est justement pour la découvrir et s’en imprégner, et non pour faire face à un produit "bâtard", travesti, dépourvu de sa substantifique moelle…

Ainsi donc, au lieu de connaître les joies de tabasser des lycéens délinquants, bôsôzokus et autres yakuzas, vous avez tapé sur des loubards, gangs et autres bikers burgerisés dans Renegade [Nekketsu Kôha Kunio-kun], et plutôt que de vivre de palpitantes compétitions inter-lycées fortement captain tsubasesques, vous avez carrément participé à la coupe du monde de football dans Nintendo World Cup [Nekketsu Kôkô Dojjibôru Bu – Sakkâ Hen]… Cela reste heureusement de bons jeux…

Super Dodge Ball suit d'ailleurs à peu près le même schéma que Nintendo World Cup (enfin, c’est en fait techniquement l’inverse puisqu’il est sorti avant) : on ne contrôle ainsi plus l’équipe du lycée Nekketsu menée par le bagarreur Kunio, devant affronter l’équipe du lycée Hanazono de son rival de toujours (Riki) afin de se qualifier pour un tournoi mondial, mais une team USA, contre une obscure équipe baptisée "team Pro All-Stars". Le reste est cependant sensiblement identique, à ceci près que l’ordre des équipes qu’on est amené à affronter change quelque peu (dans la VO, on est opposé à l’URSS en demie et les USA en finale, alors qu’on joue le Japon en demie et l’URSS en finale dans cette version), plus une petite surprise si on arrive à garder tous nos équipiers en vie pendant la finale…

Ouaip, vous avez bien lu : comme toute simulation sportive de la franchise Kunio-kun, on pratique du sport sans aucun esprit sportif, et un adversaire éliminé au cours d’un match de Super Dodge Ball…est éliminé "pour de vrai"! Là pour le coup, on est assez loin de Nintendo World Cup, dans lequel on "ne fait que tabasser" ses opposants… Les matchs se déroulent en 6vs6, avec 3 joueurs sur le terrain et 3 autres aux abords de la surface adverse, un peu comme la véritable balle aux prisonniers…à ceci près qu’un joueur sur le côté ne revient pas sur le terrain s’il vainc un opposant.

L’autre différence majeure, c’est que chaque joueur ne peut être éliminé qu’en vidant sa barre de vie, ce qui s’avèrera plus ou moins long en fonction de nos et ses caractéristiques propres (taille de la barre de vie, défense, endurance, vitesse…). Les joueurs de la team India par exemple sont assez brise-burnes : leurs shoots, notamment leurs super-tirs, sont ridiculement peu puissants, leur stamina est une bonne petite blague, mais en contrepartie les gars ont juste une défense de Terminator…

Côté modes de jeu, c’est plutôt correct (World Cup, VS et Bean Ball) même si ça aurait pu être bien mieux. La World Cup notamment, ne peut malheureusement se jouer qu'avec la team USA, et est une expérience exclusivement solo, alors qu’on peut sélectionner n’importe quelle équipe dans le VS (c’est d’ailleurs dans ce dernier mode qu’on peut prendre connaissance des caractéristiques de chaque joueur de chaque équipe). Mais surtout, aucun des deux n’autorise la coop’, qui est pourtant souvent un plus dans les jeux de sport. Le Bean Ball quant à lui s’apparente à une espèce de battle royale où le vainqueur est le dernier debout ; un mode assez bourrin et pas spécialement passionnant, qu’on délaisse bien vite pour revenir à du plus classique…

Ce qu’il y a de bien avec Technos, c’est qu’ils n’ont pas peur d’user des clichés les plus éculés pour illustrer les pays et leurs équipes. La team China dispute évidemment ses matchs sur la place Tian’anmen et ses membres sautent de partout, puisqu’ils font tous du kung-fu… La team Kenya joue dans la savane et chaque joueur est très rapide, sans doute entraînés à échapper aux lions… Les islandais sont à l’inverse lents mais puissants, une constitution robuste sans doute liée à leurs ancêtres vikings et au climat polaire local… L’URSS joue sur la place Rouge, le Japon au pied du mont Fuji… Perso, je regrette un peu l’absence de la tour Eiffel, l’équipe des fromages qui puent n’étant malheureusement pas invitée à la fête…

Super Dodge Ball est un jeu fort attachant (comme tous les jeux Kunio-kun), et même finalement plus stratégique qu’on pourrait ne le penser de prime abord (un peu comme Nintendo World Cup quand on y joue à 4). Cependant, quelques ombres ternissent cet idyllique tableau. Le premier est à mettre sur le compte de la technique : à l’inverse de Nintendo World Cup, les 12 joueurs sont souvent affichés en même temps sur le terrain, ce qui est bien trop difficile à gérer pour cette brave vieille NES, qui fait alors alternativement clignoter les sprites telle une guirlande de sapin de noël. Il peut également arriver que le jeu rame un brin, mais ces ralentissements sont rarement gênants.

Le second reproche est un peu plus notable, car concerne directement le gameplay. Ainsi, la sélection des joueurs se fait automatiquement et n’est pas toujours optimale, surtout lors des phases défensives, quand le jeu tarde parfois à nous donner le contrôle du joueur ciblé par un tir adverse ; si ce n’est pas trop handicapant en difficulté easy ou normal, ça peut vite devenir plus problématique en hard… Un autre truc un chouïa relou, ce sont les passes qui ont quelquefois du mal à aller vers le bon destinataire, notamment quand on essaie de prendre l’quipe adverse à revers avec nos 3 joueurs de côté…. On peut enfin également chipoter sur les super-tirs qui sortent un peu au petit bonheur la chance quand on tente un shoot aérien (tir à l’extension max d’un saut) alors que le shoot au sol est quasi parfait, se déclenchant naturellement au bout d’une rapide course.

Super Dodge Ball est sans doute un jeu un poil trop "ambitieux" pour une bécane sortie en 1983, possédant en sus un pad relativement avare en boutons (encore que la sélection de joueurs aurait pu se faire avec l’habituel sous-utilisé bouton select :p). C’est d’ailleurs plus ou moins le cas d’à peu près tous les jeux de sport sur support 8 bits (jetez un œil au jeu Heads Up – Action Soccer sur Vectrex pour comprendre ce qu'est réellement une "machine archaïque peu adaptée au genre"), et il faudra vraiment attendre la génération 16 bits, et plus encore les 32/64 bits, pour que le sport vidéoludique prenne un véritable envol. Il suffit de voir la version Neo-Geo (essayée entre-temps) pour s’en convaincre…