Lorsque Nintendo a besoin d'un tuyau ou d'un coup de main pour rehausser ses ventes, la firme mise encore et toujours sur la formule pas encore éculée qui consiste à faire appel à ses figures emblématiques, Mario en tête. Pourtant, il était difficile d'être totalement enthousiaste lorsque l'on nous a dévoilé Super Mario 3D World lors de l'E3, le joueur roublard qui sommeille en nous ayant eu un peu peur de se faire avoir par une redite sans grande ambition de tout ce qu'on nous proposait depuis quelques temps. Il faut dire que la flemmardise aiguë qui planait sur les précédents jeux de plateforme mettant en avant le plombier n'encourageait pas à l'hyperbole du bonheur. Mais au fil du temps, ce que l'on nous a montré ici et là a revalorisé notre intérêt pour cette suite spirituelle de Super Mario 3D Land et on s'est mis à espérer. Espérer que la flamme soit aussi ardente que Fanny et que la pédale douce soit enfin mise de côté pour notre moustachu. Maintenant que nous avons bouclé l'aventure, enlevons notre costume de chat et miaulons quelques mots à son sujet.
Sommes-nous félin pour l'autre ?
Comble du bonheur dès le départ du jeu, nous n'avons pas à nous couper en quatre pour tenter de sauver la Princesse Peach enlevée par Bowser. Parce que l'on finirait presque par croire qu'au final, c'est elle qui désire secrètement vivre en compagnie de Bowser et que Mario l'en empêche depuis des années... Mais revenons à nos Koopas et plus précisément au Royaume Champignon en une douce soirée où la belle et ses princes presque charmants, y compris Toad, se baladent tout en profitant d'un feu d'artifice du plus bel effet... jusqu'à ce que notre quatuor tombe nez-à-nez avec un tuyau transparent d'où émerge une princesse Libella venant quérir de l'aide pour libérer les autres Libella enfermées par l'être à la carapace aux pointes. Ni une, ni deux, nos héros enfilent leurs slips de sauveurs et se jettent à corps perdus dans l'expédition. Devant cette trame scénaristique ô combien Stendhalienne, voire Beyliste pour les plus érudits, le commun des joueurs ne pourra que s'incliner et persévérer dans cette course où l'on espère qu'une chose : faire mordre la poussière (de fées) à Bowser.
Justement, pour séduire la plèbe, on a tendu un piège enrobé façon "kawaii attitude" du côté de Kyoto : affubler Mario et ses comparses d'un costume de chat purement et simplement irrésistible. Oui, nous sommes à l'heure des internets qui fondent devant tout ce qui s'apparente de près ou de loin au lolcat et à la choupitude exercée par les félins sur l'humain. Symbolisé par une petite clochette, ce pouvoir inédit occupe une place importante dans l'aventure sans qu'il soit omniprésent ceci dit. C'est également le cas pour toutes les autres nouveautés d'ailleurs, puisque l'équilibre est de mise au fil des nombreux niveaux et mondes. Les stages sont directement accessibles via une carte sur laquelle l'on peut se déplacer librement via un avatar réduit, mais le chemin des niveaux reste quant à lui tracé et il faut terminer le précédent pour débloquer l'accès au(x) suivant(s), voire aux zones bonus ou missions annexes.
Huit mondes composent le premier jet de l'aventure principale et la complétion de celle-ci permettra comme d'habitude d'aborder d'autres mondes qui demeurent inaccessibles tant que vous n'avez pas collecté toutes les pièces vertes des niveaux, ou les drapeaux dorés.
Tout cela vous parait familier ? C'est normal puisque Super Mario 3D World n'écarte aucun poncif du genre et regroupe les meilleurs éléments de l'épisode 3D Land, mais également ce qui a marqué les joueurs dans les Galaxy sur Wii. La paternité paraissait peu évidente en s'appuyant sur la promotion faite, elle est bien plus flagrante une fois que l'on est en cours de jeu. Ainsi, on retrouve la collecte des étoiles vertes, au nombre de 3 par niveau en général, 5 et 10 en ce qui concerne les zones bonus comme les Maisons Mystère et les Missions Toad, une seule étant disponible lors d'affrontements avec les mini-boss. Il y a ainsi plus de 280 étoiles à collecter en tout et pour tout et cet objectif ne sera pas forcément des plus aisés à atteindre, notamment quand on pense aux 50 dernières d'entre elles (pour peu qu'on se soit forcé à viser le 100% avant de battre Bowser).
Catman Legends
Level design et jouabilité au poil (ce qui n'a jamais été aussi vrai compte tenu du costume de chat) ont beau être les éléments récurrents et réussis des Mario, on a quand même eu tendance ces derniers temps à trouver une suffisance trop prononcée de la part de Nintendo avec un contenu qui peinait grandement à se renouveler. C'est ainsi que les similitudes trop flagrantes entre les galettes successives du plombier étaient pointées du doigt à la fois par la critique et les joueurs. Visiblement, on a enfin saisi à Kyoto qu'il fallait se sortir les doigts de la prise HDMI et qu'il était temps de redonner du galon à une franchise qui s'essoufflait et qui voyait des titres comme Rayman Legends jouer dans la même cour qu'elle et commencer à lui faire sérieusement de l'ombre. Il faut dire qu'Ubisoft a su s'imprégner du fun du multijoueur et de la conception des tableaux inspirée par le boulot de Miyamoto pour nous pondre un jeu de plateforme dantesque. Et c'est à cause de cette référence récente qu'on se présente avec, il faut le dire, une appréhension évidente devant ce Super Mario 3D World. Une batterie de Wii U GamePad vide plus tard, cette peur de la déception est déjà bien loin.
Car chaque stage, ou presque, de Super Mario 3D World est une leçon de level design où l'on prend plaisir à retourner grappiller toutes les étoiles et le sceau caché, voire même à faire du speed run par la suite. Les niveaux disposent d'un équilibre millimétré, évitant les écueils d'une lassitude ou l'impression de tourner en rond après trois mondes bouclés. Il faut dire que la répartition des pouvoirs, leur utilité au sein de l'aventure et, une fois de plus, la maestria de la conception des stages donnent constamment envie de découvrir la prochaine zone qui se dévoile à nous. C'est assurément la transformation en chat qui assure le spectacle et offre de nouvelles perspectives sans pour autant simplifier outrageusement l'aventure. La mue en félin permet en effet de grimper à toutes les parois qui se présentent à nous, mais aussi à effectuer une attaque plongeon à la violence proche d'un discours d'un leader du Front de Gauche. Mais c'est aussi l'assurance d'obtenir un drapeau doré en fin de niveau puisque notre personnage grimpe avec un air guilleret tout en haut du poteau avec l'aisance qui caractérise les chats. Ce n'est pas le seul pouvoir inédit proposé par Miyamoto-san puisque l'on peut par moments obtenir une cerise qui a pour effet de dédoubler le personnage incarné, celui-ci évoluant donc en totale symétrie avec son double, voire son triple, ou son quadruple, l'effet étant cumulable jusqu'à 5 par héros selon notre test. D'ailleurs, il sera parfois nécessaire d'être un nombre suffisant pour ouvrir des voies impénétrables sans cela... et compléter à 100% un niveau. Ça ne paie pas de mine sur le papier, mais en réalité, ce n'est que du pur bonheur d'évoluer dans des niveaux parfaitement conçus pour exploiter le dédoublement de personnalité(s).
Puisque nous en sommes à la multiplication des héros, quoi de plus approprié que de faire la transition avec le multijoueur ? Uniquement accessible en local et jusqu'à quatre - quel dommage ! -, il est tout simplement l'une des meilleures choses que nous ait proposé Nintendo ces derniers mois (années ?). Grâce au level design qui permet les actions les plus loufoques et la conquête de la couronne qui orne la tête de celui qui a le plus de points mais qu'on peut piquer, on prend un pied monstrueux à parcourir les stages à plusieurs et, en toute franchise de vieux schnock, m'a rappelé ces instants d'enfance quand je découvrais les joies du jeu vidéo avec un grand frère ou un père, bref à l'image de la ratatouille du film éponyme de Pixar ou bien d'une madeleine trempée dans un thé proustien (on y revient toujours...). Super Mario 3D World sera quoi qu'il arrive l'allié fun d'une bonne soirée entre amis ou en famille et source de bien-être vidéoludique. Si, si, on vous le garantit !
La cerise sur le gâteau
Ce n'est évidemment pas du côté de la jouabilité que Super Mario 3D World était attendu puisque l'on sait que l'on a rarement de mauvaises surprises quand on prend un Mario dans les mains. Plus attendue était la prise en charge du Wii U GamePad qui reste sommaire et confinée à une utilisation réduite à trois actions : souffler, tapoter et incliner. Petites explications concernant ces fonctionnalités : le souffle n'est pas là pour détecter une quelconque haleine de Koopa émanant de votre bouche, mais sert à révéler des pièces, blocs ou plateformes cachés. On peut également s'en servir pour envoyer par-dessus bord les mini-ennemis ou polliniser les mondes fleuris (ce qui n'a aucune incidence réelle sur le jeu), mais également pour déclencher des plateformes ventilées. Bref, les férus de zones d'ombre passeront une grande partie à souffler dans l'éthylotest selon Mario, pendant que les autres n'y penseront pas forcément. Tout aussi sporadique est l'utilisation de l'écran tactile pour déclencher des plateformes ou pour renvoyer des bombes et torpilles. On aura plus tendance à s'en servir en multijoueur quand on opère en tant que soutien d'un plus jeune ami, mais au final, cela reste totalement dispensable. La gyroscopie, légère, l'est tout autant et on préfère se servir du pad circulaire droit du Wii U GamePad pour faire pivoter par palier la caméra. Celle-ci est rarement prise à défaut et le fait de pouvoir passer en scrolling horizontal "2D" ce qui est normalement visible en 3D est aussi une bonne idée.
Le réseau social de Nintendo est à nouveau intégré à l'instar de New Super Mario Bros. U et va même plus loin grâce à la possibilité de se servir des tampons découverts en cours de jeu. On peut ainsi personnaliser à l'envie ses messages sur Miiverse et ceux laissés par les autres utilisateurs aident parfois à découvrir comment obtenir telle étoile verte ou tel sceau. Une implémentation logique, fonctionnelle et pas tant intrusive que cela au final. Preuve en est que l'on s'en sert régulièrement lorsqu'on veut crâner ou montrer un joli plan.
Au niveau des personnages jouables, au nombre de quatre, chacun dispose de son propre style de jeu. Mario garde son inertie habituelle, mais voit le triple saut disparaître au profit du "spin jump" où il faut faire tourner rapidement et plusieurs fois le stick analogique pour entendre le "whee hee" prononcé par le héros et ainsi sauter plus haut et en tournant ; notons que ce mouvement est valable pour notre quatuor. Sinon, Luigi saute toujours plus loin que son frère et se veut moins réactif, Peach a la faculté de flotter quelques instants dans les airs après un saut et Toad est le plus rapide de la bande. Aucune différence suffisamment marquante pour déterminer que tel ou tel personnage est l'indispensable larron de la foire pour réussir aisément tous les niveaux, mais chacun y trouvera peut-être le style qui lui convient le mieux. Ceci dit, certains bonus ne sont accessibles qu'en présence d'un personnage particulier, mais la sélection à la volée en début de stage permet de switcher sans trop de manipulations.
Sans être aussi détaillés et visuellement époustouflants que les personnages de Michel Ancel, ceux de Nintendo nous paraissent dotés d'animations plus élaborées et fluides, en atteste la palette allouée au chat. D'ailleurs, un niveau monochrome où l'on ne voit que l'ombre de l'avatar semble conçu pour témoigner de ce souci du détail. Cela nous amène naturellement à l'apport technique d'une Wii U supposée bien plus puissante que son aînée dont les Super Mario Galaxy nous avaient régalé les rétines en leur temps. Oui, l'apport HD est présent, oui, c'est on ne peut plus fluide et totalement coloré, oui il y a une réelle touche technique plus léchée, mais à l'exception des niveaux où la pluie tombe, où l'eau suinte, on se dit quand même que l'on est en droit de s'attendre à quelque chose d'encore plus marquant d'un point de vue visuel, surtout quand on voit ce que l'on s'est pris en pleine poire avec Rayman Legends. Nintendo en est à ses balbutiements avec la haute résolution, on espère désormais que la prochaine étape en sera la totale maîtrise. Précisons également le jeu est intégralement jouable en mode Off-TV.
Sans vouloir vous révéler certaines surprises du jeu, sachez que la durée de vie est supérieure à celle de New Super Mario Bros. U et Super Mario Galaxy (1 ou 2) puisqu'il vous faudra une bonne dose d'aventure, de patience et de persévérance avant de trouver les 3 étoiles et le sceau de chaque stage. En outre, et comme d'habitude, une fois l'aventure "bouclée", ce n'est que le début de la fin puisque l'on pourra débloquer des mondes additionnels faisant suite aux huit initiaux et que l'on reviendra avec plaisir en solo ou en multi sur le jeu. Une fois de plus, c'est grâce à la structure globale et à la variété de l’œuvre que ce cycle peut perdurer par la suite. En revanche, même si l'on ne termine pas le titre avec des centaines de vies, la difficulté n'est une fois de plus pas insurmontable et il faudra attendre les mondes secrets pour se voir donner du fil à retordre. Même les boss et mini-boss se passent sans encombre. Dommage quand même de ne pas être capable de prendre en considération certaines choses trop "enfantines"...
Un mot enfin sur l'ambiance musicale du titre complètement excentrique et entraînante. Les thèmes sont marquants, chaque monde dispose de son style qui ne laisse pas indifférent et on parie que vous vous régalerez à déambuler dans celui dédié à Bowser et son côté Las Vegas remuant à souhait. Une totale réussite qui contribue à donner une identité à ce Super Mario 3D World, qui se révèle donc meilleur que l'épisode 3D Land en tous points.
Verdict : 9 / 10
Enthousiasmant, varié et diaboliquement amusant, Super Mario 3D World réussit à parfaire un tableau qui tendait plus vers l'abstrait que l'impressionnisme. Fort d'une leçon de level design donnée à chaque niveau, il reprend presque sa couronne de référence du genre à Rayman Legends qui nous avait tant plu à la rentrée. Visuellement très coloré, doté d'une durée de vie conséquente et de pouvoirs inédits réellement jouissifs, Mario nous réconcilie enfin pleinement avec ses aventures après avoir été atteint d'une flemme légendaire à la limite de la suffisance. Repartir sur ces acquis était une étape indispensable et il devient instantanément un indispensable de la Wii U tant on s'éclate avec tant de simplicité. Et que dire de son mode multi qui ne laissera personne indifférent et saura marquer vos soirées entre amis et/ou famille avec un excellent jeu vidéo.
On a aimé :
- le level design de référence
- la fin qui colle des frissons de plaisir
- le costume de chat
- la cerise sur le gâteau
- l'ambiance musicale
- le multijoueur jouissif
- vraiment jouissif, il faut le préciser
- la durée de vie conséquente
- aucune lassitude après plus de 20 heures de jeu
- l'intégration de Miiverse et des ghosts de joueurs
On a pas aimé :
- le challenge toujours aussi mal dosé
- parfois aliasé quand même
- ne pas avoir de mode multi en ligne
- pas grand-chose d'autre en fait
On s'en tape :
- Pas de costume Rayman