"You have every bounty hunter on Pandora chasing you and you're making a sandwich."

Critique publiée sur Kultur & Konfitur.


Un road-trip dont la longueur permet aux voyageurs de partager des moments uniques. Une voiture qui file à toute blinde à travers le désert de Pandora. Un monstre explosant en slow-motion au-dessus de votre véhicule lancé à pleine vitesse sur « Kiss the Sky » de Shawn Lee's Ping Pong Orchestra. Autant de génériques d’épisodes qui restent gravés dans la rétine et dans votre mémoire. Des épisodes, il y en a cinq dans ce Tales From the Borderlands, nouvelle saga Telltale après The Walking Dead, The Wolf Among Us ou Game of Throne. Une fois de plus, les développeurs prennent appui sur un univers existant plutôt que d’en créer un de toutes pièces : la planète, mais aussi les antécédents narratifs et des personnages issus des jeux Borderlands, édités par 2K Games et développés par Gearbox Software, en partenariat sur ce nouveau projet. Rassurez-vous, nul besoin d’avoir traversé ceux-ci pour prendre votre pied avec le jeu de Telltale, même si ceux qui l’ont fait auront une autre vision, forcément plus exhaustive et plus référencée. Peu d’innovation dans le système à première vue également, les familiers des jeux du studio californien trouveront vite leurs repères : choix de dialogues à faire en cinq secondes (avec toujours le silence comme option pertinente), QTE dans les phases d’action, quelques décisions cruciales bien mises en avant visuellement et textuellement (untel se souviendra de ça, qui devient presque un running-gag), et aussi la certitude que le fil global de l’histoire ne dépend que peu de ces choix, tout étant écrit dans les grandes lignes. Comme indiqué dans la critique de la première saison de The Walking Dead, le pouvoir du joueur est plus dans la caractérisation de l’univers, des personnages, dans les détails, que dans le déroulement réel de l’histoire.



Plus on est de fous, plus on Rhys



Quelques évolutions se font toutefois sentir, en lien avec la narration à deux voix choisies. On incarne deux personnages bien distincts : Rhys, sorte de Gaston Lagaffe employé d’Hyperion tentant d’être sûr de lui pour cacher sa fragilité, et Fiona, elle aussi plus délicate qu’elle ne désire le laisser paraître, et possédant un sens de la répartie qui laisse souvent Rhys le souffle coupé et plus bas que terre. A part quelques tentatives ci et là (la prise en main du robot avec sons système d’équipements rappelant la saga d’origine dans Zer0 Slum, le premier épisode), on reste dans une aventure interactive assez simpliste et sans difficulté réelle, et c’est assumé. La toute fin de la saison (qu’on espère suivie d’une seconde) laisse toutefois penser que Tales From the Borderlands propose une rejouabilité plus intéressante que The Walking Dead, avec de vraies possibilités de modifications dans l’intrigue.


Non, plutôt que dans le gameplay, c’est dans le ton qu’il faut voir la singularité de cette saga de Telltale. Là où The Walking Dead misait sur le post-apo à tendance larmes chaudes, besoin d’humanité et émotions qu’on peut trouver pleurnichardes, Tales n’oublie pas d’où il vient et respecte à la lettre l’essence des Borderlands. Attention, l’émotion n’est pas absente, mais dans une veine qu’on pourrait juger de moins « pompeuse » qu’avec Lee et Clementine. Surtout, on se marre. L’humour, en délicat contrepoint à l’émotion, fonctionne à plein : dialogues, personnages, situations, opposition des deux protagonistes (force du buddy movie) tout y passe, souvent avec talent. L’idée de base de faire raconter l’histoire par un binôme inadapté a une conséquence dans le système de jeu, mais aussi dans l’écriture, plus variée que lorsqu’elle n’est le fruit que d’un point de vue. Le changement de perspective sur une même situation permet de la revivre sans la répéter, et la manière dont Fiona et Rhys racontent leur aventure à leur geôlier trouve ce rythme binaire qui permet de ne jamais se lasser, le tout ponctué des nombreux rebondissements du scénario, avec apparition à point de personnages hauts en couleur. Chacun des personnages, des principaux aux plus lointains, bénéficie d’une vraie identité, fruit du travail des développeurs. Les relations qu’ils tissent tous entre eux évoluent, plus ou moins influencées par nos décisions. Avec peu de choses (le format et le nombre de personnages ne permet que peu d’approfondir chacun d’eux), leur personnalité est créée, avec ses gimmicks, ses tics et petits défauts qui font que l’on s’y attache.



Pandora l’exploratrice



Comme toute série, impossible de rester à 100% tout du long, et heureusement. Les respirations, les moments un peu plus mous sont nécessaires pour un rythme d’ensemble qui tienne la route et une valorisation des passages de climax plus intenses. Les génériques évoqués plus haut sont peut-être les passages les plus mémorables, alors qu’on n’y fait rien et devraient donc moins marquer que les moments dans lesquels nous sommes actifs. S’ils sont un point d’orgue, ce ne sont pas les seuls moments que vous allez retenir de cette première saison, que l’on se le dise. Telltale arrive à une grammaire visuelle totale, un esprit de mise en scène cinématographique du blockbuster d’action dans ce qu’il a de meilleur, une pure jouissance décomplexée. Et la musique ! Là encore donnant une toute autre ampleur aux génériques (celui d’Atlas Mugged remportant peut-être la palme), elle habille tout le reste avec moins de grandiloquence, mais toujours avec justesse tout en filant une patate qui n’a rien de douce. Même le cel-shading, plus discutable dans The Walking Dead ou Game of Thrones, trouve ici toute sa pertinence dans son lien aux jeux Gearbox, permettant des expressions caricaturales dans le plus pur esprit de la saga.


Sans atteindre le niveau d’écriture des meilleures séries, Tales From the Borderlands fait preuve d’un rythme et d’un équilibre remarquables, référencé sans être excluant. L’humour omniprésent le différencie des autres productions Telltale, les californiens étant à la fois dans la continuité de ce qu’ils ont déjà proposé et dans le respect de la licence Borderlands. On peut bien sûr reprocher cette forme d’immobilisme, de recette presque inchangée, d’un développeur qui se repose sur ses lauriers plutôt que d’innover. Il faut leur reprocher, d’ailleurs, il faut vouloir de la nouveauté, du renouvellement de ce système, dont le succès dépend quasi-exclusivement de l’écriture. Il faut le reprocher, mais il faut aussi dire que cette saison de Tales From the Borderlands, c’est le pied intégral ! Et que parfois, l’efficacité suffit à compenser le manque d’originalité. On attend la suite avec impatience !

Créée

le 19 juin 2016

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Flavien M

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