Critique publiée à l'origine sur Etoile et Champignon.fr


Conçu pour un usage portable, le Tearaway original avait pour mission de promouvoir les fonctionnalités (tactile, gyroscopiques) de la PS Vita ; Tearaway Unfolded, du même studio, en est la « réimagination » adaptée à la manette PS4 : plus qu’un portage boosté au hardware de la console de salon de Sony, il s’agit d’un jeu de plateforme aux niveaux remodelés. Notre critique porte spécifiquement sur ce dernier. En son essence, Tearaway Unfolded est un jeu plutôt conservateur, qui ne casse avec aucun des codes du genre « plateforme » ; ses parcours sont composés à part égale de sauts précis et de sens du timing, avec une pincée d’affrontements « en arène » (rudimentaires et sans intérêt) et un soupçon de puzzles très légers. Comme dans Little Big Planet (la franchise-star du studio Media Molecule), son intérêt réside tout entier dans sa présentation visuelle, dont les idées les plus inventives irriguent parfois avec bonheur le champs du gameplay.


Le monde de Tearaway est un monde en carton-pâte, simulant une gigantesque maquette « fait-maison » avec l’idée de retrouver la chaleur de l’artisanal et de la vraie matière derrière le pixel – c’est l’atout « charme » des productions Media Molecule – : tout ce qui existe dans ce monde, des personnages au décor, pourrait avoir été confectionné en papier plié et collé, à l’exception des excellentes animations, bien virtuelles, elles, qui émulent le vent (sur la pelouse et soulevant les feuilles mortes) ou les mouvements de l’eau (rivières, cascades, ressac de la mer). Loin d’être limitative, cette contrainte permet aux artistes de Media Molecule de faire éclater leur talent dans la représentation d’environnements très divers, telles ces pelouses ensoleillées dont les bruns d’herbes sont figurés par des bandes de papier ondulant au vent, ce désert aux dunes de sables simulées par effets de collages, ou encore ce spectaculaire littoral en a-pic donnant sur une mer déchaînée, dont l’écume prend la forme de feuilles de papier blanc se roulant et se déroulant sans cesse.


Assez commun voire ennuyeux dans ses phases les plus classiques, le titre est à son meilleur quand il fait dialoguer la grammaire plateformesque (sauter, se rouler en boule) avec d’autres interactions plus démiurgiques, qui font du joueur un être tout puissant capable d’agir directement sur ce petit monde de papier. Au rang des interactions notables, citons la capacité d’illuminer le niveau, via une lampe qui nous donne le pouvoir de réveiller les vraies textures du monde camouflées sous un vilain papier-journal, ou encore de faire pousser des plateforme végétales. Puis vient le pouvoir du vent, qui permet de faire souffler des bourrasques en glissant le doigt sur le pavé tactile de la manette PS4 : les meilleurs moments du jeu reposent sur son utilisation, déclenchée par une simple pichenette, qui suffit pourtant à secouer tout l’environnement de jeu, à faire trembler des châteaux, à plier et déplier des pans entiers de montagne comme on tourne les pages d’un livre pour faire apparaître un chemin, et même à traverser une mer en séparant ses eaux tel Moïse. Cette idée ludique est ce qui permet à Tearaway Unfolded de s’éloigner au plus loin des écueils de son genre, et d’approcher de l’idéal d’une interaction la plus directe possible avec sa « matière ».


Dommage, donc, que le jeu n’en reste pas là, à cette sorte de précis vidéo-ludique sur l’art de l’origami appliqué au décor par l’entremise des interactions tactiles, et remplisse la plupart de sa seconde moitié (passées les découvertes) de ce qu’il a de moins captivant : de la plateforme au level-design insipide, parfois entravée par des angles de vues peu commodes, et dont le niveau prétendument le plus original, celui du monde de la page blanche où le chemin se déplie en direct sous nos pas comme pur parcours d’adresse, est aussi l’un des moins inspirés. C’est donc sur un goût de trop peu et une relative lassitude que l’on quitte Tearaway Unfolded, avec tout de même le souvenir de ses beaux moments où, par la grâce du tactile, une prise directe assez jouissive nous est donnée sur son décor.


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Benetoile
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le 26 avr. 2020

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