The Council
7.1
The Council

Jeu de Big Bad Wolf et Focus Entertainment (2018PC)

Ah ! Cyanide ! Je les aime bien eux ! Of Orcs and Men (en collaboration avec Spiders), Game of Thrones, les Styx… des jeux imparfaits certes, mais desquels il se dégage quelque chose. Bon, en l'occurrence, The Council a surtout été développé par Big Bad Wolf, une filiale du studio, dont les trois objectifs proclamés sont « une narration forte, un vaste panel d'émotions et l'importance accordée aux choix des joueurs »… rien que ça.

De toute façon, pour en finir avec l'assimilation avec Cyanide, ce n'est pas comme si on retrouvait quelques têtes ayant bossé dans ce studio : Sylvain Séchi, Fabrice Granger, Pierre Gilbert (bon après lui il est parti chez Ubisoft bossé sur Assassin's Creed Valhalla et Ghost Recon BreakpointPouah ça puire ! ), ainsi que le très sous-estimé Olivier Derivière à la BO.

M'enfin, je m'égare. Qu'en est-il de The Council ? Tient-il les promesses du studio ? Arrive-t-il à se positionner comme une bonne alternative à la formule Telltale, considéré par beaucoup comme éculée ? Est-il un bon jeu, tout simplement ?


Premier truc qui frappe quand on lance The Council pour la première fois : techniquement, c'est dégueulasse ! Je sais bien que c'est un peu facile de taper sur l'aspect technique des jeux Cyanide, mais pour le coup, ils sont arrivés à se surpasser avec The Council. À croire qu'une convention a été signée entre les développeurs de jeux d'aventure pour qu'ils soient tous moches (les jeux Quantic Dream font exception à la règle… mais gagnent en contrepartie le fait d'être écrit avec les pieds). Le jeu descend très souvent sous la barre des 60 fps, ce qui peut surprendre vu le peu de choses affichées à l'écran et le peu d'interactions proposées. Surtout que, même sans parler d'optimisation, ce n'est pas particulièrement joli, ça ressemble davantage à un jeu de la septième génération que de la huitième (pour rappel, le titre est sorti en 2018) : les animations sont figées, les personnages ne laissent passer que peu d'émotions, sont mal animés.

Le jeu a été développé avec leur moteur maison, le CyaTech. J'ai réussi à obtenir très peu d'informations sur ledit moteur : il a été utilisé pour certains jeux Tour de France, Blood Bowl 2… et c'est à peu près tout, le coupable est un professionnel, il a effacé toutes ses traces !… mais le fait que le premier PNJ que l'on rencontre ait exactement la même gueule que les PNJ des jeux Spiders (un studio très proche de Cyanide pour rappel), je sens qu'il y a une piste à creuser quelque part. C'est con parce que, pour finir sur une note positive, la direction artistique, elle, n'est pas trop dégueulasse. Dommage qu'elle soit desservie par ce moteur…


Bref, ce n'est pas tout, je vous raconte la vie du studio, de sa filiale, de la société sœur, de leur moteur… mais qu'en est-il du jeu ?

The Council est donc un jeu d'aventure qui pourrait sembler assez proche d'un jeu Telltale, mais qui arrive tout de même à s'en démarquer. En fait, le titre ajoute de nombreux éléments RPG au côté aventure. Le personnage que l'on incarne, Louis Mauras de Richet (la France, mesdames et messieurs !), a un métier (logique jusque-là), qui fait aussi office de classe, et que l'on choisit dès les premières minutes de jeu (détective, occultiste ou diplomate) ; il y a une quinzaine de compétences, réparties dans les trois classes précédemment mentionnées ; des talents qui se débloquent une fois qu'on a accompli certains objectifs secondaires ou montés certaines capacités jusqu'à un niveau précis ; des traits qui se débloquent automatiquement au fil de notre progression dans l'aventure… bref, il est quasiment impossible d'obtenir exactement les mêmes caractéristiques sur plusieurs parties.

Le gameplay est sommaire : pas de réels QTE, mais quelques actions qui doivent se faire en un temps limitée. Le jeu ne possédant aucun combat (du moins « combat » comme on l'entend dans la plupart des jeux vidéo), les compétences vont surtout nous être utiles ici pour interagir avec notre environnement ou avec les autres protagonistes afin de mener notre enquête : nous recherchons notre mère qui a disparu sur une île sur laquelle se sont donnés rendez-vous les Grands de ce monde (inutile de vous dire que si vous aimez les histoires à base d'occultisme et autres théories du complot, vous allez être servi). Le jeu tourne donc autour d'une enquête et le challenge repose sur deux axes : les énigmes et les confrontations avec les autres personnages du jeu. Dans le premier cas, les compétences nous seront utiles afin d'obtenir des indices dans le but de résoudre les différentes énigmes ; dans le second, elles nous permettront de nous servir des vulnérabilités des adversaires afin de prendre l'ascendant sur eux. À noter que les autres personnages du jeu possèdent certes des vulnérabilités, mais aussi des immunités, qui fait qu'utiliser certaines compétences contre eux se retournera contre nous, nous attribuant alors un malus. Forcément, les compétences ne sont pas (ré)utilisables à l'infini, toutes demandant un certain nombre de points d'efforts : pour le dire plus simplement des points d'actions.

Premier défaut : même si on joue mal, même si on abuse des compétences, on ne se retrouvera jamais en manque de points d'effort. En tout cas, je n'ai pas eu l'impression de bien jouer, j'ai souvent gaspillé mes points d'effort pour des trucs à la con (du genre en apprendre plus sur le lore lors des phases d'exploration ou obtenir des indices sur une énigme que j'avais déjà résolue), et pour le peu que je fouillais dans les niveaux, je n'étais pas en manque du tout. C'est dommage parce que là où le jeu aurait pu m'obliger à réfléchir, j'ai toujours choisi la voie de la facilité, et je n'en ai jamais subi les conséquences.

Du coup, justement, comme je viens de l'évoquer, et comme vous devez vous en douter, le fait de ne jamais être en manque de points d'effort implique un autre défaut : le jeu est globalement très simple. Je n'ai jamais été menacé par la moindre confrontation et seules quelques rares énigmes ont réussi à me faire cogiter. Cependant, bien que les énigmes soient plutôt inégales, et que les compétences ont tendance à un peu trop les faciliter, je les ai trouvés réussies dans l'ensemble. Bien au-dessus des rares que l'on peut voir dans un jeu Telltale par exemple (on y revient… et encore, parler d'énigmes pour leurs jeux…) : certaines sont très simples, certes, mais d'autres se révèlent plus complexes, et je tiens d'ailleurs à souligner que l'énigme de la fin de l'épisode 3 est particulièrement réussie.

Autre défaut, moins impactant, mais à noter tout de même : tout à beaucoup trop tendance à tourner autour de l'obtention de points de compétences. « Il est con ou quoi ? C'est un RPG ! Forcément qu'il y a des points de compétence ! »… peut-être que vous vous dites ça… mais peut-être aussi que vous avez déjà joué à d'autres RPG dans votre vie, et dans ce cas, vous savez alors qu'un jeu de ce type ne tourne pas forcément autour du gain de points de compétence. Prenons l'exemple des traits : vous réussissez une action particulière à un moment du jeu ? Vous gagnez un point de compétence dans une capacité en lien avec l'action que vous avez effectué. Vous réussissez une autre action, voir échouez ? Vous gagnez un point de compétence dans une autre capacité. La classe que nous choisissons au départ sert uniquement à monter au niveau 1 les compétences de la classe en question (il n'y a donc pas de compétences uniques liées à chaque classe). Même les talents ont tendance à trop tourner autour de ça, malgré quelques-uns un poil plus exotiques accessibles lorsqu'on approche de la fin de jeu. Ce que je vais dire est con hein, mais The Council étant un jeu d'aventure, avec des choix à effectuer, pourquoi ne pas avoir intégré des malus définitifs nous empêchant de manipuler certains personnages si on a abusé de certaines compétences sur eux ? Voir des trucs à la The Outer Worlds, avec des traits/talents qui nous apporteraient à la fois un bonus et un malus ? C'est con parce qu'autant durant les premières heures de jeux, j'étais content lorsque j'obtenais un nouveau trait ou un nouveau talent, autant plus j'avançais plus je n'en avais absolument plus rien à battre.

Encore une fois, le concept derrière The Council est loin d'être idiot, mais encore une fois, il aurait pu être poussé plus loin… Ç'a beau être le premier jeu du studio d'un certain point de vue, ce n'est pas le premier RPG de ses créateurs.


Forcément, s'il y a bien une particularité de The Council sur laquelle tous les projecteurs sont braqués, c'est au niveau de son écriture et de ses embranchements. Pour le coup, le jeu se montre bien plus irréprochable à ce niveau-là. Les intrigues sont bien amenées, les personnages sont bien écrits, interagissent tous différemment avec nous, il y a pas mal de dialogues… peut-être trop même, au point où parfois le jeu parle pour ne rien dire. À noter que le titre est plus long que les autres jeux du genre, comptez bien une douzaine d'heures pour en voir le bout (surtout si vous aimez prendre votre temps comme moi).

À vrai dire, j'ai peu de reproches à faire à The Council à ce niveau-là, surtout qu'il propose de nombreux embranchements : le jeu nous invite très régulièrement à faire des choix entre deux propositions, et une fois l'une de ces deux propositions sélectionnées, il peut très bien nous en proposer d'autres à l'intérieur de ces mêmes passages. C'est loin d'être binaire quoi. En plus, les choix effectués peuvent avoir de véritables répercussions dans les épisodes suivants, mais aussi sur la fin. Pour le coup, je ne vais pas spoiler, mais le titre est loin de se contenter de deux ou trois fins balancées comme ça lors des cinq dernières minutes de jeu.

Autre détail notable, comme je l'évoquais plus haut, il est possible d'en apprendre un peu plus sur le lore à certains moments, encore plus si on possède les compétences adéquates. C'est le genre de truc que j'apprécie : le jeu ne nous oblige pas à tout gober et on peut tout aussi bien vouloir en apprendre le plus possible sur son univers, ou tracé vers l'objectif, sans être puni pour autant.


Reste un point majeur à évoquer, un point qui me chagrine un peu : celui de la localisation. Big Bad Wolf Studio étant un développeur français, et l'action nous faisant incarner un Français à une époque où la langue française avait une place de choix dans la diplomatie, on aurait pu s'attendre à ce que le jeu soit entièrement doublé en français… malheureusement, ce n'est pas le cas. Fort heureusement, les textes le sont, sans quoi j'aurai probablement attribué la note de 1 sur 10 au jeu dont il est question ici pour collaboration avec l'occupant.

Plus sérieusement, et pour clarifier ma vision sur le sujet, autant je comprends la volonté de privilégier un doublage anglophone, autant je ne la partage pas forcément. Prenons l'exemple des Yakuza, les jeux de cette licence étant inscrits dans ma longue liste des jeux que je compte faire un jour… peut-être. Sauf qu'il y a une chose dont je suis sûr : l'action prenant place au Japon, je préférais ne pas y toucher du tout plutôt que d'y jouer avec un doublage anglois. On pourrait me répondre en affirmant que l'univers, l'immersion, est l'une des principales qualités de la licence Yakuza et que ç'aurait été un sacrilège de la sacrifier pour un doublage conçu pour la perfide !… et justement, j'ai l'impression avec The Council que les développeurs croyaient un minimum en leur univers. Sacrifier un doublage français pour « économiser un peu de sous sur le développement », ç'a plus tendance à m'envoyer un mauvais signal qu'autre chose. Surtout que, même sans forcément prendre l'exemple des Yakuza, si demain je dois jouer un conquistador espagnol se retrouvant face à des Incas, je préférais de loin incarner un personnage parlant espagnol et non anglais. Ok ça vend plus… mais j'aurais tendance à dire que je m'en fiche : l'immersion et la cohérence ne devrait pas être sacrifié pour une histoire de budget doublage.

Surtout qu'il y a autre chose à mettre dans la balance : à certains moments, des personnages vont communiquer dans une autre langue ou on va être confronté à une langue qui nous est peu familière à travers un texte. Des passages que l'on peut comprendre uniquement si nous avons un bon niveau dans la compétence « Linguistique ». Du coup, me vient là deux théories, qui ne rentrent pas forcément en contradiction, sur la manière dont a été conçue le jeu :

  • Soit le jeu a été écrit en français pour être joué en français, ce qui expliquerait la prédominance de personnages français… et du coup, il n'y a pas vraiment de VO, on y joue dans une sorte de version traduite, d'adaptation. C'est donc raté.
  • Soit le jeu a été conçu dans une optique de jouer avec les langues, avec le fait qu'on ne puisse pas être compris par certains… et c'est raté là encore. Le titre n'usant de cette mécanique que très rarement.

Par ce dernier point, il faut bien comprendre une chose : quand Louis, personnage français, parle à l'officier Napoléon (le vrai Napoléon… je suppose qu'il est inutile de vous rappeler la langue qu'il parlait), le dialogue se fait… exclusivement en anglais. Franchement, je veux bien accepter que les personnages parlent en anglais la plupart du temps, mais quitte à ne proposer qu'un seul doublage, pourquoi ne pas avoir joué là-dessus : pourquoi ne pas avoir fait en sorte que le personnage principal et les autres Français parlent… en français ? Pourquoi ne pas avoir approfondi les communications en latin avec le cardinal ? Pourquoi ne pas faire en sorte que Wöllner parle en allemand afin qu'on ne puisse pas le comprendre, vu que ça semble être son délire de vouloir nous emmerder jusqu'au bout ?

La seule réponse que je vois est un bête « tout le monde parle en anglais aujourd'hui, donc on a fait en sorte d'en mettre le plus possible ». C'est un peu triste je trouve, à croire que les joueurs de jeux vidéo sont de parfaits débiles incapables de lire des sous-titres ou de tenter de comprendre un texte dans une autre langue.

Mais ce n'est pas fini ! Il y a autre chose qui ne va pas avec les doublages ! Ils sont dégueulasses ! Franchement, j'ai beau ne pas être un natif, je les ai trouvés vraiment pas bons dans l'ensemble ! Le pire étant sans conteste celui de Napoléon qui risque de vous faire un infarctus tant on se rapproche du niveau de Jacques Villeret qui imite l'accent belge dans Le Dîner de Cons.

Et ce n'est toujours pas fini ! La synchro labiale elle aussi est dégueulasse ! À croire que les animations ont été conçues pour que les personnages parlent dans une autre langue (ce qui irait dans le sens de ma première théorie).

Bref, le doublage de The Council n'est pas loin d'être catastrophique, au point où lorsque j'ai refait certains passages du jeu afin de découvrir les autres opportunités, je les ai faits sans les voix. Un peu triste pour un jeu d'aventure non ?


Il reste une dernière chose à évoquer et que je n'ai pas évoqué jusqu'à présent : le jeu perd en intérêt au fil des épisodes. En tout cas, de mon côté, j'ai décroché une fois arrivé au milieu de l'épisode 4 et *spoiler* plus particulièrement à partir du moment où l'on débloque la capacité de lire dans les esprits : une capacité-gadget qui ne sera de toute façon pas vraiment exploitée (à la limite, ça nous facilite encore plus les confrontations). Même les opportunités, des sortes d'observations pouvant être effectuées en temps limités, disparaissent au fur et à mesure que nous progressons dans l'aventure. En résulte un épisode final vachement décevant qui, certes, nous met face à de multiples fins, mais se révèlent particulièrement mal écrit… à croire que les développeurs voulaient passer à autre chose.


The Council est donc un jeu très perfectible, mais loin d'être inintéressant pour autant. Une sorte de premier jet, avec quelques taches d'encre qui ne font pas très propre, dont le texte aurait été raturé par endroit et qui aurait gagné à subir quelques corrections et autres modifications… mais force est de constater que l'idée est là, et que, pour reprendre les trois objectifs proclamés par le studio et énoncés en introduction de cette critique, deux d'entre eux ont été accomplis : la « narration forte » et l' « importance accordée aux choix ». Reste le « vaste panel d'émotions », absent tout du long, et encore plus absent du peu d'expression dont sont capables les personnages du jeu. Reste à voir s'ils ont réussi à améliorer leur formule avec leur dernière production, Vampire: The Masquerade - Swansong (a priori non), ou s'ils réussiront à l'améliorer dans le futur. Dans tous les cas, pour peu que l'on apprécie ce genre de jeu d'aventure au format épisodique, The Council vaut clairement qu'on s'y intéresse.

Créée

le 30 sept. 2023

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MacCAM

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