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Parlons de The end is nigh ! Si vous connaissez un peu le mec (edmund mcmillen) vous savez que ce jeu est chelou, étrange mais attirant, car le mec a une tendance à créer des univers complètement...
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le 5 avr. 2020
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En quelques années, Edmund McMillen est devenu une figure emblématique du jeu vidéo. Célèbre pour ses univers très personnels, du s'catho-cauchemardesque de Binding of Isaac, à l'humour potache et irrévérencieux de Super Meat Boy... le bonhomme a fait un sacré parcours depuis les jeux flash sur le web et autres concepts obscurs. Seulement voilà, c'est aussi un designer de génie qui transforme en or tout ce qu'il touche. Les deux jeux déjà cités étant devenus des références dans leur domaine. Qu'en est-il alors de ce The End is Nigh ?
Déjà, pour la petite histoire, le jeu a été annoncé très peu de temps avant sa sortie (1 mois), afin notamment d'éviter tout retard sur un planning trop officiel. Ensuite, McMillen explique sur son site que ce jeu a été très important pour lui. Vous l'avez compris avec l'intro ou si vous connaissez un peu ses créations, mais l'artiste est tourmenté. Et il a ainsi ressenti le besoin de se recentrer sur un projet personnel et gardé secret, pour savoir si ce métier l'intéressait toujours. Revenir à l'essentiel. Retrouver la flamme du début, et exorciser ses vieux démons, là où ses jeux, aussi cathartiques soient-ils, n'ont pas suffi. Peut-être. Donc petite équipe (en binôme pour la plupart du travail), développement relativement court (7 mois)... Et résultat ?
The End is Nigh (TEIN) est un jeu de plateforme à la difficulté très élevée et aux influences rétro, comme son grand frère Meat Boy. Et comme j'ai re-re-re-terminé ce dernier juste avant de découvrir TEIN, la comparaison est inévitable. Et étrangement (ou logiquement, d'ailleurs), cette comparaison peut se résumer à celle de leur OST respective.
D'un côté, on a Super Meat Boy, avec des sons électro à l'ancienne, des rythmes punk/metal endiablés,... C'est le retro sous acide. La folie frénétique de l'arcade. Le geek qui cherche la transe sur de l'électro ou du trash super speed qui tabasse. Et le jeu peut être vu comme ça (jusque dans le côté die&retry des niveaux, comme le rythme répétitif et lancinant de certains genres électro ou speed metal). Un jeu de plateforme façon trip old-school sublimé et "hardcor-isé" en somme.
Et de l'autre côté, on a The End is Nigh, avec ses versions rock/electro de musiques classiques célèbres. C'est du plus bel effet, et là aussi, ça se marie très bien avec le reste du jeu : c'est du classique, c'est du connu, mais c'est survitaminé. C'est du rock (toujours à inspiration retro/chiptune) mais un peu guindé, en joli costume. Un mec qui plane en écoutant des légendes du rock et du shred reprendre des thèmes classiques. C'est plus lent et feutré, comme un long râle sourd qui fini en apothéose orchestral, mais l'espace d'un trip/jeu, les deux joueurs/OST se retrouvent dans cet état second, cette recherche de la transe, du dépassement de soi, de la maîtrise d'un système qui va au-delà de notre conscience (mentale et cognitive).
Parce que oui, TEIN est bien l'héritier de Meat Boy. Direction artistique minimaliste (mais plus harmonieuse (bien qu'un brin trop minimaliste peut-être) que chez SMB), contrôle extrêmement précis, de nombreux niveaux, des items à collecter, des niveaux cachés à débloquer, et toujours ce ton décalé cher à McMillen. Et pourtant, ce jeu se vit différemment.
La frénésie de SMB laisse place ici à l'exploration de niveaux connectés, la réflexion avant d'agir, le retour en arrière... Fini le chrono. Il est toujours question de trouver le meilleur chemin et de réussir à l’exécuter sans accroc (et parfois rapidement), mais cette approche différente de la plateforme est plutôt jouissive et prometteuse. Comme si on passait de Sonic à Mario, ou de Ghouls'n Ghosts à Super Metroid.
Le die&retry est toujours au rendez-vous, de même que la réapparition instantanée, limitant la frustration et la colère en nous replongeant aussi sec dans la mêlée. Et s'il est impossible de refaire un niveau isolé sans commencer le monde depuis le début, leur taille, et la difficulté raisonnable de chacun d'eux (et parfois la possibilité de rebrousser chemin) rend la progression intéressante et originale. Reste que le rythme moins nerveux du jeu, son gameplay encore plus millimétré et son ton moins léger que son aîné font qu'on s'énerve plus vite, là où une mort violente dans SMB pouvait très souvent nous faire rire ou sourire.
Je ne vais pas m'étendre bien plus, maintenant que je me la suis raconté avec ma comparaison musicale (qui était plus parlante dans ma tête qu'une fois écrite, comme toujours :P). Pour faire court, disons que j'ai préféré SMB. Son gameplay est plus riche et flexible, et on ne le prend jamais en défaut. TEIN est tout autant maîtrisé techniquement, mais les contrôles sont encore plus sensibles (trop) et les espaces encore plus étriqués. Ce qui rend certains passages inutilement (et injustement) rageants. A moins que cela vienne des manettes de la Switch, inadaptées à tant de précision. Ou simplement qu'avec une maîtrise avancée de SMB, me retrouver à ré-apprendre à maîtriser un autre jeu me déstabilise...
Super Meat Boy pouvait presque être vu comme un jeu de rythme, un jeu de performance ou de speedrun : il fallait aller vite, toujours plus vite, et refaire en boucle les niveaux jusqu'à ce que le timing parfait soit ancré dans notre esprit, mais surtout dans nos muscles. À chaque essai, on tentait d'aller plus loin dans le niveau, cherchant le chemin idéal, et l'exécutant le plus précisément possible. Et aujourd'hui, quand je reprends le jeu, 1 an après l'avoir lâché, ces timings sont toujours en moi, ils s’exécutent presque sans que j'y pense.
Dans The End is Nigh, l'approche n'est pas du tout la même. Le chemin idéal est très vite identifié puisque les niveaux ne sont pas très complexes ni très longs (souvent un seul écran fixe). On sait donc ce qu'il faut faire, mais malgré ça, on bloque, mongolisant sur un obstacle qu'on a déjà passé des tonnes de fois. À mesure que l'on avance dans le jeu, le kiff de l'exploration laisse donc place à la frustration quand trop souvent notre patience, notre réflexion, ou notre concentration sont piétinées à cause d'un millimètre en trop ou en moins, alors qu'on était pourtant sûr d'avoir dosé notre geste de la même façon.
A part ça, la direction artistique est harmonieuse, le world design intéressant, les bonnes idées plutôt nombreuses, l'interface nickel, et même le nombre de vies pour boucler les niveaux bonus
a été amélioré (20, au lieu de 3 dans SMB). Et la durée de vie est correcte (24h pour un 1er run à ~78%, soit un peu plus que le temps que je mets aujourd'hui pour finir SMB). C'est donc un bon jeu, indubitablement. Mais peut-être pris entre deux idéologies, le classicisme d'un côté, et le hardcore de l'autre. À choisir, je préfère l'engagement total bien que parfois maladroit ou désuet de SMB.
En fait, TEIN est un SMB assagi. C'est le jeu de la raison mais qui ne veut pas oublier ses origines. Moins foufou tout en en gardant l'essence. Plus précis, plus travaillé, plus intelligent, moins déluré et dispersé. Mais moins passionné aussi peut-être. Ça ne vous rappelle pas le contexte de création, évoqué en introduction...? Mais heureusement, McMillen nous a fait une "Final Fantasy" et semble reparti de plus belle ! :-)
Ce The End is Nigh a tout ce qui semblait manquer à Super Meat Boy. Pourtant, il y avait quelque chose de frais, d'hypnotisant et d'addictif dans SMB que je n'ai pas retrouvé ici. Alors peut-être qu'avec un gameplay moins minutieux... Ou une difficulté moins hardcore sur les niveaux bonus (où même 20 vies ne m'empêchent pas d'abandonner),... Ou des secrets moins galère à dénicher... Ou alors ce sont mes aspirations vidéoludiques qui ont évolué, de sorte que je n'ai plus la patience et l'envie de ce genre de défis (et aussi la capacité d'y arriver sans rager). Peut-être faudra-t-il que j'y rejoue un jour prochain (en mode TV et avec une manette classique peut-être ?). Qui sait. En tout cas, je vais ré-écouter en boucle l'OST, c'est sûr.
Pour l'instant, je peux quand même dire que j'ai beaucoup aimé le jeu, que McMillen a encore pondu un grand jeu (vivement les prochains !), mais que je ne suis pas très motivé à tenter d'atteindre le 100%. Peut-être que ça viendra, comme pour Super Meat Boy, que je me suis surpris à aimer davantage au fil du temps, et même à finir à 100% un jour.
Comme un morceau de musique classique, demandant plusieurs écoutes attentives et du temps avant d'être perçu et ressenti (et joué) à sa juste valeur.
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Créée
le 19 janv. 2018
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